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Tout tout tout, vous saurez tout sur le tatouage

Marque de protestation, apport esthétique, accessoire de mode ; le tatouage prend aujourd’hui une nouvelle signification pour la jeunesse. Rencontre avec cette frange de la population plus vraiment en marge de la société.

Il fut un temps où porter un tatouage était l’un des signes les plus explicites de protestation. Se rebeller contre ses parents ou contre toute forme d’autorité pouvait passer par le dessin indélébile, à jamais ancré dans la peau du contestataire. Quelques groupes en portaient également comme un signe de reconnaissance, comme les bikers et leurs indécrottables têtes de mort enroulées dans des flammes. Force est de constater que les mœurs ont bien changé, et qu’il ne faut plus être un anarchiste ou un taulard pour arborer un dessin sur la surface de son corps.

Pour analyser la place du tatouage dans la société actuelle, rien n’était plus pertinent que d’aller puiser les informations à la source. Trois jeunes tatoués ont livré leur expérience quotidienne, les raisons qui les ont poussé à se faire faire des tatouages, leurs attentes et leur vision de cet art en pleine expansion.

Il suffit d’un regard

Certains clichés ont la dent dure, tous les regards des passants ne sont pas nécessairement bienveillants. Néanmoins, on remarque une inversion de la tendance, voire mieux ; un gain d’intérêt certain pour l’art du tatouage. Stan nous a expliqué que, pour sa part, “les regards des passants ne sont pas accusateurs. On vient même pus facilement vers moi depuis que je porte des tatouages apparents, pour me demander ce qu’ils signifient. C’est gratifiant ! C’est chouette d’engager la conversation sur une note positive”.

© Sofia Touhami

Les seules personnes maintenant mordicus leur opposition restent les parents des principaux intéressés. Pour le reste, l’ensemble de la société semble devenir de plus en plus indifférente à ce qu’elle qualifiait de monstre peinturlurés il y a une vingtaine d’années.

Une dame a vu mes tatouages et s’est enfuit à l’autre bout du métro, alors que les quatre places à coté de moi étaient libres – Juliette

Les expériences personnelles ne sont pas toutes positives, elles peuvent même refléter un rejet persistant de la société dans son ensemble. Juliette confie que le tatouage a été libérateur pour elle et l’a aidée à accepter son corps tel qu’il est. Qualifiant elle-même son physique de “hors standard”, certains de ses tatouages illustrent son détachement des critères de beauté. Elle a appris à s’aimer elle-même, telle qu’elle est, et refuse de se soumettre à une quelconque règle esthétique dictée par les magazines.

© Sofia Touhami

La confiance que la jeune femme a en elle grâce au 10ème art n’a pas encore percuté l’esprit des passants. Elle ne compte plus les agressions verbales et les regards moralisateurs, parfois plein de jugement, souvent dédaigneux. Selon elle, “il y a encore du chemin à faire. Je rêve qu’on accepte autant mes tatouages que mon apparence dans son ensemble”.

Esthétiquement significatif

Un tatouage n’est pas un simple trait d’encre. Tantôt significatif et profond, tantôt esthétique et stylisé, toutes les explications existent pour décrire les dessins arborés fièrement par les tatoués. Pour Sébastien, un tatouage doit être l’empreinte d’un élément de vie, d’une époque charnière, d’un instant que l’on veut rendre éternel. Ce qui compte pour lui c’est de raconter son histoire à travers d’autres Histoires, avec un grand H celles-ci. Intéressé par les cultures ancestrales, c’est tout naturellement qu’il a entrepris des recherches poussées sur tous les peuples asiatiques ayant fait du tatouage un rite de passage ou une emprunte indélébile indissociable de l’humain.

© Sofia Touhami

La limite à ne pas dépasser quand on se fait tatouer, c’est le respect de la culture d’autrui – Sébastien

D’un autre côté, aucun tatoué ne se sent forcé de porter un message fort à chaque fois qu’il se rend chez le tatoueur. C’est ainsi que Juliette arbore autant de tatouages purement esthétiques que de dessins permettant de lire son histoire personnelle sur sa peau, chapitre après chapitre. Elle le dit elle-même : “Je me considère comme une toile nue sur laquelle les artistes tatoueurs peuvent exprimer leur créativité”.

 

© Sofia Touhami

Enfin, Stan prend le meilleur des deux mondes. Certes, elle choisit ses motifs en fonction de leur beauté, et peut passer plusieurs semaines à finaliser un projet avant de se le faire tatouer. Mais le but final de toutes ces séances sous l’aiguille reste de marquer son corps. “J’ai une peur maladive de vieillir. En me faisant tatouer, j’inscris dans ma peau des époques, des lieux et des rencontres. C’est une façon de me rappeler mon passé et d’envisager sereinement l’avenir”.

Communauté individualiste

Il est rare que les personnes tatouées se revendiquent membre d’une communauté. Ils admettront volontiers faire partie d’un groupe de gens partageant les mêmes attributs physiques, mais ils ne se sentent pas liés les uns aux autres. Ils respectent le travail des syndicats d’artistes tatoueurs, puisqu’ils décrivent eux-mêmes les professionnels de l’aiguille comme des artistes à part entière. Mais leur lien à cet art en pleine expansion s’arrête là. Comme l’expliquait Sébastien, “le tatouage est un support à d’autres formes de lutte. J’aime le travail de Eva Mpatshi. Elle fait des flash très engagés, comme des culottes ensanglantés ou des jambes poilues pour la lutte féministe, ou des tatouages pro-vegan”. En somme, les communautés militantes sont friandes du tatouage pour sceller leur engagement, mais les tatoués eux-mêmes vivent leur passion comme un hobby personnel, pas comme un combat collectif.

En bref, même si les moeurs évoluent dans le bon sens, il reste encore du chemin à parcourir avant que le tatouage ne souffre plus d’aucun a priori. A ce titre, il est important de rappeler que certaines organisations luttent quotidiennement pour la reconnaissance de la pratique comme un art à part entière, et non comme une simple prestation de service. Qui sait, dans quelques années peut-être, les artistes tatoueurs jouiront de la même reconnaissance que les peintres ou les sculpteurs il y a quelques siècles.

Directrice de la communication, tout droit venue de Belgique pour vous servir. Passionnée de lecture, d'écriture, de photographie et de musique classique.

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