CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2019 – « Le Jeune Ahmed », l’enfant perdu

© Christine Plenus

SELECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION – Luc et Jean-Pierre Dardenne, déjà deux fois Palme d’or à Cannes, reviennent cette année avec le portrait déstabilisant d’un jeune garçon en proie à la radicalisation. Déstabilisant, et assez insipide.

A douze ans, Ahmed (Idir Ben Addi) avale les paroles de son Imam. Il ne veut plus serrer la main de sa professeure Madame Inès (Myriem Akheddiou) qui s’est pourtant dévouée à son progrès scolaire. Il s’enferme dans sa chambre, traite sa mère d’alcoolique et voue une admiration aveugle pour son cousin parti faire le djihad. Lorsque Madame Inès annonce donc son projet d’enseigner l’arabe dans un contexte hors-religieux, Ahmed assimile l’idée de son Imam qu’elle est apostate. Il va même encore plus loin et tente de la tuer avec un couteau dissimulé dans ses chaussettes. Cela lui vaut de se retrouver dans un centre de détention et d’éducation où il doit accomplir diverses tâches, notamment au sein d’une ferme. Animé par la seule envie de terminer son projet d’assassinat, Ahmed feint le changement auprès de ses éducateurs. Il attend avec impatience le moment où il pourra à nouveau faire face à sa victime et accomplir cette «  volonté de Dieu ». Les choses dérapent lorsqu’il s’attache à la fille des fermiers, Louise (Victoria Bluck), qui l’embrasse. Loin de le faire réellement basculer dans le changement, cet acte bouleverse Ahmed qui s’enfuit vers l’école, un clou aiguisé à la main.

Des boucles noires, des lunettes rondes, une bouille maussade et enfantine, voilà ce qui caractérise réellement l’enfant. La complexité du personnage est totalement absente. Il a une démarche maladroite et se tient les yeux rivés sur le sol. Les doutes et questions qui devraient tourmenter un jeune se radicalisant peu à peu, n’assombrissent pas un seul instant le visage d’Ahmed. Cela donne lieu à un personnage creux, sans crédibilité. Il n’a d’émotion que lorsqu’il fait face à Louise. Cette scène fait sourire car elle rappelle l’innocence naïve, naturelle à cet âge. Pour un sujet aussi sensible et actuel, le manque de profondeur du personnage est crucial. Face à une mère désemparée, Ahmed est impassible. La volonté de montrer un esprit qui échappe complètement à ceux qui l’entourent, qui n’est pas et qui ne désire pas être compris peut expliquer cette prise de position. La mise en scène est elle aussi très simple et se veut de symboliser ce réalisme tel qu’on le perçoit. La profondeur de l’oeuvre des frères Dardenne réside peut-être dans cet angle choisi, celui de montrer les choses en surface, laissant le soin au spectateur de creuser par lui-même. Au risque de ne pas fonctionner.

You may also like

More in CINÉMA