CINÉMA

Sur la côte d’Émeraude, rencontre avec Bernard Menez

Photo : © Éditions L’Archipel

Sur le port de Cancale, au détour d’une partie de pétanque, nous avons rencontré Bernard Ménez. Si l’acteur nous intéresse autant, c’est en grande partie grâce à ses rôles chez Jacques Rozier, cinéaste important mais peu connu. Bernard Ménez revient parfois au cinéma, pour des seconds rôles, et nous rappelle à quel point il est un comédien qui compte.

Votre autobiographie est sortie il y a deux ans, déjà. Qu’est-ce qui a motivé ce projet  ?

Des amis avaient écrit un premier jet, ce qui a donné un monstre. À partir de là, nous étions au point mort. Je rencontre une fille qui s’appelle Carole Wrona, directrice d’un ciné-club. En lui parlant de ce projet, elle me fait part de son intérêt. Elle connaissait très bien ma filmographie. Entre temps, l’éditeur l’Archipel me propose de faire une autobiographie et je leur pose une condition : prendre Carole Wrona pour l’écriture. J’en suis très fier car le résultat est très bon. Carole écrit très bien et arrive à retranscrire l’ambiance de cette époque.

Ce livre permet de revenir sur votre filmographie. Votre premier rôle, c’est dans Du côté d’Orouët, de Jacques Rozier. Un réalisateur précieux pour les cinéphiles…

En ce qui me concerne, tout part de lui. D’ailleurs, c’est lui qui m’a empêché de partir au Canada. J’étais découragé et je voulais fuir au Canada pour faire du théâtre et enseigner. C’est grâce à lui que je suis resté en France. Lui était très aimé par François Truffaut. C’est avec ce rôle que Truffaut est venu me chercher, sans faire de casting, pour La nuit américaine. Mon troisième film important, c’est Pleure pas la bouche pleine, de Pascal Thomas.

Qu’est-ce que vous retenez de ces trois expériences ?

Pour un jeune comédien, il n’y avait rien de mieux pour commencer au cinéma. J’avais Jacques Rozier pour le cinéma d’auteur, François Truffaut qui m’amenait dans le giron des acteurs de cinéma reconnus et Pascal Thomas pour la reconnaissance populaire. Après Pleure pas la bouche pleine, j’ai commencé à signer des autographes dans la rue.

Jean-Luc Godard vous a-t-il sollicité ?

Non, je l’ai seulement croisé quelques fois. La relation était probablement assez tendue entre Jacques Rozier et Jean-Luc Godard. Rozier a réalisé un très beau court-métrage intitulé Paparazzi, et dont l’action se déroulait sur le tournage du film Le Mépris.

La nuit américaine est donc une étape fondamentale dans votre filmographie.

Tout à fait, c’est la première fois que je montais les marches au festival de Cannes. Il nous avait embarqué pour présenter le film en ouverture.

La nuit américaine (François Truffaut, 1973)

Dans les années 1980, vous jouez dans plusieurs films que l’on pourrait qualifier de nanar, mais aussi dans des films très importants comme Maine Océan, réalisé par Jacques Rozier.

Sur les 160 films, il y en a un tiers dont je suis très fier. Après, il y a un peu de tout.

La raison qui motivait ces choix était financière ?

Non, non. Quand on se lance dans un film, on espère que ça va être intéressant. Le scénario peut être formidable sur le papier et le résultat catastrophique une fois porté à l’écran. C’est très difficile pour un comédien de savoir quel va être le résultat final, c’est le réalisateur qui a tout entre les mains.

À côté des films, on vous retrouve régulièrement sur les planches de théâtre. Vous vous y sentez mieux ?

Je suis, au départ, un acteur de théâtre. En ce moment, je viens de commencer le tournage d’un épisode de Demain nous appartient, on m’a proposé un rôle qui me paraît intéressant, celui d’un ambassadeur de France au Japon. Au début de l’année, j’étais dans deux films mais ce n’était que de courtes apparitions. Le film de Pascal Thomas, À cause des filles.. ?, n’a pas rencontré le succès qu’on espérait. Je joue aussi beaucoup au théâtre et c’est un bonheur constant.

Il y avait aussi votre très beau rôle dans Tonnerre.

Guillaume Brac, le réalisateur, est un disciple de Jacques Rozier et de Pascal Thomas. C’est grâce à ça qu’il est venu me chercher pour Tonnerre.

J’ai eu un certain plaisir à vous revoir dans le moyen métrage Le Quepa sur la Vilni, aux côtés de Christophe et Bernard Hinault.

C’était un plaisir de le faire. Le réalisateur est aussi un admirateur de Rozier. Il a amené Christophe dans l’aventure et j’ai amené Bernard Hinault. C’est un film très drôle.

Résultat de recherche d'images pour "bernard ménez christophe"
Bernard Ménez et Christophe (Le Quepa sur la Vilni !, Yann Le Quellec)

En 1982, vous avez réalisé un film qui s’appelle Les Petites têtes, vous n’avez pas envie de réitérer l’expérience  ?

Si. En fait, un producteur de films X est venu me chercher pour faire un film «  normal  ». Il m’a proposé un scénario en me demandant de faire la mise-en-scène si je jouais un des rôles principaux. On a retravaillé le scénario plusieurs fois pour s’éloigner de ce qu’il avait l’habitude de faire. C’est le film le plus rentable du siècle dernier (rires). Il a coûté deux millions de francs, tout compris, et il a permis de gagner de l’argent. Là, je suis sur un projet de pièce de théâtre. J’aimerais bien en faire l’adaptation mais s’il faut courir après l’argent, je ne sais pas faire. Il me faut un producteur qui accepte de se lancer dans l’aventure.

Deux ans après cette réalisation, vous sortez le tube Jolie poupée. Votre filmographie semble moins intéressante par la suite. Comment expliquez-vous cela ?

Cette chanson est à double tranchant. Jolie poupée m’a donné une belle notoriété dans la rue mais a probablement empêché que des réalisateurs importants comme Claude Sautet viennent me proposer des rôles. J’avais ma place avec eux et je crois que l’éloignement est né à ce moment-là.

You may also like

More in CINÉMA