SOCIÉTÉ

« Le coming out, c’est une deuxième naissance » : paroles de jeunes LGBTQ+

© Tiago Mazza Chiaravalloti / NvrPhoto/Corbis

Le coming out pourrait paraitre aujourd’hui en France une banalité, tout le monde sait de quoi il s’agit. Pour autant, cela n’a rien d’anodin : quatre jeunes racontent leur expérience.

Le « coming out  » consiste à annoncer volontairement à son entourage son orientation sexuelle ou son identité de genre. C’est un moment décisif dans la vie de ces personnes, plus ou moins jeunes, qui décident d’être « out ». Lolita a 22 ans et vit à Bordeaux où elle fait un master histoire de l’art et études sur le genre. Selon elle, le coming out est « quelque chose de très violent, même quand ça se passe bien ». D’autant plus que les expériences négatives sont fréquentes, Hugo* a 22 ans et en a fait les frais.

«  Il y a vraiment un avant et un après coming out »

Hugo avait 17 ans, lorsqu’il a annoncé à ses parents qu’il était homosexuel. Ces derniers l’ont très mal pris alors qu’ils semblaient assez ouverts. Leur réaction était totalement inattendue, Hugo a subi des « insultes non-stop, nuit et jour » de leur part pendant plusieurs semaines. Ils ont pris conscience de la gravité de leurs actes après avoir compris qu’Hugo avait fait plusieurs tentatives de suicide. Pour autant, bien qu’ils se soient excusés, Hugo confie : « t’y penses tous les jours. Je ne peux pas vivre dans la même maison car tout me rappelle ces mauvais souvenirs, les cris dans la cuisine par exemple ».

Les séquelles liées au coming out sont importantes et changent la manière de se percevoir. Par exemple, Hugo pensait qu’il n’aimait pas comme les autres du fait de son homosexualité. La réaction de l’entourage, qu’elle soit positive ou négative, a des conséquences importantes sur sa vie quotidienne et sa vision du monde.

La construction d’un nouvel entourage

Après le coming out, l’entourage de la personne change, au profit d’un environnement plus sain, Lolita explique  : «  j’ai eu vraiment une grosse phase de déconstruction où j’ai eu besoin de m’entourer de personnes LGBTQ+, un besoin de trouver une sorte de réconfort  ». En effet, même si l’annonce se déroule bien, les habitudes ne changent pas du jour au lendemain et il devient difficile de supporter certains comportements et remarques déplaisants.

Lolita, par exemple, n’a « plus aucune tolérance sur les propos homophobes, même les insultes comme “pd” c’est rédhibitoire ». Ainsi elle s’est éloignée de beaucoup de ses anciens amis. L’entourage proche de Justine, lycéenne de 17 ans dans l’Ardèche, a accepté son coming out mais n’a pas changé de comportement : « pour mon frère et mon père c’est plus compliqué, ils continuent de faire comme si j’étais hétéro ».

S’entourer de gens qui vivent la même chose et au travers desquels on peut se reconnaître devient primordial, comme pour Diane, 21 ans vivant en région parisienne, étudiante en master de management culturel, pour qui « le fait de voir des gens comme soit quand on est perdu, ça aide énormément ». Les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la représentation de la communauté LGBTQ+, Diane suit beaucoup de personnes sur Instagram ou Twitter qui l’aident à s’identifier et avec qui elle peut discuter.

La question de genre, plus sensible que la sexualité

Le coming out concerne souvent l’orientation sexuelle et est considéré par beaucoup comme l’annonce d’une homosexualité. Alors que les questions de genre sont tout aussi importantes. Le genre n’a pas spécifiquement à voir avec l’orientation sexuelle mais avec l’identification d’une personne à un «  sexe  », un genre. Les catégories de genre sont complexes et beaucoup ne veulent pas être mis dans des cases. Diane par exemple ne s’identifie pas à un genre précis mais sait qu’elle n’est pas cisgenre, c’est-à-dire qu’elle ne s’identifie pas à son sexe biologique.

Le genre est un concept difficile à définir et à expliquer, faire son « coming out de genre » est compliqué puisqu’il est incompris. Certains décident de s’en tenir à l’annonce de leur orientation sexuelle et laissent les questions de genre de côté. Lolita explique : « je ne me suis jamais considérée comme bi mais plutôt comme queer (non-conforme aux normes de genre, ndlr) (…) j’ai essayé de l’expliquer à ma sœur mais au bout de deux semaines j’ai laissé tomber. Je lui ai laissé me coller l’étiquette bi car c’était plus simple pour elle ».

Pour autant, l’identification à un genre est plus difficile à cacher qu’une orientation sexuelle puisqu’elle est visible sur le corps comme le confie Diane : « le regard des autres est hyper important même si j’essaye de plus en plus de m’en affranchir et c’est pour ça que maintenant je suis prête à faire mon coming out ».

Le regard des autres modifie notamment sa manière de se présenter à certaines personnes, par exemple elle explique ne pas porter son binder (corset qui aplatit la poitrine) avec des gens qu’elle connaît depuis longtemps et qui la considérerait, à défaut, comme une autre personne  : «  j’ai peur qu’ils me voient autrement alors que je suis la même personne  ».

La banalisation croissante du coming out est signe d’une évolution des mœurs mais elle ne reflète pas complètement la réalité. Qu’il s’agisse de révéler son orientation sexuelle ou son genre, le regard des autres est important et participe à sa nouvelle identité. Hugo l’affirme « le coming out, c’est une deuxième naissance ».

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