SOCIÉTÉSTYLE

Au coeur d’un circuit court, La Ruche qui dit Oui !

Consommer mieux, et de saison, d’accord. Mais comment on fait ? La porte-parole de la Ruche qui dit Oui !, Hélène Binet, répond à nos questions.

Depuis le 1er janvier 2018, plus de 70 000 camions transportant des fraises andalouses ont traversé la frontière franco-espagnole pour rejoindre Perpignan, plaque tournante depuis laquelle les fraises, produites dans des conditions douteuses, à grand renfort de pesticides interdits, sont envoyées dans toute l’Europe. Consommer local et de saison n’est pas encore à l’ordre du jour pour tous, et ce malgré tous les signaux d’alerte présents. Il ne faut pas pour autant perdre espoir, car au milieu du chaos de l’agriculture intensive, apparaissent des entreprises qui ont à cœur de redonner au producteur et aux aliments produits dans le respect de la terre leur juste place dans la chaîne de la consommation. La Ruche qui dit Oui ! en fait partie, et c’est aujourd’hui Hélène Binet, porte-parole, directrice éditoriale et responsable de ruche, qui répond à nos questions.

Pouvez-vous nous raconter la naissance de La Ruche qui dit Oui ?

Au commencement de l’aventure, les cofondateurs Marc-David Choukroun et Guilhem Chéron partageaient la certitude que personne ne peut mieux organiser les circuits courts que les citoyens eux-mêmes. Cependant, il manquait un outil simple mais suffisamment puissant pour développer un réseau de communautés d’achat direct aux producteurs locaux. L’idée de départ était de permettre à tout un chacun d’accueillir chez lui des groupements de producteurs. Ils ont donc décidé de développer une plateforme en ligne utilisable par tous. Dans cet esprit, la première Ruche a ouvert ses portes dans la petite bourgade du Fauga près de Toulouse. Rapidement, le modèle s’est ouvert à d’autres typologies de lieux comme les salles communales, les cafés, les écoles, les fermes…

© La Ruche qui dit Oui !

 

Quelles sont les valeurs de La Ruche qui dit Oui ?

La transition d’abord, car c’est avant tout vers un système alimentaire juste que l’on souhaite aller. La coopération ensuite, car le projet ne serait rien sans les producteurs et les responsables de Ruches qui travaillent main dans la main. La transparence aussi, car à la Ruche nous avons fait le choix d’afficher le revenu versé aux producteurs (plus de 80 % du prix de vente leur revient directement). L’innovation enfin, car le service repose sur une plateforme web performante qui a su tirer profit des nouvelles fonctionnalités technologiques.

Combien de ruches comptez-vous à présent au sein du réseau ?

 En 6 ans, nous avons ouvert 850 Ruches en France et près de 1200 à travers l’Europe (Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pays-Bas, Suisse et Danemark). Après 6 ans d’activité, plus de 8000 producteurs ont rejoint le réseau et 1,5 million de personnes sont inscrites sur la plateforme.

© La Ruche qui dit Oui !

 

Quels sont les critères à remplir pour faire partie d’une ruche, et pouvoir vendre ses produits dans le circuit ?

 Tout le monde peut rejoindre une Ruche de manière gratuite et sans engagement. Il suffit d’aller sur le site internet, de se créer un compte puis de rejoindre le point de distribution le plus proche de chez soi et, hop, le tour est joué !

Côté producteur, l’exploitation doit être installée dans un rayon de 250 km du point de distribution et toutes les informations concernant la ferme doivent être données de manière transparente. Ensuite, il faut remplir une demande d’ouverture de compte où tout un tas de documents est demandé afin de vérifier que tout est en règle.

En tant que responsable de ruche, en quoi consiste votre travail ?

 Le rôle du responsable est de fédérer et d’animer sa communauté de producteurs et de membres. C’est un travail de chef d’orchestre. Il faut d’un côté chercher de nouveaux producteurs, de l’autre animer les distributions, organiser des événements, bref, rendre cette communauté joyeuse et active. Le rôle des responsables de ruche est aussi de faire se rencontrer deux mondes qui se sont trop longtemps tournés le dos : le monde de ceux qui mangent et le monde de ceux qui produisent. Rapprocher la ville et la campagne, en quelque sorte.

© La Ruche qui dit Oui !

 

Quels sont les objectifs de l’entreprise pour les années à venir ?

 L’objectif est de démocratiser encore un peu plus l’accès aux produits locaux de qualité en optimisant la logistique. C’est pour cela que nous nous apprêtons à lancer “Mini ruche”, un service de livraison seul ou à plusieurs afin de permettre à chacun de manger mieux et manger juste, juste en bas de chez soi.

Comment décririez-vous l’agriculture mondiale actuelle ?

 Aujourd’hui, l’agriculture est en tension dans deux directions parfaitement opposées : la monoculture toujours plus intensive et gourmande en produits chimiques d’une part, et l’agriculture biologique ou raisonnée, respectueuse de l’environnement, des animaux et des hommes de l’autre. Malgré une forte prise de conscience écologique ces dernières années, il semblerait que l’agriculture agro-industrielle ne prenne pas en compte les enseignements que la nature tente de nous inculquer.

Quel est l’avenir de l’agriculture locale et biologique ?

 Agricultures locale et biologique n’ont pas les mêmes contraintes. L’enjeu principal de l’agriculture locale est repenser les circuits logistiques pour démocratiser la vente directe. Plusieurs études montrent que le local est perçu comme le plus important gage de confiance pour les consommateurs. Si l’agriculture locale réussit à relever ce défi, elle connaîtra sans doute un essor fulgurant dans les prochaines années. L’agriculture biologique est, quant à elle, devenue tellement attractive ces dernières années que la production a presque eu du mal à suivre. Quand on voit qu’elle représente près de 5 % des surfaces agricoles cultivées en France, on se rend bien compte que c’est plus qu’un effet de mode. Avec l’appauvrissement des sols et la raréfaction des fertilisants comme l’azote chimique (issu du pétrole) et le phosphore, l’agriculture traditionnelle va rapidement montrer ses limites et perdre en productivité, ce qui laissera de la place à l’agriculture locale et biologique.

Quelle serait la solution pour changer le cours des choses ?

 Il faut redonner du sens à notre consommation. Manger est un acte aussi quotidien que politique. Une pratique banale aux répercussions globales. Trois fois par jour, nos menus ont un impact sur le climat, l’emploi, l’aménagement du territoire ou la santé. S’ils concentrent une grande partie des problèmes de notre société, ils peuvent aussi se transformer en solutions durables pour peu que l’on veuille bien prendre le mal par la racine. Il faut redonner le pouvoir aux citoyens de changer le monde avec leur fourchette. Comment ? En leur donnant accès à de l’information, en privilégiant les programmes d’éducation à l’école et en rendant les circuits courts toujours plus accessibles.

Que pourraient faire les citoyens, à leur niveau ?

 Nos leviers d’action résident dans le bon sens commun. Il faut pouvoir savoir ce que l’on met dans notre caddie, connaître les impacts de nos choix de consommation. C’est en faisant confiance aux produits sans liste d’ingrédients à rallonge, en préférant les labellisations responsables ou en se renseignant sur la provenance que l’on sera amené à faire les bons choix. L’arme la plus puissante qu’ont les citoyens n’est rien d’autre que de choisir en conscience ce qu’ils consomment. Rappelons-nous, le pouvoir est dans nos assiettes !

© La Ruche qui dit Oui !

You may also like

More in SOCIÉTÉ