CINÉMA

“Gemini Man” : 120 ®évolutions par seconde

Copyright 2019 Paramount Pictures. All Rights Reserved. / Ben Rosenstein

En 2016, Ang Lee réalisait le premier film tourné en 120 images par secondes, et 3D, avec Un jour dans la vie de Billy Lynn. Hélas, le film n’est jamais arrivé jusqu’à nous dans ces conditions. Sûrement aidé par la présence de Will Smith au casting, Gemini Man parvient cette fois-ci à s’aventurer sur une poignée de nos écrans. La prochaine étape de l’évolution du cinéma n’a jamais été aussi évidente.

Au commencement du cinéma, il a été unanimement établi qu’en une seconde, vingt-quatre images seraient projetées sur la toile. Cette convention permettait de réduire le coût de la projection en limitant le besoin de pellicule, et était suffisante pour se synchroniser avec la piste sonore.  

Pendant des décennies cette règle basée sur des considérations économiques et techniques, et non artistique, n’a jamais été remise en cause. Mais avec les progrès techniques, la transgression de cette sacro-sainte règle devenait à portée de main.

La nécessité d’évolution

Le principal intérêt d’augmenter le nombre d’image par seconde est d’éliminer le flou de mouvement, le motion blur. Cette anomalie qu’on a tous inconsciemment acceptée se retrouve notamment lors des mouvements de caméras. En effet, avec simple panoramique, même lent, l’image perd en netteté et un flou se créé. Plus qu’une considération esthétique, il s’agit d’informations que le spectateur perd.

Après plusieurs projets expérimentaux à petite échelle, c’est Peter Jackson qui a tenté d’augmenter la fréquence d’image en 3D auprès du grand public, avec la trilogie du Hobbit, en allant jusqu’à quarante-huit images par seconde. Admiré par certains, et conspués par les autres, cette première expérience n’est pas parvenue à s’imposer.

Grand expérimentateur et toujours en quête de proposer de nouvelles images à son public, Ang Lee ne pouvait se contenter de la proposition de Peter Jackson. Avec Un jour dans la vie de Billy Lynn, le réalisateur a poussé le concept en filmant avec cent-vingt images par seconde et en relief. C’est avec cette fréquence qu’il réitère l’essai pour Gemini Man.

Copyright 2019 Paramount Pictures. All Rights Reserved. / Ben Rosenstein

Sidération

Conscient que le public a depuis toujours eu l’habitude de voir vingt-quatre images par seconde défiler sous ses yeux, Ang Lee préfère ne pas le brusquer d’entrée. Ainsi les vingt premières minutes de film évitent contentieusement tout mouvement brutal, que ce soit de la caméra ou des comédiens. Le film préfère ainsi enchaîner les plans fixes et les dialogues en champs contre champs.

Mais avec la première scène d’action d’envergure du film, lors d’une course poursuite en moto, le dispositif révèle toute sa portée vertigineuse.

On se retrouve physiquement embarqué avec Will Smith à slalomer entre les voitures et éviter les balles. Alors même qu’il s’agit de plans que l’on connaît (caméra à l’épaule, travelling…), la sensation de jamais vu est omniprésente. Débarrassé de tout flou, Ang Lee peut multiplier les éléments qui entrent et sortent du champ avec la plus grande clarté.

Fort d’une mise en scène qui pense à la 3D en permanence, jamais on aura eu autant le sentiment d’être projeté à l’intérieur de l’image. Lors de plusieurs panoramiques, on se surprend même à tourner la tête en même temps que la caméra, tant l’impression d’immersion est vertigineuse.

En quelques secondes, Ang Lee nous propose de redécouvrir l’image cinématographique comme au premier jour.

Les explosions, les débris, les éclats de balles, tout nous est donné à ressentir physiquement, viscéralement. Au détour d’un plan sur des villageois, on se met alors à penser de la portée que peut avoir le dispositif, et notamment dans les documentaires.

Copyright 2019 Paramount Pictures. All Rights Reserved. / Ben Rosenstein

Une évolution peut en cacher une autre

Déjà esquissé par le Hobbit, l’augmentation de la fréquence d’image permet également une 3D plus naturelle. A aucun moment nous avons la sensation que l’œil force. Les projections en dehors de l’écran et les multiples effets de profondeur n’ont jamais paru aussi réels.

On vient également à redécouvrir la portée d’un gros plan sur un visage. La netteté du mouvement des muscles du visage est telle que le personnage devient palpable. Cela était d’autant plus dangereux pour ce film qui a pour concept de confronter Will Smith à son double jeune. Avec une telle définition, la moindre défaillance du visage, entièrement réalisé numériquement à l’aide de la performance capture, aurait été fatale. Il s’agit d’ailleurs de la seconde prouesse du film tant Will Smith jeune est confondant de réalisme.

Will Smith jeune, l’autre prouesse de Gemini Man – Copyright 2019 Paramount Pictures. All Rights Reserved. / Ben Rosenstein

Hélas, voir le film dans de telles conditions ne sera pas accessible pour tout le monde. Outre le coût de la place, seules les salles Dolby Cinéma de Gaumont Pathé proposent cette projection. D’autres salles du groupe prévoient néanmoins des projections en quarante-huit images par seconde.

Prochainement, James Cameron a déjà prévu de sortir les prochains Avatar en quarante-huit images par seconde. On regrette toutefois qu’il n’ait pas profité de sa notoriété pour se hisser à la hauteur d’Ang Lee, et de ses cent-vingt images, pour imposer ce dispositif à un large public.

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