CINÉMAFestival de Cannes

Cannes 2018 – « Everybody knows » : Agatha Christie façon telenovela

Présenté en compétition et en ouverture du 71e Festival de Cannes, Everybody knows du cinéaste iranien Ashgar Farhadi réunit un casting espagnol qui place sur le devant de la scène le couple Penelope Cruz/Javier Bardem. Avec ce premier film en Espagne, le réalisateur d’Une séparation ne parvient pas à captiver le spectateur et propose une mise en scène aussi lourde que celle des feuilletons télés estivaux.

Laura (Penelope Cruz) arrive d’Argentine pour assister au mariage de sa sœur dans le village où elle a grandi. Un premier plan sur les rouages de la cloche de l’église semble vouloir insuffler un aspect inquiétant de thriller. Le réalisateur annonce avec “de très gros sabots” les évènements qui vont perturber la joyeuse petite fête et se dérouler pendant deux heures devant nos yeux. À partir de cet instant, Ashgar Farhadi continue d’accumuler les clichés du genre, du volet qui grince aux révélations plus attendues les unes que les autres. Everybody knows emprunte alors ce fameux petit village que les habitants n’ont jamais quitté comme huis clos à ciel ouvert qui va voir éclore tous les secrets enfouis depuis plusieurs années. Évidemment, pour remuer ce village et suivre la recette du film angoissant, il faut un personnage parti depuis longtemps qui revient au pays. Le scénario est d’une faiblesse et d’une lourdeur qu’il aurait pu avoir été écrit pour cette télévision. Pire, les personnages et leurs histoires n’ont aucun interêt pour le spectateur. Il réunit tous les poncifs des telenovelas, ces feuilletons souvent moqués mettant souvent en scène des femmes désespérées. Et si encore la photographie nous faisait apprécier le voyage visuel, à travers les paysages espagnols. Ce n’est pas le cas. L’image est fade et l’accumulation de plans est une série de photos de vacances du village aux vignes.

Cabotinage dans les vignobles

Les sentiments de cette galerie de personnages paraissent falsifiés au point qu’aucun ne parvient à toucher le spectateur qui aimerait se convaincre que le film frôle plutôt la parodie du film policier ou thriller qu’une histoire familiale au premier degré. Penelope Cruz, Javier Bardem et même Ricardo Darin donnent le sentiment d’avoir été lâchés dans le décor sans réelle intention de direction d’acteur. Tous les comédiens du film participent à un concours de cabotinage. Ces excellents acteurs se retrouvent à crier, à pleurer dans tous les sens, sans vraiment croire à ce que vivent leur personnages. Everybody knows est en fait un film qui mise sur une recette très simple : un réalisateur indé et très apprécié pour ses précédents films Une séparation, Le Passé et Le Client ; deux grands acteurs connus de tous dont le charisme naturel occupe tout l’espace et un sujet de film policier susceptible d’attirer les foules. Tous les ingrédients sont bien là, mais Ashgar Farhadi  n’a pas réussi son plat de résistance.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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