ART

Exposition – La mode vue de dos au Musée Bourdelle

Kim Inslinski par Jeanlousp Sieff. Top et jupe Martine Sitbon. © Estate Jeanloup Sieff

Niché au creux du 15ème arrondissement quelque part derrière la Gare Montparnasse, le Musée Bourdelle est surtout connu des amateurs de sculpture. C’est pourtant ici que le Palais Galliera a choisi d’installer son exposition hors les murs consacrée au dos dans la mode. Un évènement et un lieu à découvrir jusqu’au 17 novembre.

«  La première vision que j’ai eue de Mireille Darc, c’est d’abord ses yeux… et puis la raie de ses fesses  » confiait Pierre Richard à propos de sa partenaire dans Le grand blond avec une chaussure noire. Il faut dire que le long métrage d’Yves Robert doit beaucoup à cette scène devenue mythique où l’on voit l’actrice française arborer un robe du couturier Guy Laroche au dos nus plus que plongeant. Emblème de la culture populaire, cette robe noire – très sobre devant et scandaleuse derrière – est le point de départ de l’exposition BACK SIDE/DOS A LA MODE. Sous l’égide du commissaire Alexandre Samson, responsable du département haute couture du Palais Galliera, l’exposition explore comment la mode s’est tout au long de l’histoire emparée de cette partie du corps et fait dialoguer les créations de quelques grands couturiers avec les œuvres du Musée Bourdelle.

Mireille Darc dans sa fameuse robe Guy Laroche dans Le grand blond avec une chaussure noire

A la traine

Pour le dos, tout a pourtant commencé avec beaucoup de tissus, comme en témoigne les traines arborées dans les cours européennes par les dames de compagnie, reines et princesses. Mesurant entre 3 et 14 mètres, les traines sont à l’époque des marqueurs sociaux qui distinguent et élèvent celles qui les arborent, obligeant le commun des mortels à les contourner et à respecter une certaine distance. Désormais réservées aux robes de mariées et aux robes de très grandes soirées, la traine continue toutefois de fasciner les couturiers et les princesses modernes, en témoigne les quelques modèles présentés dans l’exposition (Givenchy, Gaultier) mais aussi les créations convoitées par les vedettes lors de l’annuel Gala du Met à New-York.

La chanteuse Cardi B au Gala du Met de 2019 dans une robe Thom Browne © Getty images

Négligé, libéré puis désiré

Dans la conception occidentale, le dos – seule partie de son corps qu’un être humain ne peut voir autrement que dans un miroir – est souvent associé au labeur et à la trahison (en avoir plein le dos, un coup de poignard dans le dos). D’un point de vue vestimentaire, cela a conduit cette partie du corps à être déconsidérée ou négligée. Ainsi, le vestiaire masculin a longtemps délaissé le dos, se contentant de décorer le devant des gilets et autres costumes. Parce que tout est politique, chez les femmes, le dos a longtemps été l’expression d’une certaine soumission. La traine, symbole de majesté, limite affreusement le mouvement et empêche de reculer. Si, chez l’homme l’habit se ferme par devant, préservant ainsi l’autonomie de l’habillé, chez la femme le dos est souvent parsemé de lacets, boutons ou agrafes tous impossibles à fermer seule.

Balenciaga Automne-Hiver 1961-62 (Archives Balenciaga) et Torse d’Adam par Antoine Bourdelle, 1889 (Coll. Musée Bourdelle) – © Pierre Antoine

Il faudra attendre le début du XXème pour voir les vêtements féminins s’alléger, se simplifier et apercevoir les premiers – et très discrets – dos nus. C’est l’avènement d’une société des loisirs dans laquelle se développe la baignade et la pratique sportive et où il faut désormais exposer son bronzage. Progressivement, les décolletés dorsaux vont s’échancrer et s’approfondir, notamment avec l’aide inopinée de la censure américaine. De 1934 à 1945, le code Hays interdit de montrer la poitrine des actrices dans les films. Qu’à cela ne tienne, si on ne les dénude pas devant, on le fera derrière. Le dos-nus devient alors symbole de sensualité et d’érotisme.

A la faveur d’une libéralisation toujours plus grande des mœurs, les dos vont continuer de se dévoiler mais aussi de s’ornementer. De dentelle comme chez Saint-Laurent, d’ailes dorées comme chez Thierry Mugler mais aussi de sacs, en particulier après le succès du premier sac à dos de mode signé Prada.  De par sa largeur, le dos devient également la surface publicitaire préférée des marques pour exposer des motifs mais aussi et surtout leur nom et leur logo. Un espace aussi privilégié par les vêtements “pratiques” à messages divers et variés («  Je suis Charlie  » , «  Police  » ou «  MBAPPE 10  »). 

© Pierre Antoine

Située au sous-sol de l’aile «  moderne  » du musée et dans une scénographie assez minimaliste, l’exposition est essentiellement composée de vêtements auxquels s’ajoutent une hypnotique captation d’un solo de Trisha Brown entièrement dansé de dos, de très belles photos de Jeanloup Sieff et quelques plâtres de Bourdelle. Ces derniers sont surtout une invitation à aller découvrir le reste du musée où quelques autres créations haute couture sont disséminées dans une scénographie cette fois-ci plus monumentale faites des œuvres les plus grandioses de Bourdelle.

BACK SIDE/DOS A LA MODE. Exposition hors les murs du Palais Galliera. Musée Bourdelle, 18 rue Antoine Bourdelle, Paris 15ème. Jusqu’au 17 novembre 2019. Tous les jours de 10h à 18h sauf le mardi. Tarifs  : 10/8€.

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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