MUSIQUE

« Christophe Etc. » – Voyage au pays du son

Photo : © Universal Music

Trois ans après Les vestiges du chaos, Christophe replonge à nouveau dans sa discographie pour proposer un album de duos aux sonorités nouvelles.

Nous l’avions rencontré l’année dernière, pour une nuit d’échanges autour de cette création. Depuis, l’album s’est découpé en deux volumes, regroupant une vingtaine d’artistes. Avec Christophe etc…, on fait encore face à l’inconnu.

Le premier volume s’ouvre sur Succès fou en compagnie de Nusky & Vaati. Autotune et ambiance rococo semblent faire bon ménage pour accompagner un texte laissant la part belle au dragueur, figure récurrente dans l’œuvre de Christophe. Mais cette arrogance d’apparence s’efface dans des morceaux plus puissants. En effet, en bon iconoclaste, l’artiste mélange les genres et les artistes d’horizons divers. Il fait cohabiter Eddy Mitchell et les Californiens de Son Lux dans un tourbillon sonore qui vire parfois à l’expérimentale.

Comme une peinture

Difficile d’évoquer l’album dans son ensemble, les mots des chansons se chevauchent, les touches électro viennent percuter l’ensemble dans un drôle de fracas. En s’éloignant de la commande, Christophe nous offre de nouveaux morceaux, et non des reprises fades de ses plus grands titres. D’ailleurs, les tubes côtoient des petites perles peu connues de son répertoire. La Man, avec Yasmine Hamdan, est une balade électronique où la voix trafiquée de Christophe permet de faire éclater les envolées de l’artiste libanaise. Ce morceau, il le reprend depuis plusieurs années, notamment dans le cadre de l’Intime Tour, avec un synthétiseur pour compagnon. Pour arriver à cette qualité dans Christophe etc…, il a arpenté un chemin étrange où ses morceaux sont sans cesse réinterprétés en fonction des découvertes sonores. Il faut le voir sur scène, notamment en solo. Circulant entre les guitares et les pianos, Christophe donne un second souffle à ses morceaux, plongeant dans sa discographie pour en faire ressortir un sentiment trouble, celui de la nostalgie et du plaisir de l’aventure.

La Man (Christophe)

À ce titre, Les mots bleus (avec Son Lux) est l’une des plus belles pièces de l’album. Comme dans Le dernier des Bevilacqua – un chef-d’oeuvre-, les sonorités électroniques s’entendent en écho. Les notes célèbres résonnent au ralenti. L’introduction est planante, la voix de Christophe est écrasée par le poids de ce titre qui figure parmi ses plus grands tubes. Il lui redonne toute sa force de cri désespéré, de déclaration d’amour aux timides. Les mots de Jean-Michel Jarre se doublent de I will tell her prononcés par les petits génies de Son Lux. Christophe glisse un hommage à son ami Alain Bashung en déclamant des Je lui dirai qui devaient ouvrir son album Aimer ce que nous sommes, en 2008. La dernière minute du morceau est peut-être le plus beau moment du disque. On retrouve toute la folie de son précédent album Les Vestiges du chaos et Christophe nous prouve une fois encore qu’il est un compositeur précieux.

Éloge du chaos

Plus calme et plus attendue, la version du Petit gars avec Étienne Daho n’est pas si éloignée que ça du morceau originale, sorti en 1974. Il s’inscrit dans le sillon creusé par Daho avec son dernier album intitulé Blitz. Une électro minimaliste à la manière de Señorita, chantée ici avec Sébastien Tellier. Ces morceaux dégagent une sensualité bienvenue mais n’ont pas la puissance que dégagent d’autres titres comme Les mots bleus ou J’l’ai pas touchée. Chrysta Bell, une nouvelle dans l’univers de Twin Peaks, vient perturber la puissance tranquille de Christophe dans ce morceau. C’était l’un des plus beaux moments de son concert à la Philharmonie de Paris, l’année dernière.

Le petit gars (Christophe, Étienne Daho)

Ces rencontres viennent pimenter un premier volume complètement chaos (Eddy Mitchell va vous surprendre). La variété des arrangements et des genres permet de piocher à l’intérieur de cet album pour y trouver son compte. Nous concernant, nous n’avons qu’une hâte, c’est de faire tourner le second volume en boucle. Un regret seulement, la version d’Aline jouée pendant la tournée des Vestiges du chaos ne sera probablement pas enregistrée. Sur les notes de Creep de Radiohead, Christophe livrait une prestation époustouflante en compagnie de ses musiciens à la fin de chaque concert.

En attendant, il sera possible de le voir sur scène la semaine prochaine au théâtre de la Porte-Saint-Martin. N’hésitez pas, c’est une expérience inoubliable.

Christophe – “Christophe Etc.”
Disponible le 17 mai 2019 (Universal Music).

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