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Le gouvernement de Donald Trump a annoncé ce vendredi 12 juin, qu’un règlement favorisant les discriminations dans l’accès aux soins pour les personnes transgenres venait d’être approuvé. Une nouvelle règle qui tend à réduire encore une fois les droits civiques de cette minorité.
La suppression des protections contre la discrimination dans le monde médical signifie que des médecins pourront légalement refuser des soins à des personnes transgenres. Cette nouvelle tombe quatre ans, jour pour jour, après la fusillade d’Orlando dans une boîte de nuit gay. Un cadeau d’anniversaire amer pour la communauté LGBT+ qui doit sans cesse faire face à une forte discrimination aux États-Unis. L’annulation de cette aide aux soins pour les personnes transgenres surprend en plein milieu de la crise sanitaire du Covid-19, les États-Unis étant le pays le plus endeuillé au monde de cette pandémie.
De nombreuses associations de lutte contre les discriminations ont vivement critiqué cette décision qui entrera en vigueur dans moins de 90 jours et touchera près de 1,4 million de personnes transgenres aux États-Unis.
Une question se pose immédiatement, pourquoi viser, par ce nouveau règlement, une partie de la population déjà extrêmement discriminée ? Lorsque Barack Obama était à la présidence, le statut des personnes transgenres avait été défini dans une loi de l’ObamaCare. Cette réglementation définissait le genre comme un choix personnel et réfléchi. Il n’était pas en lien direct avec le sexe biologique mais relevait du sentiment intime d’une personne à se sentir homme, femme ou les deux en même temps. Cette décision personnelle et centrale dans la vie d’une personne ne sera plus prise en compte par l’actuel gouvernement.
Donald Trump veut privilégier la définition du terme « genre » non pas comme un choix personnel, mais une définition biologique, c’est-à-dire, privilégier le sexe d’un individu à la naissance. Pour ce gouvernement, il faut définir le genre « sur des bases biologiques claires, fondées sur la science, objectives et immuables ». Cette définition restreint une nouvelle fois le statut légal des personnes transgenres aux États-Unis.
La communauté transgenre, cible du gouvernement Trump
Depuis la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles de novembre 2016, les droits de la communauté LGBT+ sont devenus de plus en plus controversés. L’administration du président a plus d’une fois tenté de limiter leur protection au travail, dans le monde juridique et maintenant au niveau de la santé.
Six mois après son investiture, l’association Human Rights Campaign a diffusé une vidéo intitulée : « la jeunesse Trans décrit à Trump ce que signifie être un ami de la communauté LGBT. » Cette vidéo est une réponse à un discours de Donald Trump qui expliquait, selon lui, qui étaient les véritables amis de l’Amérique. Cette vidéo est l’une des premières mobilisations de la communauté sous le mandat Trump.
En 2018, le gouvernement américain tente d’intensifier les mesures à l’égard de la population transgenre, en modifiant le terme « genre » par « sexe » dans la nomenclature du Département d’État, afin d’empêcher les personnes transgenres, c’est-à-dire, non binaires, de pouvoir s’identifier correctement sur leurs papiers administratifs. Cette modification met en péril le statut juridique de ces personnes au niveau fédéral.
En 2019, l’accès à l’armée est interdit à cette partie de la population et leur statut particulier devient un motif de licenciement légal. Selon le Think tank American movement advancement project : « plus de la moitié des américains LGBT+ vivent dans des États sans protection explicite du lieu de travail, ce qui signifie qu’ils pourraient être licenciés ou harcelés pour avoir été homosexuels ou transgenres et avoir peu de recours légaux. » Cependant, à la suite de ces restrictions, la Cour suprême vient d’annoncer, lundi 15 juin 2020 qu’elle s’opposait à la décision du Président en interdisant le licenciement pour motif d’homosexualité et d’identité de genre. Une première victoire pour la communauté LGBT+, mais qui doit maintenant faire face à une discrimination sur le plan sanitaire depuis le vendredi 12 juin.
Quelles sont les conséquences de cette annulation ?
En supprimant petit à petit les protections au travail, dans le monde juridique et maintenant au niveau sanitaire, le gouvernement de Donald Trump tente de faire disparaitre, petit à petit, le statut légal des personnes transgenres.
Cette suppression de la protection contre la discrimination dans le monde médical risque de mettre en péril l’accès aux soins d’une partie de la société. Ces personnes qui ne sont pas nées dans le bon corps et qui ont subi des opérations et de lourds traitements pour correspondre à leur véritable genre risquent de ne pas pouvoir être hospitalisées. Par l’annulation de cette protection, le corps médical pourra légalement refuser une personne transgenre, sans avoir besoin de se justifier.
De nombreux professionnels et associations se sont indignés de cette décision, car « cette règle signifie qu’un prestataire médical peut refuser à une personne de subir un test Covid-19, simplement parce qu’elle est transgenre », en pleine pandémie, s’indigne Rodrigo Heng-Lehtinen, directeur exécutif adjoint du National Center for Transgender Equality. Les tests pour le Covid-19 sont les seuls moyens actuels pour limiter la propagation du virus au sein de la population. Refuser des tests à certaines personnes, c’est condamner le reste de la population. Cependant, d’une manière générale, autoriser des médecins à refuser des soins aux personnes transgenres, c’est les condamner. Pour le Dr Susan Bailey, Présidente de l’Association médicale américaine, « le gouvernement fédéral ne devrait jamais rendre plus difficile l’accès aux soins, que ce soit pendant une pandémie ou n’importe quand ». Pour rappel, l’accès aux soins aux États-Unis est beaucoup plus difficile pour une grande partie de la population qu’ici en France, car il n’y a pas de système de cotisation à une sécurité sociale et donc les tarifs des hôpitaux, dentistes, médecins, etc, sont extrêmement chers.
Pour aller plus loin dans la discrimination des personnes transgenres, selon la rédaction du magazine Rolling Stone, l’identification des personnes pourrait dans un futur plus ou moins proche, ne plus se limiter à une pièce d’identité, mais pourrait « s’appuyer sur un test génétique, si nécessaire ». L’administration de Trump souhaite qu’une personne ne soit identifiable que par son patrimoine génétique qui est une preuve du sexe initial. Donc, une personne transgenre qui est passée du sexe masculin à féminin peut s’identifier sur sa pièce d’identité comme une personne de sexe féminin. Cependant, avec un test génétique le sexe masculin de la naissance sera toujours présent. Ainsi, la modification voulue par la personne de changer son genre ne sera jamais totalement reconnue et acceptée.
Vers un retour en arrière des droits civiques et du statut des LGBT+ ?
L’annonce de Donald Trump ce vendredi 12 juin, a renforcé la mobilisation de la communauté LGBT+ déjà très présente sur les réseaux sociaux. Depuis octobre 2018, le hashtag #WontBeErased, « nous ne serons pas effacés » est apparu suite aux décisions du gouvernent de Trump à vouloir modifier le terme « genre » par « sexe ». Mais, depuis que le droit d’accès aux services médicaux a été mentionné, de nombreuses réactions ont vu le jour :
Nous ne laisserons pas cette attaque contre notre droit fondamental […] ne pas être contestée. Nous les verrons au tribunal et nous continuerons de mettre les élus au défi de s’élever contre cette tentative d’éroder les protections essentielles dont les gens ont besoin et de sanctionner la discrimination
Campagne pour les droits de l’homme – New-York times
C’est une décision absolument méprisable de l’administration Trump. Annuler la protection contre la discrimination dans le secteur de la santé pour les personnes trans pendant le mois de la fierté, alors que l’accent est mis sur l’égalité pour les personnes LGBT+, ne peut pas être une coïncidence. Il s’agit d’une attaque directe contre les droits fondamentaux des personnes trans, et marque un pas en arrière pour la justice de genre et contraste fortement avec les normes internationales des droits de l’homme. Des pays aussi divers que le Pakistan, l’Uruguay et le Portugal ont fait de grands progrès dans la reconnaissance des identités trans et la codification des protections contre la discrimination légale ces dernières années. OutRight condamne sans équivoque cette démarche insensible. Les droits trans sont des droits humains. Il ne peut y avoir de débat à ce sujet.
Jessica Stern, directrice exécutive d’OutRight Action International
Malgré une tentative de retour en arrière par le gouvernement actuel, les mobilisations des associations et des différents corps de métier (médecins, avocats, juges…) n’acceptent pas cette décision allant à l’encontre de l’évolution des mentalités et du bien-être des individus.
La contestation de ce nouveau règlement est actuellement en cours. L’association américaine pour les libertés civiles (ACLU) va saisir la Haute Cour pour contester cette décision. Tout comme le groupe de défense des droits des LGBTQI+, la Human Rights Campaign, qui a déclaré qu’elle prévoyait de « poursuivre l’administration Trump pour avoir (…) tenté de retirer les protections des soins de santé des communautés vulnérable. »