CINÉMAFestival de Cannes

PALME D’OR – « La Dolce Vita », la poésie des excès

Marcello Mastroianni et Anita Ekberg dans La Dolce Vita (1960)

Copyright Pathé Distribution

Le Festival de Cannes n’aura pas lieu. En tout cas, pas en mai. Et pas sous la forme que l’on connaît. La rédaction vous propose une sélection non exhaustive de Palmes d’or qui ont jalonnées l’histoire du festival depuis sa création. En 1960, Federico Fellini fait sensation avec La Dolce Vita, portrait peu flatteur d’une élite italienne en décadence. 

Avec La Dolce Vita, Federico Fellini affirme une esthétique à la modernité frappante et s’entoure pour cela de grands noms du cinéma français et italien. Parmi les vedettes, Marcello Mastroianni, un alter-égo que l’on retrouvera fréquemment dans le reste de sa filmographie. Mais aussi Anita Ekberg, Anouk Aimée ou encore Magali Noël. Pour autant, Fellini ne renonce pas à ses fondamentaux, notamment sa précieuse collaboration avec Nino Rota. Il doit au compositeur la partition de la majorité de ses films.

Dans cette fresque de près de trois heures, le cinéaste opère un virage inédit. Le néoréaliste à qui on doit La Strada et Les Nuits de Cabiria fait le choix d’une narration fragmentaire et désordonnée où l’exubérance occupe une place centrale.

Anouk Aimée dans La Dolce Vita (1960) Copyright Pathé Distribution

La comédie humaine à l’italienne

Marcello Rubini (Marcello Mastroianni), chroniqueur d’un journal sensationnaliste, vogue d’une soirée mondaine à l’autre. Loin de sa province natale, il enchaîne sans se lasser les rendez-vous amoureux. Elles s’appellent Emma (Yvonne Furneaux), maîtresse malade de jalousie, Maddalena (Anouk Aimée) ou encore Sylvia (Anita Ekberg), star fraîchement débarquée de Hollywood. Marcello se laisse porter par l’instant. Dans les cercles les plus hauts du Rome culturel, l’excès s’érige en mode de vie.

Dès le prologue, le ton est donné, alors qu’un hélicoptère transporte une statue du Christ au dessus de Rome, Marcello retarde le transfert en tentant de séduire de jeunes femmes en bikini malgré le bruit de l’appareil. Suivent une série de tableaux, tantôt comique, tantôt pathétique, marqués par le contraste. Au vide succède le trop plein, à la cacophonie, le silence. Égal à lui-même, le jeune chroniqueur cumule les relations amoureuses, qu’importe le contexte. Marcello vagabonde dans Rome, à travers lui, on comprend que la répulsion que Fellini porte pour la ville n’a d’égale que son amour de la capitale.

Federico Fellini s’inspire de l’âge d’or du Cinecittà, un Hollywood italien qui voit défiler nombre de vedettes internationales dans les années 1950. Le cinéaste capture une époque : celle du choc entre une culture de masse qui s’annonce et une tradition nationale sur le déclin. Marcello est un personnage en réaction. Il est le catalyseur d’un petit monde que Fellini connaît trop bien. Son ami Paparazzo, appareil à la main, vogue de scandale en scandale sans considération morale. On doit d’ailleurs à ce personnage symptomatique la démocratisation du terme « paparazzi. » 

Marcello Mastroianni dans La Dolce Vita (1960) Copyright Pathé Distribution

La décadence, et après ?

L’air désabusé d’un Mastroianni plus charismatique que jamais n’enlève rien à la violence des excès de son personnage. Quand le jeune chroniqueur dépouille un coussin sur une jeune femme ivre morte, celle-là même qu’il vient de chevaucher (littéralement), l’absurde est poussé si loin que l’on n’a plus envie de rire.

De nombreux critiques ont dit du film qu’il faisait le portrait de la décadence moderne. Pire, qu’il la dénonçait. Pourtant, il y a de la beauté dans La Dolce Vita. Celle de la mise en scène d’abord. Après de nombreux films pétris par le néoréalisme italien, Fellini s’écarte du réel. Quand Marcello trouve Silvia en plein bain de minuit dans la fontaine de Trevi, le jeune journaliste se répète qu’elle a raison, que les autres n’ont rien compris. Quand il y a tant de poésie dans l’absurde, on ne peut qu’éclaircir le tableau qu’on prête à La Dolce Vita

Non sans humour, Fellini rend à la candeur toute sa puissance. Un clown triste échange un regard avec Marcello et soudain, le chroniqueur nous semble bien plus profond. Comme si d’un coup le vide de son mode de vie lui sautait aux yeux. Dans cette mélancolie soudaine, on parvient pourtant à rire. Le numéro nous arrache au moins quelques sourires, les mêmes que ceux de Fanny (Magali Noël), la jeune danseuse française qui accompagne Marcello et son père. Et c’est là le tour de force de Fellini : condenser bien plus de tendresse que de cynisme dans un film au titre pourtant bien ironique.

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