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FLASHBACK – 50 ans après : « McCartney » de Paul McCartney

Copyright Hulton Archives

Sorti le 17 avril 1970, il y a cinquante ans, le premier album solo du bassiste des Beatles annonçait avec fracas la dissolution du groupe.

Seulement une semaine plus tôt, les journaux britanniques titraient « PAUL QUITS THE BEATLES », annonçant la sortie de l’album et le divorce des Fab Four. Lorsque l’opus, sobrement titré McCartney, sort et une déferlante médiatique accuse Paul McCartney d’avoir détruit à lui seul le plus grand groupe de tous les temps.

En réalité, la rupture avait déjà été amorcée depuis quelques mois, alors que John Lennon annonçait aux autres membres son envie de quitter le groupe pour travailler avec son épouse Yoko Ono pendant l’enregistrement de leur onzième album Abbey Road. La dissolution et la sortie de l’album coïncidant, on reproche à McCartney une opération commerciale. Déprimé par la perte de son ami de toujours et compagnon de composition, celui-ci peinait à prendre son envol et écrire seul. La plupart des chansons qui composent cet album reflètent son état de détresse, mais révèlent aussi le compositeur de talent qu’est Paul McCartney, avec ou sans John Lennon.

Épaulé par son épouse Linda, et devenu depuis peu père de deux filles, Paul McCartney révèle une nouvelle facette de lui-même. Ce premier opus est composé et enregistré chez lui à Londres et au Mull of Kintyre, en Écosse, avec un équipement minime. Il y joue tous les instruments, demandant parfois l’aide de Linda pour ajouter des chœurs. L’album est en partie expérimental, et on ressent en l’écoutant l’état d’esprit tourmenté de son auteur, mais aussi sa volonté de se chercher en tant que musicien. 

Si les critiques à sa sortie interprètent en grande partie ce premier essai comme une esquisse inachevée et décevante, le temps donnera raison à McCartney. C’est son album le plus touchant, le plus profond et le plus innovant en tant qu’artiste solo. Les couleurs musicales y sont variées ; les chansons les plus enjouées reflètent une certaine mélancolie, tandis que ses tristes ballades trahissent une lueur d’espoir pour le jeune homme de Liverpool.

McCartney, chez lui à Londres pendant l’enregistrement de l’album.
© Paul McCartney Archives

Le titre Maybe I’m Amazed est certainement le morceau phare de l’album, considéré par les fans, les critiques, et McCartney lui-même comme l’une de ses meilleures chansons. Cependant, chaque titre regorge de richesse.

Premiers pas en solo

La première face de McCartney est timide, comme pour éviter les comparaisons faciles avec les derniers albums des Beatles, tellement puissants et déjà iconiques au moment de leur sortie. Il introduit ainsi son album avec l’innocent The Lovely Linda, une douce sérénade dédiée à sa femme, véritable roc pour le chanteur alors qu’il sombrait dans une dépression. Cette chansonnette est enjouée, et très courte (quarante-deux secondes), interrompue par l’éclat de rire de McCartney apercevant sa dulcinée au pas de la porte. S’il comptait au départ tourner cet extrait en véritable chanson, il n’enregistrera jamais de version longue, ce qui n’empêchera pas l’incipit de l’album de devenir culte pour ses fans.

Il continue sa douce entrée en matière avec la simple mélodie That Would Be Something, très appréciée de son ami George Harrison. C’est une chanson remarquée par la sobriété des paroles et de la musique, que McCartney fait suivre du court instrumental Valentine Day, comme s’il s’amusait avec ses instruments et cherchait un son.

Il le trouvera dans le quatrième titre de l’album, Every Night, un morceau qui révèle ses angoisses liées à la rupture des Beatles. Son avenir incertain en tant qu’artiste musical solo y est contrasté avec son récent bonheur conjugal et familial, deux situations antithétiques qu’il tente de concilier. 

Cette chanson, rejetée par ses camarades lors de l’enregistrement de l’album Let It Be, trouvera sa place dans cet opus marqué par la solitude de son auteur, privé du soutien de ses amis.

Le titre qui suit est composé des deux instrumentaux Hot as Sun et Glasses, ainsi qu’un extrait de Suicide, un morceau supposé garnir le répertoire de Frank Sinatra. McCartney semble s’inspirer de son environnement, jouant avec des verres de vin dans Glasses et expérimentant avec des sonorités encore inexplorées dans son travail avec ses trois compères.

Alors que le groupe était en Inde un an plus tôt pour y étudier la méditation transcendantale, Paul McCartney compose quelques morceaux, dont Junk, qui s’inscrit dans la mélancolie de l’album. Refusée elle aussi par les autres membres du groupe, cette ballade décrit des objets abandonnés dans une décharge. Son instrumental dérivé Singalong Junk s’écoute un peu plus tard, de l’autre côté du disque.

Il clot la face A avec Man We Was Lonely, le premier titre qui reflète explicitement les tensions et le délitement des relations entre les quatre membres du groupe mythique. C’est également le premier duo du couple Paul et Linda, la dernière l’accompagnant aux chœurs. Ce ne sera pas le dernier, le couple créant le groupe Wings seulement deux ans plus tard.

Paul McCartney chez lui, à Londres, 1970.
© Paul McCartney Archives

Une seconde face plus rock’n’roll

La face B de McCartney donne le ton dès le premier morceau, Oo You, dans lequel le musicien montre son envie de retour vers les sonorités plus électriques propres à ses débuts liverpudliens. C’est aussi probablement la meilleure performance vocale de l’album, McCartney jouant avec les falsettos et autres tons plus graves.

Elle est suivie du morceau le plus long de l’album, Momma Miss America, un instrumental de quatre minutes, puis du titre Teddy Boy. Elle aussi écrite en Inde et rejetée par les trois autres Beatles en froid, elle se réfère à leurs débuts comme jeunes Anglais « Teddy Boys », ces jeunes garçons associés dans les années 50 au rock et à une certaine violence par la société britannique de l’époque. Quand on pense à la situation des quatre camarades de Liverpool lors de l’écriture de ce titre, on ne peut qu’écouter ce titre avec une certaine mélancolie, portée par la mélodie et la voix teintée de tristesse du chanteur.

Mary, Paul et Heather McCartney au Mull of Kintyre, 1970.
© Linda McCartney

Le titre phare de cet album, «  Maybe I’m Amazed  », un hommage à Linda McCartney et sa force portant et motivant un McCartney au plus bas de sa carrière. Si ce n’est pas sa seule chanson d’amour destinée à sa première épouse, ce morceau se détache des autres par un mélange parfait de musique entraînante et de paroles extrêmement touchantes, où le parolier détaille son admiration pour celle qui partagera sa vie pendant presque trente ans.

Enfin, Paul McCartney clôt son premier album par un instrumental étonnant, Kreen-Akrore. Inspiré par un documentaire sur ce peuple indigène chasseur-cueilleur vivant au milieu des arbres en Amazonie, il décide de recréer la puissance de leur chasse impressionnante. Linda et lui enregistrent donc leurs fortes respirations, des bruits d’animaux, et Paul se met à la batterie pour en trouver le rythme. C’est une fin qui nous rappelle encore une fois l’ampleur des talents de Paul McCartney en tant que compositeur.

McCartney est un album à écouter et ré-écouter, autant pour ses forces que ses faiblesses, car il est brut, pur. C’est aussi une œuvre souvent sous-estimée d’un artiste face à ses angoisses, qui se cherche. Si vous ne saviez pas quoi ajouter à votre playlist de confinement, c’est l’album idéal. Et si vous vouliez commencer à composer et enregistrer un album chez vous, allez-y. McCartney l’a fait, et c’est beau. Avis aux amateurs.

© MPL Communications

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