CINÉMA

Rencontre avec Cécile de France et Fabienne Berthaud

Copyright Haut et Court

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À l’occasion de la sortie du quatrième long-métrage de Fabienne Berthaud, Un Monde plus grand, nous avons rencontré la cinéaste et Cécile de France pour discuter chamanisme et cinéma.

Avec Un Monde plus grand, Fabienne Berthaud livre une histoire d’amour puissante, à travers le(s) monde(s). Cécile de France y incarne une femme en deuil qui découvre lors d’un voyage en Mongolie les pouvoirs de la transe chamanique. Elle commence alors une initiation, dans le but d’accéder au monde des esprits et de retrouver son mari perdu. Le film est adapté de Mon initiation chez les chamanes, le livre autobiographique de Corine Sombrun. Nous avons rencontré Fabienne Berthaud et Cécile de France à l’occasion de la sortie du film, le 30 Octobre dernier.

Fabienne, vous vous attaquez pour la première fois à une histoire vraie, que vous n’avez pas entièrement écrite. Comment cela influence-t-il le processus créatif ?

Fabienne Berthaud : Je me suis beaucoup nourrie, j’ai énormément lu. J’ai consulté Corine aussi, car je ne connaissais pas du tout son histoire. J’ai trouvé ça finalement assez confortable de ne pas avoir tout à créer. 

Cécile de France : Très vite Fabienne m’a expliqué que c’était une libre adaptation, pas un documentaire, et qu’elle allait s’autoriser quelques libertés. Nous avons beaucoup échangé avec Corine, et elle était présente sur le tournage en Mongolie et en Belgique, mais elle nous a toujours laissé s’approprier son histoire. Je savais qu’on allait raconter une histoire d’amour, nous n’avions pas réellement de responsabilité vis à vis de la « vraie » Corine.

Fabienne : Moi c’est surtout cette immense histoire d’amour que je voulais raconter. Finalement, c’est l’histoire de la perte d’un amour, mais surtout de jusqu’où on peut aller par l’amour. C’est l’amour qui mène tout et qui est essentiel à nos vies. 

L’histoire de Corine Sombrun est complètement extraordinaire, qu’est-ce qui vous a poussé vers le projet ?

Cécile : Pour moi, c’est d’abord le personnage : c’est une héroïne, une femme qui va vivre quelque chose d’absolument exceptionnel, mais à laquelle on peut tout de même facilement s’identifier. C’est une femme qui souffre. Son histoire est romanesque, mais malgré tout très universelle. 

Le personnage du mari décédé donc, est paradoxalement très présent tout au long du film.  

Fabienne : Je voulais conserver ça puisque c’est ce qui mène toute sa quête : l’espoir de retrouver l’homme qu’elle aime. Le film est en quelque sorte un « thriller spirituel ». Son mari décédé est partout, jusqu’à la toute fin du film. Pour moi le son a été très important pour raconter l’invisible.

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Cécile, vous tenez le rôle d’une chamane. C’est quelque chose de réellement sacré dans la tribu des Tsaatans, comment avez vous approché cette immense responsabilité ? 

Cécile : Nous avons passé énormément de temps avec eux. Fabienne a tissé un lien très fort avec eux, elle leur a vraiment montré tout le respect avec lequel elle allait traité le sujet. Il était hors de question que l’on vienne simplement voler leur âme pour repartir avec des images.

Fabienne : On a appris à se respecter en partageant leur quotidien. Avec eux, c’est le coeur qui parle, on ne peut pas tricher. Ils nous ont offert leurs vies pour faire ce film.

Toutes les scènes de transe sont réelles, comment s’est passé cette initiation à la transe chamanique ? 

Cécile : Nous avons utilisé la boucle de son que Corine avait créé. Elle s’en est servi pour essayer de prouver que la transe révèle un potentiel cognitif en chacun de nous. Selon ses études, 80 % des gens réagissent au son et entrent en transe. Pour moi, ça a été le cas dès la première écoute.

Fabienne  : En tant qu’artiste, il faut essayer de comprendre. Nous avons fait beaucoup d’expérience avec la transe. Ce qui est intéressant c’est qu’il n’y a aucune substance prise, tout passe par le son et la volonté dans la transe chamanique mongole.

Les Tsaatans ont conservé un lien très particulier avec la nature qui les entoure, qui est à l’opposé de ce dont nous avons l’habitude en tant qu’occidentaux…

Fabienne : Ils ont des rapports très différents des nôtres avec la temporalité, l’image… et bien évidemment la nature. Eux suivent leurs animaux, nous nous les mettons dans des cages.

Cécile : Chez eux la nature est omniprésente. Ils ont une interdépendance totale avec leur environnement, pour eux c’est une question de vie ou de mort. Ici, nous sommes complètement sortis de notre écosystème, nous avons perdu cette connexion avec la nature. Le but est aussi de rappeler aux gens qu’il faut retomber amoureux de notre Terre…

Vous livrez peut-être le premier film sur une grande avancée scientifique, car les recherches de Corine Sombrun sur la transe chamanique sont en train de chambouler les milieux scientifiques…

Fabienne : Peut-être ! (Rires)

Ce tournage est l’expérience d’une vie. Vous emportez avec vous de nombreux souvenirs, mais surtout des enseignements

Cécile : J’ai été très touchée par cette tribu, qui est malheureusement vouée à disparaitre. Avec eux, nous allons perdre beaucoup de connaissances, et les leçons d’un mode de vie que nos ancêtres avaient laissé derrière eux. 

Fabienne : J’en retire une conscience nouvelle de mon environnement. Il faut avoir un plus grand respect envers notre planète. Vous, en tant que jeunes avez déjà plus conscience du monde que l’on vous laisse. 

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