Record battu pour le festival de Ronquières qui a soufflé ses sept bougies sous un soleil de plomb. Retour en image et en chanson sur les moments forts partagés par les 42.000 festivaliers de l’édition 2018.
Les températures extrêmes étaient minimes comparées à la chaleur humaine caractéristique du festival brabançon. On pourrait avoir l’impression de se répéter chaque année, mais les faits sont incontestables. Le petit Ronquières timide de 2012 s’est métamorphosé pour enfin devenir une institution pérenne dont plus personne ne doute. Malgré sa croissance exponentielle, l’évènement a su garder ses fondamentaux : une ambiance familiale, la possibilité d’assister à tous les concerts, une place de choix pour les jeunes talents et une organisation toujours à la recherche d’améliorations pratiques, ne se reposant jamais sur ses acquis.
Sois belge et tais-toi
On l’a déploré tout le semestre, 2018 est une année particulièrement contrastée au niveau des sorties musicales. Quelques perles seulement étincellent, dans un océan d’albums, mixtapes et albums très moyens qui ne cassent pas trois pattes à un canard. La Belgique n’a pas échappé à cette platitude artistique. Heureusement, tout n’est pas perdu. Les festivals du plat pays font la part belle aux excellents artistes dont les productions ont flamboyé la saison passée, ou bien dont on peut espérer un album de qualité pour l’année prochaine.
Ronquières nous a par exemple fait découvrir le doux Témé Tan, dont le coeur est à cheval sur deux continents, et dont l’âme musicale flotte fièrement au-dessus du monde, prête à plonger sur toutes les sonorités intéressantes, sans se soucier de leur territoire de provenance. Résolument moderne, cet homme orchestre 2.0 flirte avec le jazz, la soul, la pop, dans une polygamie stylistique équilibrée. Charmeur mais sincère, attendrissant sans tomber dans le cliché doucereux, le jeune belgo-congolais a toute la vie devant lui pour charmer un public dont la taille croitra sans l’ombre d’un doute.
Le Hainaut était une terre fertile au temps des mines, elle l’est aujourd’hui pour la culture de groupes novateurs et talentueux. The Rackers, un vrai bon groupe de rock comme on en a rarement fait en Belgique ces quinze dernières années, confirme le caractère prolifique de la région hainuyère. En discutant avec Allan, Jimmy et Yohan, on entend très vite des références classiques surgir dans la conversation. Pourtant, même si Franz Ferdinand et les Clash nourrissent l’imaginaire du groupe, ce qu’ils ont à proposer à leur public est complètement singulier et inédit. Leur apparence classieuse contraste avec le rock gras, purement jouissif, qu’ils s’appliquent à défendre sur scène. Le festival de Ronquières a fait découvrir de grands noms de la scène rock à toutes les générations qui foulent son sol. On se souvient de la prestation légendaire des Vismets, des Dandy Wharols ou encore de Jacco Gardner. Le passage de témoin s’est déroulé dans la dignité et l’honneur ce dimanche, The Rackers promet au rock belge un avenir radieux.
Le long parcours inter-générationnel
Contrairement à certains festivals dont le public est clairement identifié, Ronquières souhaite accueillir et contenter le plus grand nombre possible de profils différents. Pour ce faire, la programmation s’arme chaque année de grands représentants de la culture pop et d’une large palette de genre musicaux. C’est ainsi qu’en l’espace de deux jours, les parents férus de rock ont pu se délecter d’un concert mémorable des New-Yorkais de Nada Surf, pendant que les jeunes trentenaires nostalgiques ont hurlé à l’unisson devant le set survolté de Kyo. Les plus sages de la famille ont fait escale au concert d’Etienne Daho, laissant leurs ados parler de leurs problèmes de jeunesse avec Thérapie Taxi. La famille toute entière a pu enfin se réunir sous une même bannière et entonner Fuck You au concert de clôture de Lily Allen.
Il y en a pour tous les goûts dans la programmation, le reggae, la soul, le garage rock, la pop gentillette et surtout le rap auront toujours leur place en tête d’affiche. N’en déplaisent aux réacs mécontents, en première loge pour la prestation de Caballero & JeanJass, qui n’ont pas hésité à insulter gratuitement le duo, sans même étudier la profondeur et la qualité de leur musique. Heureusement, la presse de bon goût et le public venu en masse ont montré et démontré que les deux MC étaient les bienvenus sur la scène belge. L’hystérie de la foule, ne manquant aucune syllabe d’aucun de leur titre ont cloué le bec aux critiques infondées des mauvaises langues.
Gommettes et bons points
Après le plaisir des concerts vient le temps du bilan. Le festival de Ronquières n’a jamais déçu, et cette édition n’a pas dérogé à la bonne habitude. Dans ce cercle vertueux, il faut tout de même mettre en valeur les prestations qui sont sorties du lot. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le show qui restera dans les annales est celui d’un artiste qui, en apparence, a tout de la petite bombe commerciale. Ancien candidat de The Voice Belgique, Loïc Nottet a eu l’immense privilège de ne pas remporter son édition, et d’ainsi se promettre une carrière sans contrainte en provenance d’une maison de disque gargantuesque. Le jeune homme ne fait pas que chanter, il ne se contente pas non plus de danser. Il fait tout simplement imploser la scène sous le poids de son talent. Véritable show man dont il serait impossible de lister toutes les qualités, il a livré à son audience une performance digne des plus belles heures du musical américain. En à peine cinquante minutes, il nous a transporté d’une époque à une autre, baladé entre les tessitures et les ambiances stylistiques. Il n’est jamais essoufflé, jamais mou. Jamais on n’avait vu autant d’arts maitrisés par une seule personne à Ronquières.
Ces messieurs sont décidément ce que l’on retiendra le plus du week-end musical annuel se tenant sous le plan incliné. À bâbord, les australiens déjantés des Pierces Brothers, et à tribord, les dandys anversois de Triggerfinger ont enflammé leur public respectif. Avec folie et classe, les deux groupes masculins ont ébahi, mais ils ont surtout fait tomber sous leur charme une grande partie du public qui les découvrait ce jour-là. Réussir à embrigader autant de néophytes par le simple truchement des voix et la maîtrise absolue de leurs instruments est une preuve ultime de leur immense talent.
En bref, c’est avec plaisir et nostalgie que l’on se souvient déjà de cette édition mémorable du Ronquières festival. Plutôt que de pleurer le passé, tournons-nous vers l’avenir et languissons nous d’ores et déjà de la prochaine édition. Connaissant le pointillisme et la subtilité des programmateurs, on ne doute pas que le Ronquières Festival 2019 répondra à nos attentes.