CINÉMA

Angoulême : la belle endormie réveillée par le Festival du film francophone

© Malvina Raud

À l’occasion de la douzième édition du Festival du film francophone d’Angoulême, Maze a rencontré Dominique Besnehard, son délégué général. Retour sur un petit festival devenu grand.

Attablé en terrasse d’un de ses cafés fétiches, en plein coeur du Vieil Angoulême, Dominique Besnehard profite des derniers moments de calme avant une semaine folle. Double expresso dans une main, téléphone prêt à décrocher dans l’autre, il revient sur la genèse du festival.

Comment est née l’idée de ce festival ?

Dominique Besnehard : L’idée d’origine vient de Marie-France Brière. Nous nous sommes vu lors d’un dîner en 2008 et elle m’a tout de suite parlé du festival. Nous devions être en février ou en mars et elle m’a dit que nous devions lancer la première édition à la fin de l’été. Elle m’a épaté. C’était une productrice importante mais qui tenait plus de la variété que du cinéma. Et moi je venais de quitter mon poste d’agent artistique chez Artmedia pour devenir producteur. À nous deux, nous pouvions faire quelque chose de bien.

Pour qu’un festival soit réussi, il faut trois ingrédients : un site historique, une thématique et une bonne date. Pour la thématique, nous voulions faire un festival sur le cinéma francophone. Pour la date, la dernière semaine d’août nous semblait être la meilleure solution parce que les gens rentrent de vacances et ont envie de se détendre.

L’idée vous l’aviez. Qu’en était-il du lieu ?

D.B : Angoulême je n’y étais venu qu’une seule fois, pour acheter les droits d’un livre dont l’auteure habitait en Charente. Mon premier voyage, ce fût un aller retour de la gare à l’hôtel, c’est tout ce que j’avais vu d’Angoulême. Marie-France Brière elle s’était « mise au vert » pas loin de la ville et s’était attachée à cet endroit. Elle avait besoin de s’occuper, de se trouver une activité. Monter ce festival ici, à Angoulême.
Personnellement, j’étais proche de Ségolène Royal. Elle était présidente de la région Poitou-Charentes et m’a tout de suite soutenu, elle avait envie de m’aider. Le premier festival a coûté environ 300 000 euros, nous n’avions pas de sponsors alors elle a fait voter une subvention exceptionnelle spécialement pour nous. La mairie aussi nous a tout de suite été solidaire.
Et puis il ne faut pas croire que c’est un trou ici. Il y a plein d’écoles de l’image, des tournages… Les angoumoisins sont habitués. C’est une ville de cinéma. Angoulême, c’est Cinecitta.

Tout n’a pas toujours été rose au festival. Quelles ont été les difficultés ?

D.B : Je me suis fâché avec Ségolène Royal. On a coupé les ponts, en plus elle voulait qu’on lui rembourse la subvention exceptionnelle qu’elle nous avait accordé. Cela a été une période compliquée. Nous avons même failli déménager le festival ailleurs en France, vers Albi notamment, car nous avions des propositions.
Pour la première édition, c’était aussi compliqué de faire venir des talents. Au début il n’y avait pas grand monde, même mes amis les plus proches comme Nathalie Baye n’ont pas voulu venir. Les gens avaient peur que ce festival soit celui de Ségolène Royal, puisqu’elle avait beaucoup aidé à sa création.
Mais on a toujours eu des fidèles. Fabrice Luchini et Cédric Klapisch sont venus dès la première édition. Il a fallu essayer de convaincre, mais Marie-France est très forte pour ça.

Seulement douze ans qu’il existe et le festival attire aujourd’hui plus de 40 000 visiteurs. Comment expliquer son expansion ?

D.B : Un festival comme celui d’Angoulême, il n’y en avait pas vraiment avant. Il n’y avait rien entre le petit et le colossal. Ce qui se rapproche le plus c’est le festival de l’Alpe d’Huez, mais c’est en hiver. Ou bien Deauville, consacré lui au cinéma américain.
Nous avons grandi en même temps que le festival. En 2008 c’était quatre jours de cinéma, aujourd’hui c’est presque une semaine. Le festival a pris de l’ampleur, à petits pas, jusqu’à Intouchables en 2011. Ça a été la consécration. Après le succès d’Olivier Nakache et Eric Toledano, les médias se sont emparés de ce festival et c’est devenu l’endroit où il faut être.
Aujourd’hui on a tellement de propositions que nous sommes obligés de refuser des films.

Au sujet d’Angoulême, comment une petite ville vit-elle un festival de cinéma ?

D.B : L’ambiance est différente des autres festivals. Ce n’est pas Cannes. Les angoumoisins ne tapent pas sur l’épaule des artistes lorsqu’ils les croisent. Ils sont très respectueux, chaleureux, pas du tout hostiles.
Il y a eu une grande concorde autour de « la belle endormie ». La mairie, les sponsors, tout le monde nous a soutenu. Le Festival du Film Francophone est maintenant ancré au territoire. Les habitants attendent cet événement tous les ans.
Le Festival International de la Bande-Dessinée, qui est pourtant plus important, n’a pas le même impact sur la ville. C’est sûrement pour ça que le public est si chaleureux avec nous.

Petit teaser pour cette nouvelle édition 2019.

Propos recueillis par Manon Brethonnet et Malvina Raud

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