CINÉMA

Les nineties, décennie complotiste au cinéma

Copyright Warner Bros. France

Conspiracy Theory. La théorie du complot a refait son apparition aux États-Unis avec le suicide de Jeffrey Epstein. Maze revient sur un florilège de films américains paranoïaques à la sauce nineties.

Le suicide apparent de Jeffrey Epstein aux États-Unis donne lieu à l’élaboration de toutes sortes de théories du complot sur les réseaux sociaux. La théorie du complot, une passion bien américaine, comme en atteste le cinéma U.S des années 70, mais aussi des années 90. De la destruction du campement de David Koresh en 1993 à l’affaire Monica Lewinsky en 1998, la défiance envers le gouvernement avait été entérinée au cours de cette décennie incroyablement riche en films paranoïaques souvent visionnaires.

JFK d’ Oliver Stone (1991) 

La décennie démarre fort avec ce film d’Oliver Stone qui présente ni plus ni moins que la plus grande théorie complotiste du XXe siècle : celle autour de l’assassinat du président John Kennedy. Le réalisateur y critique le rapport Warren, selon lequel une seule balle tirée par Harvey Lee Oswald aurait touché JFK et le gouverneur Connally. Pour Stone et bien d’autres, cette « balle magique » était une invention pour couvrir une machination d’envergure impliquant la CIA, le FBI et d’autres. À voir absolument, si ce n’est que pour la plaidoirie époustouflante de Kevin Costner.

Strange Days de Kathryn Bigelow (1995)

« La question n’est pas de savoir si on est parano. La question est de savoir si on est suffisamment parano », assène Tom Sizemore dans Strange Days de Kathryn Bigelow. Bijou sous-estimé, ce thriller cyberpunk met en scène un Ralph Fiennes en prise à une conspiration impliquant la police de Los Angeles. Sur fond de tension raciale et de bug de l’an 2000 éminent, Bigelow, sur un scénario de James Cameron, met en garde sur la manipulation des esprits.

L’Affaire Pélican de Alan J. Pakula (1993)

Adaptation du roman du maître du thriller juridico-paranoïaque John Grisham, L’Affaire Pélican (The Pelican Brief) suit la courageuse Julia Roberts, une étudiante en droit, dans sa quête pour sauver sa vie et faire éclater au grand jour une machination sur fond d’urgence écologique, impliquant le Président et le FBI, tout ça avec l’aide d’un journaliste joué par Denzel Washington.

Complots de Richard Donner (1997)

Julia Roberts s’impose comme une figure clé du cinéma complotiste des 90s – en attendant Erin Brockovich au début des années 2000 – avec ce film de Richard Donner (Lethal Weapon) au titre évocateur, Complot (Conspiracy Theory). Elle s’y retrouve entraînée dans les aventures périlleuses de Mel Gibson, un chauffeur de taxi qui croit dur comme fer à une multitude de théories du complot et qui s’en retrouve victime. Reste à savoir de laquelle… Comme l’a dit Ricky Gervais aux Golden Globes, on sait malheureusement de quelle théorie du complot Mel Gibson est adepte dans la vraie vie.

Les Pleins pouvoirs de Clint Eastwood (1997)

Après avoir tué Sean Young et tenté de se couvrir dans No Way Out (autre grand film parano mais des 80s), Gene Hackman rejoue un politicien sur le fil dans Les Pleins pouvoirs (Absolute Power). Or, cette fois, il ne s’agit pas de n’importe quel politique puisque Hackman prête ses traits au président des États-Unis qui étrangle son amante, et cela sans le savoir  sous les yeux d’un voleur/voyeur campé par Eastwood (aussi réalisateur du film). S’ensuit un jeu du chat et de la souris impliquant aussi Ed Harris et Laura Linney. Dans un sketch de SNL, Bill Clinton (joué par Darrell Hammond), déplorera que l’amante et non pas la femme du président fut la victime.

Meurtre à la maison blanche de Dwight H. Little (1997)

La même année que Absolute Power sort Meurtre à la Maison-Blanche (Murder at 1600), dans lequel une femme est retrouvée morte dans les toilettes de la demeure du président. Un thème récurrent pas si étonnant que ça dans le cinéma américain quand on sait que beaucoup pensent que Marilyn Monroe aurait été en fait assassinée par les Kennedy pour l’empêcher de divulguer des secrets que lui aurait confié JFK sur l’oreiller… Un thriller pas giga-efficace, mais dans lequel on retrouve avec plaisir Wesley Snipes – alors au top de sa popularité – et Diane Lane.

The Firm (1993) de Sydney Pollack, Mission : Impossible de Brian de Palma (1996), Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick (1999)

On pense souvent que Tom Cruise joue toujours des winners dans ses films, pourtant, il a passé les années 90 principalement à stresser, blanc comme un linge. The Firm, Mission : Impossible et Eyes Wide Shut constituent ce qu’on pourrait appeler la trilogie paranoïaque 90s de Tom Cruise. Après s’être battu contre le gouvernement américain dans Né un 4 juillet, il s’est à nouveau confronté à lui dans The Firm – dans lequel le FBI tente de l’utiliser pour faire tomber sa boîte mafieuse -, dans Mission : Impossible – agent secret, on lui y fait porter le chapeau pour l’assassinat de toute son équipe – et potentiellement dans Eyes Wide Shut – « Si je te disais les noms des gens présents à cette soirée, tu n’en dormirais plus », lui dit Sydney Pollack. Le film de Kubrick semble, de nos jours, dépasser la fiction.

L’ Avocat du diable de Taylor Hackford (1997)

Dans Eyes Wide Shut pèse le soupçon d’une emprise occulte sur l’élite new-yorkaise. Dans L’Avocat du diable (The Devil’s Advocate), on nous dit que c’est le cas. Dans ce thriller surnaturel, le diable est joué par un Al Pacino en très, très grande forme qui veut que son rejeton (Keanu Reeves) reprenne les rênes de l’entreprise familiale : une boîte d’avocats surpuissante. Pour le journaliste Damien Leblanc, le film est très troublant derrière ses airs grandiloquents au vu de tous les liens qu’on peut y faire avec l’actualité récente : « New York décrite comme la ville de la luxure, des milliardaires qui se livrent au trafic sexuel, des élites politiques mouillées, des morts suspectes… Allusion à Donald Trump… ». De quoi serrer fort son chapelet.

Ennemi d’état de Tony Scott (1998)

Chef-d’oeuvre du regretté Tony Scott, Ennemi d’état (Enemy of State) a, en 1998, modernisé l’avatar de l’innocent en fuite – qui a fait son retour dans les années 90 avec des films comme Le Fugitif et U.S Marshals – à coups de surveillance satellite. Dans ce film de 1998, l’homme en fuite, Will Smith, est en effet pourchassé par la NSA et toute sa technologie de pointe, car il est en possession d’une vidéo montrant l’assassinat d’un sénateur par l’organisme. Regarder Ennemi d’état après le 11 Septembre et l’adoption du Patriot Act, fait vraiment frissonner tant il se révèle avoir été prophétique.

The Game de David Fincher (1997)

Balladé par les femmes (Basic Instinct, Fatal Attraction, La guerre des roses) et par sa propre boîte (Harcèlement), les personnages que Michael Douglas joue dans la décennie sont déboussolés et pathétiquement incapables de reprendre le contrôle sur leur vie – à moins que ce ne soit en terrorisant L.A. avec une arme à feu, comme dans Falling Down (1993), avec lequel Michael Douglas devint le visage de « l’homme blanc en colère ». Balladé, Douglas le sera une dernière fois copieusement dans les 90s par David Fincher qui en fait le manipulé du kafkaïen  The Game dans lequel les complots s’empilent comme des poupées russes.

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