Photo : Efrim Manuel Menuck & Kevin Doria / © Marin Pobel
Malgré une météo capricieuse, la dernière édition de l’Usopop a su tenir ses promesses : celles d’un festival accessible, catalyseur de talents et dépaysant.
Ce qui frappe tout d’abord, en gravissant les 10 kms tout en lacets qui séparent la petite commune de Sare du col de Lizarrieta, dans les Pyrénées Atlantiques, c’est son isolement, bienvenu : un véritable havre de paix entre ruisseaux, collines et forêts, à 400m d’altitude. Au détour d’un virage, on aperçoit une pancarte tout en référence qui ne nous laisse pas indifférent : celle de l’Usopop version 2017, année du retour cathodique de la série Twin Peaks de David Lynch, que n’ont visiblement pas manqué les organisateurs.
Un accueil sous les meilleurs auspices avant de découvrir le parking, sur une place aménagée aux côtés d’un bar-restaurant traditionnel, le seul à des kilomètres à la ronde. En somme, un petit coin de paradis perdu au cœur du Pays-Basque, qui proposait, pour la dixième année consécutive, deux jours de festivals. Quelques minutes de marches suffisent à se rejoindre du site du festival, où est monté une unique scène, supplanté par une colline sur laquelle les DJ officient durant les interludes.
La fête pouvait commencer : petit retour sur quelques concerts qui ont marqués cette édition.
Efrim Menuck et Kevin Doria was GOOD GOD, GOOD
Seulement deux semaines après avoir publié are SING SINCK, SING (que nous avions chroniqués ici), disque introduisant officiellement le duo en tant que formation indépendante après une tournée commune, Efrim Manuel Menuck (Godspeed You ! Black Emperor, A Silver Mt. Zion) et Kevin Doria (Growing, Total Life) étaient réunis sur la scène du petit festival pour un passage attendu, juste après la déflagration Lysistrata, alors que la fin d’après-midi avait déjà été marquée par les performances d’Asile Club, Joseba Irazoki et Lagunak.
Mobilisants synthétiseurs modulaires, sampler et tables de mixages, le duo Menuck-Doria façonne les sons, les textures comme les équilibres avec une précision divine. Si la figure christique phare du post-rock délaisse ici la guitare pour se tourner vers le chant, le son si caractéristique du Montréalais n’en est pas moins présent, à partir de boucles instrumentales pré-enregistrées diffusées directement sur des amplis basses et guitares.
Un bain de sons qui réchauffent les cœurs et les oreilles sur fond de psalmodies incandescentes, performance mémorable qui rappelle la puissance et l’importance de ces musiciens à part, à l’heure où Godspeed You ! Black Emperor (ni plus ni moins qu’un des meilleurs groupes en activité) vient d’annoncer une poignée de dates en France pour cet automne.
Malgré la boue et le temps menaçant, donnant au festival un faux-air de Woodstock plutôt plaisant, le public est au rendez-vous et attend alors le dernier groupe de la soirée, annoncé comme un événement, Lisabö. Un set dantesque pour la formation qui se partage deux batteries et offre un son dense, électrique et terrifiant, entre Swans, Fugazi et Action Beat. Le public en redemande, le groupe semble plus heureux que jamais : une soirée idéale.
En clôture, entre les Dj Set savoureux et incarnés de Martial Jesus (l’un de fondateur du Total Heaven, disquaire incontournable de Bordeaux) et Laetitia, c’est le groupe de karaoké live Los Bintxeros qui assure, tout de rose vêtu, une fin de soirée mémorable à la bonne humeur communicative.
This Is The Passion
Au matin du deuxième jour, certaines choses ont changées : la pluie éparse de la veille est devenue plus abondante, rendant toute sortie extérieure moins évidente. Mais hormis les ateliers réservés pour les enfants prévues en début d’après-midi (puisque les familles y sont nombreuses dans ce cadre chaleureux), le programme de la journée est maintenu, à commencer par le passage des Irlandais de Lankum.
Dévoilant, entre deux averses, leur folk raffiné aux frontières du trad et de formes plus audacieuses (le groupe cultivant les formats longs et les climax savamment menés), c’est un beau concert que nous offre le groupe, parsemé d’éclaircis qu’ont jurerai provoqué la beauté de leur musique et la somptuosité des arrangements vocaux et instrumentaux, le quatuor faisant preuve d’une grande générosité et sympathie envers la centaine de spectateurs venus braver la pluie.
S’élançant sur son micro de la pointe de ses pieds nues, alternant guitare et banjo, Kate Stables mène ensuite This Is The Kit avec une bonhomie à toute épreuve, multipliant les blagues et traits d’esprits, aussi purs et agréables que sa musique.
Épaulée par Louise Thiolon et Philippe Sirop, deux artistes français, ainsi que Jesse D. Vernon à la basse, celle qui navigue entre Bristol et Paris pour élaborer son folk aventureux et intimiste n’en finit pas de faire chavirer les cœurs, désarmantes de sincérité et d’enthousiasme.
Pressé par le temps, nous n’assisterons malheureusement pas aux deux derniers concerts, ceux d’Anari et de Madeleine, que certains membres du public nous expliquent attendre avec impatience. Difficile de ne pas les croire sur paroles tant il est difficile de quitter ce havre de paix qui, même sous la pluie, a offert des jours et des nuits de soleil dans nos cœurs et dans nos têtes.
Un immense merci à Marin Pobel pour la réalisation des photographies ainsi qu’à Achraf Daghar pour sa détermination et son aide précieuse, une équipe sans qui ce petit reportage n’aurait pas été possible. Remerciements spéciaux également à Patxi Dutournier, toute l’équipe de l’organisation ainsi qu’à Joni Saddler (Constellation Records) et Efrim Menuck pour leur sympathie et arrangements.