© Compagnie Etincelle
Au théâtre des Brunes, la compagnie Etincelle interprète avec conviction le texte peu connu de Stefan Zweig Légende d’une vie.
Le spectateur est plongé en 1919, au cœur d’un puissant huis-clos familial dans lequel un jeune auteur autrichien cherche à s’émanciper de la figure de son père décédé, grand poète et icône de son époque. Pendant soixante-dix minutes, le public est pris dans cette recherche de liberté à laquelle se superpose une importante critique énoncée par Stefan Zweig à l’égard du conformisme moral de la société bourgeoise de l’époque et de l’hypocrisie des relations dans ce milieu.
En quête d’identité
Dans la demeure familiale, tout semble voué au culte du célèbre Karl Amadeus Franck, culte organisé et orchestré par son épouse d’une part et part sa biographe Clarissa Von Wengen d’autre part. A tel point qu’on exige du fils, Friedrich, qu’il suive les traces de son père et honore celui-ci sous le regard des grands bourgeois et intellectuels de l’époque. Mais le jeune homme, également auteur, se trouve dans l’incapacité de parler en public et sait qu’il n’égalera pas son père lors de la très prochaine présentation publique de sa première œuvre. S’ensuit alors une saisissante réflexion sur l’identité, le rapport au père et l’évolution d’un jeune écrivain dans l’ombre du pater familias. Il n’espère qu’une chose : « Une semaine. Juste une semaine. Être inconnu ».
Pourtant, très rapidement, il apparaît que Karl Amadeus Franck n’était pas l’homme irréprochable connu de tous. Les Franck, comme beaucoup d’autres, s’est en fait construite sur l’occultation du lourd passé de l’écrivain et des non-dits familiaux. La vérité a été longtemps cachée, les protagonistes instrumentalisés et asservis par la menace du qu’en-dira-t-on. Avec la faveur du rétablissement de la vérité, Friedrich parviendra finalement à aimer ce père moins exceptionnel mais plus humain. La pièce se mue alors en réflexion sur le secret familial, le mensonge et la dimension émancipatrice de la vérité.
Une interprétation réussie d’une des rares vraies pièces de Stefan Zweig
Le texte de Zweig, fort et vif, composé de plusieurs affrontements verbaux qui opposent le fils et la biographe qui sortiront toutefois deux gagnants de ce « combat moral et social » qui leur fera saisir le caractère très libérateur de la vérité.
Selon les acteurs et metteurs en scène Lennie Coindeaux et Caroline Rainette (Compagnie Etincelle), la pièce pourrait être divisée en deux parties. La première, qui présente un jeune auteur confronté à l’absence d’individualité et de reconnaissance pour lui-même pourrait s’intituler « l’identité meurtrie » là où la reconnaissance du poids du mensonge familial et son rejet incarnent une forme de renouveau pourrait s’intituler « éloge à l’existence ».
En dépit de cette complexité du fond, la forme retenue est relativement simple (comme souvent dans le Off). L’espace scénique n’est occupé par un bureau, un coffre et une table haute sur laquelle est posé un téléphone, trois éléments simples mais qui s’avèrent parfaitement intégrés au jeu des acteurs . Le spectacle a d’ailleurs été nommé aux P’tits Molières dans la catégorie meilleur comédien dans un premier rôle. Une bonne raison d’aller découvrir leur travail au théâtre des Brunes.
Légende d’une vie, d’après Stefan Zweig. Compagnie Etincelle. Festival OFF d’Avignon. Tous les jours à 14h30, du 5 au 25 juillet. Durée : 1h10. Théâtre des Brunes. Tarifs : Abonné 14 € / Plein tarif 20 €