SOCIÉTÉ

Running for the Oval #2 – Nixon vs Humphrey : élection sous haute tension dans une Amérique divisée

Nixon pendant sa campagne de 1968 © Ollie Atkins / White House

Au cours de l’été, Maze vous propose une rétrospective de certains épisodes marquants des élections présidentielles américaines. Ils rythmeront les semaines qui nous séparent de l’élection présidentielle du 3 novembre, qui verra s’affronter Donald Trump et Joe Biden.

1968 est une année marquante aux Etats-Unis  : deux assassinats politiques majeurs et la guerre du Vietnam qui s’embourbe. En novembre, l’élection du républicain Nixon est ainsi perçue comme une solution au sentiment d’insécurité que ressentent certains Américains.

Des primaires marquées par deux assassinats

Chez les républicains, comme chez les démocrates, trouver un candidat pour les prochaines présidentielles est un exercice difficile. Les divergences d’opinion, notamment sur la guerre du Vietnam, fracturent les deux partis.

Du côté démocrate, plusieurs candidats sont en lice dont le président actuel Johnson et le frère de J.F Kennedy, Robert surnommé Bobby. Le duel est de courte durée puisque le locataire de la maison blanche démissionne rapidement face à la popularité et renommée de Robert Kennedy qui semble déjà être le candidat favori. Une course à la présidence écourtée puisqu’il est assassiné le 5 juin. Un évènement tragique qui remet en cause l’ensemble des élections puisqu’aucun autre candidat démocrate ne s’était réellement démarqué.

C’est à ce moment-là que Humphrey devient le candidat du parti démocrate sans être passé par des primaires. Il est le vice-président de Johnson et s’était déjà présenté contre J.F Kennedy en 1960 pendant les primaires démocrates. Sa carrière politique est moins impressionnante que celle de Robert Kennedy, la politique n’était pas son ambition première. Il vient d’une famille modeste et a pour ambition initiale de devenir enseignant, raison pour laquelle il entame de longues études en sciences politiques. Au fil de ses lectures, il devient un grand défenseur des causes libérales et se ferra connaître par la création de son organisation « Americans for Democratic Action. » Il entre dans le milieu politique par ce biais et fini par être nommé sénateur du Minnesota en 1948. Mais c’est surtout en tant que vice-président qu’il se démarque notamment par les réformes qu’il met en place pour mettre fin à la ségrégation raciale.

Humphrey a un profil moins estimé que celui que pouvait avoir Robert Kennedy – vu par la population comme l’homme politique américain par excellence – mais il a une vraie connaissance du contexte et des enjeux actuels par son poste de vice-président. Un contexte difficile qui divise l’Amérique tant sur les questions sociales et raciales que sur la guerre du Vietnam.

Nixon est le premier à vouloir profiter de la situation pour devenir le candidat républicain à la présidentielle. Il remarque que les démocrates ont du mal à se décider sur leur candidat et qu’ils sont trop occupés à s’opposer au sujet de la guerre. Ce constat le pousse à se présenter, pour la deuxième fois, aux élections. Il est déjà connu de la société américaine de par sa défaite contre Kennedy en 1960 et grâce aux débats télévisés qui ont rythmés cette élection. Le parti est unanime, il sera leur candidat : Nixon fait figure d’homme politique conservateur capable de gérer une situation compliquée comme celle des Etats-Unis à ce moment-là.

Dans un pays déjà troublé par la guerre et la lutte pour les droits civiques, un événement vient mettre le feu aux poudres  : l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril 1968. L’un des principaux porte-parole des droits civiques, qui plus est pacifiste, est tué. De nombreuses émeutes éclatent dans les grandes villes américaines, plus ou moins violentes, pour condamner cet assassinat. Ces nouvelles manifestations renforcent le sentiment d’insécurité que ressent une partie de la population américaine qui se sent en danger.

C’est sur ce point que Nixon va baser tout son programme et sa rhétorique  : l’insécurité. Une insécurité double puisque la guerre du Vietnam menace la place des Etats-Unis dans le monde et les émeutes et manifestations, tant pour les droits civiques que contre la guerre, éclatent dans les rues.

La guerre du Vietnam, responsable d’une société divisée

La guerre du Vietnam déchire les Etats-Unis depuis le début des années 60, ce qui devait être une courte guerre pour éviter la réunification d’un Vietnam communiste se transforme rapidement en massacre. A partir de 1965, les Etats-Unis se mobilisent intensément dans la région en bombardant massivement le nord du pays et perdent de plus en plus de soldats.

L’offensive du Têt qui survient en pleine campagne électorale marque définitivement l’échec américain à contenir le conflit. Les affirmations du président Johnson selon quoi la situation s’améliore sont contredites par cet évènement. La guerre devient une priorité numéro un pour les Américains qui, pour la majorité, ne voit pas le gouvernement démocrate comme capable de mettre fin au conflit.

L’administration Johnson essaye d’engager des pourparlers massifs pour éviter l’enlisement du conflit qui semble s’annoncer. Humphrey, son vice-président, en est chargé pour appuyer sa crédibilité et sa légitimité en tant que candidat aux présidentielles. Nixon s’empare de l’opportunité puisqu’à l’aide d’intermédiaires il complique les négociations. En coulisses, il promet aux nord-vietnamiens de meilleures conditions de négociation s’il est élu président.

Autre facteur à prendre en compte, la société américaine qui est profondément divisée sur la question de la guerre du Vietnam  : certains sont pour un engagement plus massif et d’autres contre comme le montre l’apparition du mouvement hippie au début des années 1960. Nixon va dans le sens des premiers en appuyant son argumentation sur l’insécurité et le prestige de l’armée ainsi que la puissance américaines dans le monde. Une stratégie de campagne qui le mène à la victoire le 5 novembre 1968.

Une victoire républicaine et conservatrice

Richard Nixon prend ses fonctions en janvier 1969 après avoir obtenu 43,4 % des voix et le vote de 301 grands électeurs (contre 42,7 % et 191 pour Humphrey). Cette victoire s’appuie largement sur les votes des sociaux-conservateurs. Soit une majorité d’Américains qui espère un retour à l’ordre comme l’a promis Nixon, en particulier un retour au calme dans les rues. C’est un moment marquant pour l’histoire politique des Etats-Unis puisque les républicains n’avaient gagné qu’une seule élection depuis 1932. A partir du mandat de Nixon la tendance s’inversera, les démocrates se feront difficilement leur place à la tête du pays.

Si l’élection de Nixon est marquante, le vote populaire est quant à lui extrêmement serré. Un résultat qui reflète parfaitement l’opposition entre deux générations  : une plus âgée en faveur de la guerre et une autre, jeune, portée par des idées pacifistes. Cet écart, ainsi que l’opposition des plus jeunes à l’establishment américain, ne font que se creuser dans les années qui suivent. L’objectif de Nixon est par ailleurs clair comme il le rappelle lors de son élection, il souhaite «  rassembler la nation divisée.  »

Le nouveau président américain veut mettre fin à la guerre du Vietnam mais pour autant il maintient une politique belliciste en s’engageant d’autant plus dans le conflit. Une stratégie qui semble inspirer confiance puisqu’il est réélu en 1972 avec une grande avance sur son adversaire démocrate McGovern. Un mandat qui dure moins de deux ans puisque suite aux révélations du Watergate, Richard Nixon prend la décision de démissionner. Une affaire révélée par le Washington Post qui ternira à jamais son image politique et ses actions en tant que président des Etats-Unis.

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