CINÉMA

« Acusada » – Faites entrer l’accusée

Avec la sortie de Rojo de Benjamín Neishtat suivie de Acusada de Gonzalo Tobal, il semble que le cinéma argentin soit mis à l’honneur ces dernières semaines, pour notre plus grand plaisir.

Ces œuvres cinématographiques sont toutes deux des drames policiers sensiblement différents. Pour cause, le premier relatait l’implication d’un avocat dans une affaire de suicide tandis que le second laisse beaucoup moins d’indices concernant les circonstances d’un meurtre. La culpabilité ou non du personnage principal est au cœur de l’intrigue. Les scénarios de Rojo et Acusada, bien que divergents, se ressemblent autour d’un dénominateur commun qui n’est autre que l’ambiguïté inhérente au personnage central  : Claudio (Darío Grandinetti), avocat corrompu, à la personnalité trouble et double ; Dolores (Lali Espósito), étudiante en mode accusée de meurtre, entretient malgré elle la suspicion à son égard.

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Une tension continue

Acusada est une œuvre crédible et oppressante, tant elle joue avec l’imaginaire du spectateur. Dolores Dreier, jeune femme de 21 ans, est accusée du meurtre de sa meilleure amie. Tous les indices crient sa culpabilité : le mobile, les circonstances spatio-temporelles, l’absence d’alibi, l’arme du crime… Pourtant, le doute subsiste jusqu’à la fin et au sortir de la salle de cinéma. La chute n’étant pas celle escomptée, le film laisse un goût d’inachevé. Mais n’est-ce pas cette incertitude qui lui confère une valeur si singulière  ?

Un point de vue narratif externe

Alors que bon nombre de films policiers donnent à voir le scénario du crime dès leur commencement ou à leur toute fin, Gonzalo Tobal met en avant une dimension plus réaliste. Le public demeure simple spectateur du déroulé de l’affaire  ; il n’en sait pas plus que les autres personnages du film. Il est ainsi encouragé à forger sa propre opinion. Comme souvent, il est difficile de ne pas ressentir de la compassion pour le personnage principal, ici présumé coupable. Bien que Dolores ne laisse entrevoir le fond de sa pensée, son langage corporel gagne en intensité tout au long du film, à mesure que nous parviennent quelques flashs de la scène du crime – trop suggestifs, toutefois, pour en tirer de réelles conclusions.

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Entre fiction et réalité

Tout comme le personnage central de Rojo, le degré d’implication de Dolores dans le crime est ambiguë et flou. Elle est tour à tour perçue comme innocente et coupable, victime et responsable. Les deux protagonistes de ces films argentins assistent sans intervenir à la mort d’autrui. Cette réaction contre-nature, inhumaine, questionne la psychologie propre au personnage de Dolores  : a-t-elle pardonnée son amie ou s’est-elle vengée de sa trahison ? Alors même que sa culpabilité n’est pas formellement démontrée, déjà son nom est jeté en pâture à la foule. Le film pose la question de l’impact de l’opinion public sur la justice censée demeurer impartiale. Au travers des interviews accordées par les deux parties, on mesure le pouvoir des médias. Au-delà d’une bataille judiciaire, c’est avant tout un bras de fer médiatique que l’accusée se doit de mener.

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