CINÉMAMUSIQUE

« La Source » : Sneazzy loin d’être vague

Une fois de plus, un rappeur français inaugure sa carrière au cinéma. Sneazzy, collègue et ami de Nekfeu au sein du groupe 1995, aujourd’hui lancé dans une carrière solo, fait un premier pas serein devant la caméra de Rodolphe Lauga, dans La Source.

Inutile ici de faire une rétrospective des premiers pas des rappeurs français vus au cinéma ces dernières années. Nous pouvons seulement nous contenter de souligner que le sans-faute continue, avec le premier rôle de Sneazzy dans La Source, nouvelle œuvre de Rodolphe Lauga.

La scène s’ouvre sur un carjacking raté entre copains, une nuit de 1999 dans le quartier de la Source, à Orléans. Le cadre temporel ainsi fixé, les coupe-vents bariolés et les 205 GTI plantent un décor paisible, presque neutre, à cette fable inspirée d’une histoire dont la véracité a été plus ou moins contestée — celle de Karim Braire. L’histoire d’un jeune plutôt défavorisé, qui, plutôt que de suivre le destin que les aléas familiaux lui ont tracé, décide de devenir surfeur professionnel, subitement, après avoir vu les dragueurs de vagues dans un magazine.

Contemplatif

Si la légère consensualité du scénario ne peut être due qu’à son inévitabilité, du fait qu’il retrace une histoire vraie, le film n’en est pourtant pas convenu. Au contraire, l’association de Sneazzy et Christophe Lambert créé un décalage, non risqué mais du moins atypique et efficace. Le second, en Arnold Schwarzenegger du Loiret, apprend à nager à et se muscler au premier, jeune « des quartiers » fébrile, à qui il en faut peu pour cesser de jouer les durs. Il y a des faux airs de Vincent Lindon et Fırat Ayverdi dans Welcome — versés dans une réalité parallèle. Le film permet ainsi à Christophe Lambert de s’exprimer dans un rôle que l’on ne saurait situer, entre le comique et le pathétique, pour autant convaincant. Il permet également à Sneazzy de jouer simple, juste, vrai, et de développer l’ambivalence qu’il a pu mettre en avant sous sa casquette de rappeur : des paroles incisives, mais plusieurs clips où il se met en scène sous les coups (SNZ) ou sous le coup de la mort (J’Encaisse). En effet, dans La Source, son personnage laisse largement entrevoir une certaine vulnérabilité. Cette vulnérabilité sert de support à un film voulu comme “loin des clichés” selon le souhait de son réalisateur. Mais également contemplatif. Il prend son temps, parfois sans dialogue. Ainsi, il s’attarde également, sur les périodes difficiles, notamment l’hiver durant lequel le jeune Samir se frotte aux cruelles vagues, parfois de nuit, dormant dans une voiture d’occasion. Il apporte également de précieuses images de la cote atlantique l’hiver, lorsque tous les volets sont clos et que les plages ont des airs menaçants.

Les seconds rôles agrémentent à juste mesure ce récit finalement solitaire. Alice David, Christine Citti, mais aussi Fred Testot, en doyen des sauveteurs, à la dérive, mais blagueur et attachant. Thomas Goldberg, qui campe un homologue sauveteur du personnage de SNeazzy, est également extrêmement convaincant.

Le choix de Superpoze pour la bande originale est intelligent, et termine d’accroitre la valeur ajoutée d’un film dont on retiendra plus volontiers la langueur, l’honnêteté, la douceur et la simplicité que le discours voilé du “croyez en vos rêves”.

RENNES-SUD

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