CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2019 – « Yves » un ami qui vous veut du bien

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QUINZAINE DES RÉALISATEURS – Après l’atmosphérique Gaz de France en 2015, Benoit Forgeard présentait en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs, Yves, comédie jusqu’au boutiste dont on aurait aimé qu’il n’y ait jamais de bout.

Les rires et les applaudissements étaient francs devant le générique de fin du dernier film de Benoît Forgeard. Le réalisateur nous délivre un film précis qui s’ouvre à un public plus large grâce à un comique efficace et convaincant, devant lequel on ne se demande pas si c’est drôle ou non, mais devant lequel on rit tout simplement. Yves c’est le nom du frigo intelligent que reçoit Jerem (William Lebghil) pour une période d’essaie. Nouvelle invention d’une start-up française, Yves est le meilleur ami présupposé indispensable à votre quotidien voué à l’épanouissement de votre famille. Comme la voix suave de Scarlett Johansson accompagnait Joaquim Phoenix dans son quotidien solitaire dans Her (2013), Yves accompagne le quotidien empli de pizzas et de bières du jeune homme. Jerem c’est un jeune mec un peu perdu qui vit seul dans la maison de sa grand-mère depuis qu’elle est décédée. Cherchant à percer dans le monde du rap, il compose et écrit dans son garage dans l’espoir d’un jour pouvoir en sortir. Quant une jeune commerciale enjouée, So (Doria Tillier), lui propose d’obtenir plusieurs mois de courses gratuites en échange de l’installation d’un nouveau frigo à l’intelligence plus brillante qu’artificielle, il accepte naturellement.

A part lui acheter de la nourriture, Yves le guide, répond à ses mails, lui conseille comment séduire et lui achète de nouvelles baskets. Le nouvel ami cubique modifie les compositions de Jerem et les postes sans son accord sur YouTube. Créant le buzz, Jerem devient rapidement une star grâce à ses raps aux paroles drôlement absurdes et vulgaires (paroles écrites par Mim et Tortos avec l’aide de Benoît Forgeard). Derrière tous les grands hommes, de grandes femmes et derrière Jerem un grand frigo. Quand l’imposture est démasquée, le jeune rappeur retourne dans le garage de mémé, eczéma sur le front, et honte au ventre. Même So, avec qui une histoire d’amour naissait, l’abandonne pour le frigo qui aussi froid qu’il peut l’être ne manque apparemment pas de chaleur humaine.

Yves est brillant de simplicité, de drôlerie et de vraisemblance. Le constat critique que propose Forgeard sur notre société et sa relation à la technologie ne se veut pas moralisateur ou attristant. Il se sert plutôt d’un humour absurde pour montrer l’illogisme de nos réflexes. La force du film c’est aussi sa capacité à nous faire croire au ridicule. On y croit quand So se dénude pour Yves et quand celui-ci à bout de désir éjecte des glaçons par dizaines. La musique orchestral de Bertrand Burgalat ne souligne pas simplement le propos, mais viens l’accompagner avec douceur pour apporter une cohérence à ce monde digitalo-humain aussi proche que lointain dans lequel, oui, un frigo peut gagner l’Eurovision.

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