CINÉMA

« Terminator : Dark Fate » – La mécanique féministe

Linda Hamilton rempile dans la peau de Sarah Connor (© Fox)

Dark Fate marque l’énième retour de la saga créée par James Cameron, lui aussi de retour aux commandes du scénario. Malgré la réalisation paresseuse de ce nouveau volet, Terminator continue de tendre son univers grâce à l’émergence effective de thèmes sous-jacent, à commencer par celui du féminisme.

Si la saga Terminator s’est toujours préoccupée de la façon dont l’humain résistera au monde envahi par les machines, il serait peut-être temps pour nous de savoir où son imbroglio scénaristique veut en venir et quels enjeux se sont soulevés en même temps que les machines depuis la sortie il y a plus de dix ans du très bien nommé Terminator 3  : le soulèvement des machines (le premier signe d’éclatement de la saga). Car si Dark Fate ici se veut la suite directe du Jugement dernier, le chef-d’œuvre de James Cameron, la saga n’a cessé depuis de reconstituer son rapport au temps, renouant donc avec un nouveau jugement dernier dans le troisième épisode, mais aussi avec son passé dans Genisys après avoir misé pour la première fois sur un film entièrement centré sur la guerre contre les machines dans l’oubliable Renaissance. Annuler ces trois gestes, volonté salutaire ou non selon où l’on se positionne, revient aussi à annuler le rapport au temps : Dark Fate ne semble jamais faire le pari du futur, mais celui du destin émis par un traumatisme passé (« il n’y a de destin que ce que nous faisons », dit la saga). Là aussi, on peut y voir un point de vue assez salutaire, car favorable à l’insertion de multiples thématiques contemporaines.

Deux nouveaux personnages, un même thème (© Fox)

Une saga retrouvée ?

On pense d’abord au féminisme. Dans la saga, il vaut mieux ne pas se poser la question comme il faudrait absolument se la poser  : Sarah Connor, dans le premier Terminator, n’a de rôle que sa capacité à donner naissance à un enfant futur leader de la Résistance. Dans le second volet, James Cameron corrige son point de vue sur la femme-ovule et la transforme en guerrière détraquée par le souvenir du passé et la peur du futur. Dans Dark Fate et pour la première fois dans la saga, le groupe de personnages qui fuit le menace robotique dans notre monde est entièrement composé de femmes  : nous retrouvons Sarah rejoindre Grace, une humaine améliorée envoyée du futur pour protéger Dani, une jeune latine qui, comme à l’accoutumer, n’est personne avant de devenir quelqu’un aux yeux du futur. Cette posture féministe, assumée tout au long du film, suit l’évolution du point de vue sur la femme dans la saga  : dans le troisième volet, le Terminator est une femme, et dans Genisys, Sarah Connor a une nouvelle version d’elle-même, histoire de réveiller les fantasmes de série B comme moteur de la réalité alternative déployée par le film. Si l’exécution de Dark Fate laisse à désirer tant il ne veut absolument pas froisser ses spectateurs, on retiendra surtout l’évolution assumée d’une thématique sous-jacente qui, à sa façon, questionne comment vivre dans un futur et dans un monde à la fois sans mais aussi avec les femmes. Cette tension ravive une flamme appartenant davantage à la saga qu’à cette imagerie de plus en plus prévisible du blockbuster féminisé.

D’autres thèmes viennent s’insérer çà et là  : la surveillance généralisée, l’immigration illégale du Mexique aux Etats-Unis, robotisation de la société et des usines… On ne comprend pas bien pourquoi la saga Terminator serait le garant d’une certaine idée du monde tant elle n’a cessé de le questionner dans sa chair la plus intime, en partant simplement d’une jeune femme serveuse dans l’Amérique des années 80, et global (le temps qui enveloppe le destin). Genisys avait feinté cette critique à la Black Mirror par ses fabuleux tours de passe-passe temporels inscrits dans ses personnages (John Connor en Terminator, quelle idée  !). Si l’exécution de Tim Miller est aussi laide que son précédent film (Deadpool, de plus en plus oubliable), c’est aussi parce que l’écriture est gangrenée par ces préoccupations déjà vues et franchement balourdes. Dark Fate ne fait pas le même pari que ces prédécesseurs, cela le rend attractif de par ses enjeux, mais terriblement vide quand il s’agit de leur donner une certaine postérité.

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