CINÉMA

FFA 2019 « Au nom de la terre » – détresse du monde paysan

© Diaphana Distribution

Pour son premier film, Edouard Bergeon tape fort. Il entraîne ses spectateurs au cœur de la vie d’agriculteur de la fin des années quatre-vingt-dix. Inspiré par sa propre vie et servi par un casting magistral, Bergeon met le doigt sur les difficultés du monde agricole qui sont toujours d’actualité en 2019.

Il y a deux ans, Petit Paysan d’Hubert Charuel rafflait trois prix au FFA, dont celui du meilleur film. Cette année, c’est bien Au nom de la terre qui pourrait lui succéder. Ce drame social expose les problèmes d’un agriculteur ayant racheté la ferme familiale. Normes européennes à appliquer, poulets aux hormones et modernisation changent la vie d’une famille de paysans.

Une responsabilité familiale

Pierre (Guillaume Canet) rentre des États-Unis pour racheter à ses parents leur ferme. Fougueux et plein d’envie, il se lance avec son épouse dans la vie de paysan. Dans les années soixante-dix, élever un troupeau de moutons suffit à la survie de l’exploitation. Mais vingt-ans plus tard, la société a profondément évolué, et Pierre en pâtit.


Les nouvelles normes européennes l’accablent, les taux baissent et la ferme a vieilli. Pierre s’endette pour s’en sortir, pour nourrir ses bêtes et moderniser son activité. Des dettes qui vont le plonger, lui et sa famille, dans un enfer quotidien.
Autour de lui, il y a son fils adolescent en lycée agricole. Il veut marcher dans les pas de son père, mais autrement. Sa femme gère un double emploi du temps de comptable, pour une entreprise et pour l’exploitation familiale. La modernisation les effraie, mais le soutien qu’ils se portent facilitent la transition vers une nouvelle façon de travailler.


On pense que l’amour et la famille prendront le dessus, mais non. Guillaume Canet joue avec brio un agriculteur qui n’arrive plus à joindre les deux bouts et qui, peu à peu, perd pied. Un travail de mise en scène qu’on imagine compliqué pour le réalisateur qui se retrouve dans le personnage du fils, interprété par Anthony Bajon (Maryline, La Prière).

Ancré dans la réalité

Ce nouveau long-métrage confirme que le monde paysan est de plus en plus représenté au cinéma. Il reflète l’actuel climat de la profession. En France, un agriculteur se suicide tous les jours. C’est ce mal-être que le réalisateur cherche à mettre en lumière.


Le fait qu’Au nom de la terre soit inspiré d’une histoire vraie donne une certaine légitimité au film. Dans la vraie vie, les agriculteurs doivent s’endetter, des accidents matériels arrivent et aggravent la situation. La subtilité de Bergeon est également de questionner les consommateurs , donc nous spectateurs, sur leurs pratiques qui ont une influence directe sur la vie des agriculteurs. L’un des exemples donnés dans le film est l’élevage de poulets. Pierre choisi de débuter ce type d’exploitation avec des poussins qui, en trente-cinq jours, devront peser plus de deux kilos. Il n’est pas fier de ses bêtes. Pour lui ce n’est pas ça faire de l’agriculture mais il n’a pas le choix s’il veut rentabiliser son hangar et rembourser ses prêts de plusieurs miliers de francs.


Avec ses nombreux plans sur la campagne, Bergeon place la ferme comme un personnage de l’histoire. C’est à la fois celle qui rassemble et qui déchire. Le gagne-pain et le déclencheur d’une descente aux enfers. L’endroit où il faut travailler mais que l’on veut quitter.

Sortie en salles le 25 septembre.

Manon Brethonnet, Malvina Raud.

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