Suite à une rupture douloureuse, le cinéaste Frank Beauvais tombe en plein cinéphage et regarde quatre à cinq films par jour. Cette douloureuse introspection est le motif principal de ce premier long-métrage, rassemblant la dimension intime d’une cinéphilie avec la confession du journal filmé.
Le titre du premier long-métrage de Frank Beauvais insiste sur deux mots clés : la croyance et le hurlement. Si la croyance se rapproche du motif de la confession et du pardon, le hurlement lui donne une autre inclination, et par conséquent au film tout entier. Ce hurlement, il ne faudrait finalement pas y croire. A travers ce montage fait de sons et d’images, le hurlement est intérieur, intime, caché, et sous cet aspect la croyance qui lui est greffée perd ses repères : on ne saurait pardonner les maux du passé, mais accorder des sentiments aux mots qui l’explique. C’est à travers le récit d’une rupture amoureuse, et toutes les digressions qui lui sont accoutumées, que Frank Beauvais parvient à dépasser le stade intime de sa réalisation, et pour ainsi dire de ce hurlement. Cette perte de l’être et de la croyance qu’on lui confère se confronte constamment à l’existence-même du montage, qui déroule les frames de plus de 400 films. Si l’on oserait donc croire un instant que l’intime se surpasse par rapprochement avec la dimension collective qu’est la cinéphilie (nous y reviendrons), Ne croyez surtout pas que je hurle va encore plus loin par sa résonance politique, ce qui le rend vertueux sans toutefois s’affranchir d’une certaine idée du journal filmé.
© Capricci
Transiter
Car Frank Beauvais affirme qu’il n’y pas de fumée sans feu, que son introspection filmée est intimement liée aux forces extérieures : la rupture donc, mais aussi la famille (fabuleux passage où le cinéaste raconte la mort de son père), mais aussi la politique française, l’état d’urgence, la mondialisation… L’exploit de Ne croyez surtout pas que je hurle ne tient pas sur la réciprocité intérieur-extérieur qui inspire le montage, mais sa capacité constante à faire transiter les formes du monde dans les formes de l’intime, et vice-versa, jusqu’à atteindre une dimension sentimentale parfois bouleversante. Transitions qui s’exécutent surtout à travers la voix-off, d’une limpidité aussi poétique que déstabilisante. Ainsi se voit et s’écoute le film de Frank Beauvais, tel un poème désenchantée du XXIe siècle.
S’amorce tout de même alors la question de la croyance d’un tel support. Puisque le hurlement n’existe pas, le cinéaste invite son spectateur à ne pas croire. La tournure est forte en symboles, mais se réduit hélas à cette cacophonie des signes, à un caractère jusqu’au-boutiste voilé par une fausse simplicité : une image, un cut, une voix. Frank Beauvais à tendance à manipuler le journal filmé comme un support au détriment de l’exutoire : il manque clairement de passion, donnée que les images d’archives ont souvent exploitée chez Chris Marker ou Godard par exemple. Il est donc dommage qu’une telle passion s’écoute et se montre tel un commentaire, et qu’elle tourne le dos à une certaine idée du cinéma (le genre) et de la cinéphilie, finalement vaguement abordée.