Le plus grand événement littéraire de Belgique revient pour une édition spéciale cinquantenaire lors de laquelle nous avons fait des découvertes tant glorieuses que catastrophiques.
On ne change pas une recette efficace, certainement pas lorsqu’elle fête ses cinquante ans. L’équipe gigantesque de la Foire du Livre a rempilé une fois de plus sur le site majestueux de Tours & Taxis pour offrir aux férus de lecture une parenthèse romanesque digne de ce nom. Pendant quatre jours, nous avons pu déambuler dans les allées du salon de l’émerveillement. Le voyage était à portée de mots ; les maux quant à eux, éloignés par la simple odeur de livres neufs à peine sortis de leurs cartons.
De cette visite dans les entrelacs de la langue française, nous avons retenus quelques noms qui sortent du lot – tant pour leurs qualités que pour leurs défauts. Voici donc notre sélection du meilleur et du pire de ce que vous pouviez trouver en vous baladant sur le site de l’événement en ce mois de février.
Expo 58, l’espion perd la boule – Alain Berenboom
Il n’y a pas plus belge que les aventures rocambolesques de Michel Van Loo. L’homme vit dans le Bruxelles des années cinquante, passionné par la monotonie de son existence et les plaisirs simples de l’alcool et de la flemmardise. Il s’exprime dans un français on ne peut plus belge, agrémenté d’expressions que vous n’entendrez que dans l’enceinte de la capitale belge. Si on avait aimé Péril en ce royaume et Le Roi du Congo, il semblerait que le dernier tome des aventures du détective privé montre l’essoufflement de l’auteur. On ne sait s’il s’agit d’une passade ou d’un véritable appel à l’arrêt définitif, mais cette nouvelle aventure déçoit. Expo 58 est à Alain Berenboom ce que Miss Peregrine est à Tim Burton ; une alerte maximale qui appelle à ne pas tomber dans la caricature de soi-même.
On attend plus d’authenticité, moins de coupure orale dans l’écriture d’ordinaire si limpide de l’auteur belge. Même si l’intrigue est bien ficelée, elle est entravée d’interruptions désagréables, des erreurs de styles irritantes qui ne permettent pas de lire tout l’ouvrage d’une traite. Dommage, mais ne nous emballons pas trop vite. On ne peut décemment pas condamner un auteur qui a fait ses preuves sur une seule petite déception. Attendons le prochain tome pour voir s’il ne s’agissait que d’un accident de parcours ou d’un véritable glas.
Les Sœurs de Vlaeminck – Joan Condijts
Remarquable comme l’abandon d’un haut poste de journaliste peut engendrer des miracles littéraires. L’ancien rédacteur en chef de l’Écho, maintenant créateur du média LN24, Joan Condijts s’est laissé aller à quelques tribulations romanesques. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision était probablement l’une des meilleures de sa carrière. Dans Les Sœurs de Vlaeminck, l’écrivain apporte un souffle nouveau à la littérature belge. On retrouve toute la beauté du style court, incisif et persant de Patrick Modiano, sans pour autant en faire une pâle copie ou une immitation douteuse. Au contraire, résolument singulière, cette histoire d’errance dans le temps et dans la recherche de soi nous prend aux tripes et au cœur. Il est impossible d’abandonner la lecture de ce roman somme toute assez court mais captivant. La vie de Julien, dépeinte de la façon la plus simple et efficace qui soit, avec quelques touches fantastiques parfois, nous rappelle que nous sommes tous à quelques encablures de la découverte de la vérité sur les personnes que nous sommes réellement. Une merveilleuse réussite à laquelle on souhaite d’enfanter afin d’avoir, dans nos bibliothèques, d’autres ouvrages dignes d’intérêt de Joan Condijts.
Je suis Ariel Sharon – Yara El Ghadban
À un livre plein de promesse se substitue, dès les premières minutes de lecture, une grande déception. Yara El Ghadban ne parvient pas à accrocher son lecteur. La promesse est pourtant belle : suivre, au travers des voix des femmes qui l’ont porté, les pensées secrètes qu’Ariel Sharon aurait eu durant toute la durée de son coma. L’ancien premier ministre israélien fascine toujours autant, et avoir un regard neuf et romancé sur sa période creuse de maladie aurait pu se solder par une réussite littéraire, mais il n’en est rien. L’autrice dont la plume d’historienne n’a plus rien à prouver au monde n’aurait peut-être pas dû mettre ses passions professionnelles sous forme de roman. La lecture est accidentée par un style beaucoup trop alambiqué, des constructions saccadées handicapent sérieusement la fluidité du texte. Pire que tout, la retranscription écrite du langage parlé force à revenir par deux fois sur chaque phrase pour en traduire le contenu en langage correcte avant de le comprendre. Quel dommage d’avoir gâché un si beau potentiel.
13 complots qui ont fait l’Histoire – Arnaud de La Croix
Qu’il est bon de pouvoir se plonger dans un livre ne relatant que des faits réels sans avoir la sensation de s’assommer avec un manuel d’histoire-géo. L’historien et philosophe Arnaud de la Croix a quitté un temps sa passion pour l’histoire du XXe siècle pour nous livrer sa madeleine de Proust : les complots à travers les âges. Treize histoires, on ne peut plus véridiques, allant de la profonde Antiquité à notre XXIe siècle, nous plongent dans l’ésotérisme et les machinations des puissants qui jalonnent le passé commun de notre humanité. Qu’il s’agisse de l’assassinat de César ou de la naissance des Illuminati, tout est absolument passionnant, didactique, ludique, savamment écrit pour à la fois captiver les grands amateurs de lecture et les sceptiques des matières barbantes enseignées sur les bancs de l’école. On ne saurait que trop recommander l’achat de cet ouvrage écrit par un professeur de talent qui réconciliera tout le monde avec la matière la plus redoutée des petits écoliers.