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PALME D’OR – « Pulp Fiction » ou le postmodernisme de Tarantino

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Le Festival de Cannes n’aura pas lieu. En tout cas, pas en mai. Et pas sous la forme que l’on connait. La rédaction vous propose une sélection non exhaustive de Palmes d’or qui ont jalonnées l’histoire du festival depuis sa création.

Pulp Fiction, film américain sorti en 1994 et réalisé et écrit par Quentin Tarantino. Il est récompensé par la Palme d’or au Festival de Cannes cette même année ainsi que par l’Oscar du meilleur scénario original l’année suivante en 1995. Quentin Tarantino propose une distribution culte qui se compose notamment d’Uma Thurman, de John Travolta, de Samuel L. Jackson, de Bruce Willis ainsi que de Harvey Keitel.

Pulp Fiction tient son nom des pulp magazines, populaires aux États-Unis durant la première moitié du XXe siècle. Ce sont des revues peu coûteuses, de piètre qualité qui racontent des fictions et dont les dialogues sont incisifs et les images violentes voire vulgaires.

Ici, Quentin Tarantino nous offre une fiction rythmée par la technique de narration non linéaire, proposant des flashbacks. L’idée originelle de Quentin Tarantino était d’écrire au même titre que les romanciers, trois histoires distinctes avec trois protagonistes, formant la même intrigue. Dans son long métrage, il existe trois épisodes différents mais reliés entre eux : Vincent Vega et Marcellus Wallace’s Wife, The Gold Watch et The Bonnie Situation.

Une esthétique postmoderne

Cette rupture temporelle accompagne la modernité de Pulp Fiction qui semble être tout à fait inclassable : il est vu par certains comme une comédie noire ou par d’autres comme une parodie des films de gangsters. Il se place en tant qu’un Black Mask movie, popularisant les histoires de détective dans le genre noir dans une atmosphère presque cosmique remplie de coïncidences, retournements de situation et sadiques plaisanteries.

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Différentes références à la culture moderne des années 1950 sont représentées dans le film et sont confrontées à ces comportements spontanés et loufoques. Cette étrangeté des actions empêche le spectateur de préméditer les scènes et le garde étonné tout au long du film, chaque scène a son ambiance propre et ses couleurs. Le spectateur voyage entre la musique rock et les couleurs du Jack Rabbit Slim’s, restaurant sur le thème des années 50 et la noirceur d’une scène de torture.

Le twist légendaire de Vincent Vega et de Mia Wallace sur You Never Can Tell du chanteur Chuck Berry, par exemple, contraste avec le coma de cette dernière droguée à l’héroïne et réanimée par une seringue d’adrénaline plantée dans son coeur quelques heures plus tard.

Entre violence et humour

Dans le film, chaque épisode du long métrage est basé sur l’histoire d’un couple de protagonistes : Ringo et Yolanda, Vincent Vega et Mia Wallace, Butch Coolidge et Fabienne puis Marsellus par la suite, et enfin pour la dernière scène du film Vincent et Jules. Tous sont dessinés comme malicieux, décalés et féroces.

Quentin Tarantino met en évidence la proximité entre les protagonistes et leurs relations plus ou moins intimes et complices dans un environnement tout à fait violent et impitoyable. Les deux membres de la pègre de Los Angeles, Vincent Vega et Jules Winnfield, sont deux personnages cruels, insensibles mais aussi sympathiques et vertueux qui plaisent aux spectateurs.

Les deux hommes en costume noirs assassinent avec nonchalance des petits escrocs qui avaient voulu les contrer dans leur mission, puis Vincent par inadvertance explose la tête de l’un d’entre eux, d’un coup de révolver, la voiture est ensanglantée. Ces deux mêmes hommes prennent un petit déjeuner en tenue de plage quelques heures plus tard comme si de rien n’était. Dans tous les cas, leur comportement inhumain est banalisé, accentué par des dialogues complètement absurdes. Malgré tout, leurs personnalités sont attachantes, on ne les imagine plus l’un sans l’autre.

Ces dialogues nourrissent le film d’un aspect drôle, léger voire délirant. Ces personnages violents, insensés, et spontanés sont véritablement en contraste avec Butch Coolidge interprété par Bruce Willis. Le boxeur est terre à terre, humain, sentimental et tente de s’en sortir. Sa personnalité semble étrange dans le milieu complètement loufoque dans lequel il est fatalement plongé avec nous, spectateurs. Pourtant il est le plus proche de la normalité, et les autres sont de véritables marginaux.

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Une scène de début et de fin

La présentation du couple de jeunes braqueurs passionnés, Ringo et Yolanda, dans un café Restaurant de Los Angeles nous semble presque insipide. Parallèlement les deux truands Vincent et Jules discutent en prenant eux-aussi leur petit-déjeuner. Cette scène d’ouverture explique la mission des deux tueurs à gage donnée par Marsellus : ramener une mallette dont le contenant est tout à fait précieux. Ringo et Yolanda, quant à eux, représentent une rencontre tout à fait anodine qui questionne le spectateur dès les premières minutes du film. Elle oppose le flegme des mafieux confirmés aux cris et au désordre du couple de braqueurs débutants.

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Cette première scène est aussi la dernière et marque une rupture radicale avec l’aspect brutal et amoral du long métrage laissant place à la rédemption de Jules Winnfield. Ayant vu sa vie défiler devant ses yeux, il décide d’arrêter définitivement sa carrière de tueur à gage pour remercier Dieu et se racheter. Confronté à Ringo et Yolanda tentant de braquer le café il saura prouver ce véritable changement de mentalité.

La modernité de ce long métrage est ainsi remerciée par cette Palme d’or en 1994 marquant une distance avec les films de l’époque plus conventionnels. Ici, c’est l’audace de Quentin Tarantino et l’imbrication de toutes ces scènes plus étranges les unes que les autres qui sont applaudies. Pulp Fiction est aussi le film qui a relancé la carrière d’acteurs tels que celle de John Travolta, et nous donne un avant goût des talents d’actrice d’Uma Thurman qui par la suite tiendra le rôle principal dans les Kill Bill 1 et 2.

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