Pour la première fois, une confrontation ouverte entre Moscou et Kiev a eu lieu ce dimanche 25 novembre depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et l’éclatement d’un conflit armé dans l’est de l’Ukraine entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses.
Les tensions persistantes entre la Russie et l’Ukraine ont atteint leur paroxysme ce week-end dans le détroit de Kertch. Les forces armées russes ont tiré, puis capturé trois navires militaires ukrainiens, cristallisant ainsi les relations diplomatiques, déjà fragiles, entre les deux voisins.
Le détroit de Kertch, une zone d’influence russe
En 2014, la Crimée, alors territoire ukrainien, est annexée par la Russie. Cette région permet à l’Etat russe d’avoir accès à la mer Noire et d’en contrôler l’accès ainsi que la circulation des navires ukrainiens dans ses eaux territoriales.
Pourtant depuis 2003, un traité russo-ukrainien avait statué sur les questions de circulation dans la mer d’Azov et sur le détroit de Kertch. Le statut d’« eaux intérieures de l’Ukraine et de la Russie » a été institué pour ces deux zones et la navigation dans le détroit y est « libre », y compris pour la navigation des navires militaires. Dans ce sens, aucun des navires capturés ce dimanche ne commettaient de délit.
Depuis l’inauguration, par la Russie, du pont de Kertch en mai 2018, les inspections dans le détroit se multiplient, retardant énormément les navires. Les deux principaux ports de Berdyansk et de Marioupol sont ainsi ralentis et le contrôle russe sur ceux-ci s’accroit. Depuis lors, le gouvernement ukrainien ramène peu à peu sa flotte militaire dans la région, action imitée par la suite par les Russes.
Des dissensions au conflit ouvert
Ce face-à-face entre les forces ukrainiennes et russes dans le détroit perdure depuis plusieurs mois, faisant craindre à chaque instant l’ouverture du feu. Le 25 novembre, ces tensions se sont matérialisées par le rapprochement des navires de guerre des deux pays puis par les tirs de la marine russe sur trois navires ukrainiens.
Les commandos du FSB (organisme policier chargé de la sécurité des frontières) procèdent ensuite à la capture de ces trois bateaux ainsi que de leur équipage. Plusieurs marins ont été blessés par les tirs cependant le gouvernement russe assure qu’ils sont soignés en Russie.
Même si le récit des événements semble clair, les raisons précises qui ont poussé la marine russe à tirer ne sont pas connues. La Russie nie avoir été informée de l’itinéraire des navires ukrainiens, donc le FSB accuse les navires d’être entrés « illégalement » dans les eaux territoriales russes de la Crimée.
Quant au gouvernement ukrainien, il maintient avoir informé à plusieurs reprises les autorités russes de l’itinéraire de ses navires mais qu’ils n’ont jamais eu de réponse. De plus, les navires étaient en train de s’éloigner de la frontière des eaux territoriales russes lorsque le FSB a ouvert le feu.
Un état de guerre inévitable ?
Le président ukrainien, Petro Porochenko, a immédiatement réclamé une réunion d’urgence au Conseil de l’ONU. Vladimir Poutine l’a imité peu de temps après. Petro Porochenko a ensuite réuni son conseil de guerre pour demander à son Parlement l’introduction de la loi martiale.
Le lundi 26 novembre, le Parlement répond à cette demande en instaurant la loi martiale pour une durée renouvelable de 30 jours. Or, cette mesure ne s’applique pas sur l’ensemble du territoire ukrainien mais seulement aux régions frontalières de la Russie (au Nord-Est et à l’Est) et de la Transnistrie (Sud-Ouest), ainsi que les régions côtières du sud du pays.
Cette prise de position par le gouvernement ukrainien menace le maintien des relations diplomatiques entre l’Ukraine et la Russie. M. Porochenko a cependant précisé que « la loi martiale ne signifie pas une déclaration de guerre (…) ni un retrait du processus diplomatique ».
Cette mesure ne reste pas pour le moins critiquée par les Ukrainiens eux-mêmes. Certains auraient aimé qu’elle soit prise plus tôt ou bien lors d’épisodes conflictuels plus sanglants entre les deux pays. D’autres, au contraire, craignent la restriction de leurs libertés et dénoncent un abus de pouvoir de la part du président ukrainien.
Moscou dénonce une « provocation » ukrainienne. Cependant la Russie reconnaît pour la première fois l’usage de la force alors que elle niait toutes ses actions sur le sol ukrainien depuis l’annexion de la Crimée. Le président Vladimir Poutine s’est entretenu par téléphone, dans la nuit du lundi 26 au mardi 27 novembre, avec la chancelière allemande Angela Merkel. Il a pour espoir que cet entretien amène Berlin à influencer les autorités ukrainiennes « afin de les dissuader d’actes ultérieurs irréfléchis » d’après les mots de M. Poutine.
La communauté internationale reste prudente notamment à cause des imprécisions concernant la part de responsabilité des deux parties. Le Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) s’est réuni lundi mais n’a pas statué sur une solution pour résoudre cette affaire.
L’ouverture du feu ce dimanche 25 novembre dans le détroit de Kertch met à mal les relations diplomatiques entre les gouvernements russes et ukrainiens. Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, les tensions sont palpables. Principalement du fait que Kiev ne reconnaisse pas l’annexion de cette région par la Russie.
Les affrontements violents dans le Donbass entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses, soutenus par le gouvernement russe, avaient fragilisé les rapports entre les deux pays. La confrontation de ces derniers jours n’a donc fait qu’accentuer les violences dans cette région, puisque dimanche soir une recrudescence des tirs et des bombardements a pu être observée le long de la ligne de front en Crimée.