Boris Johnson à la Chambre des communes, le 8 janvier. © UK Parliament
Après le vote décisif aux Communes jeudi, 2020 semble rimer avec « enfin » pour le Brexit. Mais ce n’est pas si simple.
Il aura fallu presque un an. Le 15 janvier 2019, Theresa May proposait à son Parlement de voter l’accord sur le Brexit négocié avec l’Union européenne. Sans majorité absolue, la première ministre conservatrice ne parvient pas à le faire adopter. S’en suivent de nombreux refus, des reports de la date limite, la démission de Theresa May, et la nomination de Boris Johnson. Fort de sa large victoire lors des élections législatives de décembre (365 députés conservateur sur 650), le nouveau Premier ministre vient d’enregistrer une victoire historique : le texte qui entérine la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne au 31 janvier prochain, a été adopté sans problèmes par la Chambre des communes, jeudi 9 janvier. Après les élections générales, le Premier ministre remporte définitivement son pari, et la voie vers le Brexit est plus que jamais ouverte.
Transition
Il ne manque plus désormais que le vote formel de la chambre des Lords, l’assentiment (non moins formel) de la reine, et la ratification de l’accord par le Parlement européen. Résultat ? Le Royaume-Uni ne sera plus, à compter du 31 janvier, membre de l’Union européenne. Brexit done ? Pas tout à fait.
Les modalités de l’accord sur le Brexit n’entreront pas en vigueur tout de suite. Le premier point de cet accord négocié entre Bruxelles et Londres porte d’ailleurs sur une période de transition, qui va au moins jusqu’à fin 2020, et qui pourrait, en cas d’accord entre les deux parties, être repoussée jusqu’en 2022 ! Pourquoi cette période de transition ? Et bien pour continuer de négocier sur les autres points de l’accord, notamment les relations commerciales entre l’ile et le continent. Durant cette période, « l’Union européenne traitera le Royaume-Uni comme s’il s’agissait d’un Etat membre », selon un mémo récent de la Commission.
Alors dans les faits, qu’est-ce qui va changer, à partir du 31 janvier ? Et bien pas grand chose. Le vrai gros changement, c’est que le Royaume-Uni n’aura plus de rôle politique au sein de l’Union : plus de déput.é.s au Parlement européen, plus de commissaire, et plus aucun siège au sein des institutions européennes, comme le Conseil de l’Europe par exemple. En revanche, il devra continuer d’appliquer l’ensemble du droit européen, y compris les nouvelles directives décidées par Bruxelles, quitte à s’en débarrasser quelques semaines ou mois plus tard. Les Britanniques auront toujours accès au marché unique européen pendant cette période de transition, mais ils n’auront pas le droit de conclure des accords de libre-échange avec d’autres pays, avant la fin de cette période de transition.
Le plus dur reste à venir
Le 31 janvier 2020 sera donc avant tout une date symbolique. Les véritables négociations vont commencer, et elles seront sans doutes encore plus rudes que les précédentes ! Parce qu’il s’agit, après 47 ans de vie commune au sein d’un même marché, de redéfinir toutes les règles commerciales entre Londres et Bruxelles ! La bataille a déjà commencé, dans les mots. Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne, qui a rencontré Boris Johnson cette semaine, a prédit que les discussions seraient « dures » et que chaque camp ferait « ce qui est le meilleur pour lui ». Chaque partie souhaite un accord de libre-échange, le Royaume-Uni voulant garder un accès au marché unique. Mais à il faudra sûrement ajouter des négociations sur les négociations. Au-delà de l’accord commercial global, il est très possible de voir naitre des accords particuliers, sur la pêche, ou sur l’aviation par exemple. Ce qui laisse présager des négociations longues.
Sauf que sur le calendrier, Boris Johnson refuse toute extension de la période de transition : le Premier ministre, partisan depuis toujours d’un Brexit des plus rapides, promet que toutes les négociations seront terminées avec l’Union Européenne d’ici le 31 décembre 2020. « C’est extrêmement serré » lui répond Ursula Von Der Leyen, pour qui négocier un accord de libre-échange en onze mois est tout simplement « impossible ». En cas de désaccord profond, et d’absence de volonté de prolonger la période transition, on pourrait donc assister à une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’Union européenne, un hard Brexit dont personne ne semble vouloir, mais qui reste bel et bien une option. D’autant que le Royaume-Uni va devoir vivre cette période de transition avec les remous de sa politique intérieure, et notamment la demande récente de la Première ministre écossaise, défavorable au Brexit, d’organiser un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse.