SOCIÉTÉ

Point de vue – Réformes du bac et l’université, la modernité à la française

Une réforme du bac était la bienvenue en France. Un nouveau projet pour l’université était également nécessaire.

Cela faisait des années que l’affaiblissement de la filière littéraire au baccalauréat, suite à la perte de l’enseignement obligatoire des mathématiques, était montré du doigt et que l’université était qualifiée de « formation chômage ». Pour autant, la nature de la réforme fait douter de nombreux et nombreuses étudiant·e·s sur les bons sentiments du gouvernement quant à la refonte d’un système déjà inégalitaire.

Le bac est-il vraiment si utile ?

Il faut comprendre l’intérêt d’une réforme du baccalauréat. On peut prendre en compte  le fait que le pays dépense trop dans le second degré, collège et lycée. Si le baccalauréat présente un intérêt, ce n’est certainement pas pour les élites, mais plutôt pour les classes moyennes. Les élites sont sélectionnées sur dossier et rejoignent les meilleures prépas ou les meilleures écoles sans encombre à la sortie du baccalauréat. Si le bac représente aujourd’hui une opportunité, c’est lors de l’orientation à l’université. Des parcours renforcés recrutent à l’université, hors APB, et donnent la « priorité aux mentions “Très bien” », explique Le Parisien Etudiant. Les résultats du bac sont aussi parfois regardés par les écoles à l’occasion des oraux de master. Il est un diplôme permettant éventuellement de poursuivre ses études à l’étranger après le lycée ; dans ce cas, la meilleure mention est préférable. Donc, le bac, mieux vaut ne pas trop le rater !

Cependant, s’il est possible pour un·e bon·ne élève d’échouer à l’actuel baccalauréat à cause du stress, il est difficile qu’il ou elle le rate complètement. Il est aussi assez rare pour un·e élève moyen·ne de réussir mieux à l’épreuve nationale que ce qu’on pouvait estimer de ses résultats ; il n’y a pas de raison qu’il y ait un réveil au moment dit du « bachotage ». Le baccalauréat est donc réellement l’incarnation du principe d’égalité de la France républicaine et quand il est réussi, il revalorise le dossier d’élèves venant d’établissements moins bien fréquentés, bien qu’on écrive traditionnellement sur le CV « bac obtenu avec mention ».

 

© da.fr

Le baccalauréat a en effet des avantages pour les classes moyennes, dans le système actuel. D’abord, la charge symbolique est très forte : un·e élève d’un lycée moyen qui peut avoir moins d’ambitions peut réellement réévaluer son niveau et gagner en estime de soi, car il ou elle est presque sûr·e de ne pas avoir été victime de discriminations quand ses copies ont été comparées anonymement au niveau national. L’élève est aussi obligé·e de répéter plusieurs fois ses fiches et il maîtrisera bien mieux le programme qu’il ou elle a appris en terminale que celui de seconde ou de première. C’est une compétence qu’il ou elle acquiert et qu’on lui demande ensuite d’avoir à l’université. Il ou elle développe de bien meilleures capacités de mémorisation et se rend capable de l’impensable, d’où l’idée encore une fois d’un passage à l’âge adulte. Quand on l’aide à s’organiser, il ou elle y arrive. Cette habitude de répéter des cours évalués en classe a déjà été prise depuis longtemps par les enfants de milieux plus favorisés, préparé·e·s à l’idée des concours des grandes écoles et des khôlles de classes prépa.

Ce qu’on apprend dans les programmes scolaires n’est pas suffisant pour atteindre le niveau de culture générale qu’on pourra exiger plus tard à l’entrée des meilleures formations. C’est pour cela que les épreuves de dissertation au baccalauréat de français et de philosophie tombent soudainement sur les élèves défavorisé·e·s comme une première défense d’accès à un niveau d’enseignement plus élevé. Ils et elles ont étudié dix livres tout au plus depuis la primaire à l’école, et on leur demande d’avoir des références pour argumenter. On pourrait penser que ces élèves rejettent la dissertation car ils et elles n’ont pas développé assez d’esprit critique, mais peut-être qu’ils et elles n’ont simplement pas d’exemples pour illustrer leur pensée. Culturellement, jusqu’à la classe de première et même pendant cette année-là, il vaut mieux ne pas afficher son intérêt pour la lecture si on n’a pas les parents qu’il faut, à moins d’être étiqueté·e « intello ».

Bien que le gouvernement prévoie une solution de « devoirs faits » qui pourraient revaloriser le travail scolaire, l’épreuve de philosophie est de ce fait discriminatoire, bien plus que le français, qu’on a étudié depuis le collège, et on ne s’étonnera pas que malgré cela un·e élève moyen·ne n’aura jamais ouvert un livre de philosophie de son passage sur les bancs de l’école. Dans le meilleur des cas, il ou elle aura été discrètement curieux·se dans les cours de français dès le collège, mais il ou elle risque d’avoir des résultats moyens au baccalauréat de philosophie s’il n’a pas choisi la filière littéraire. Pour autant, dans la réforme, il n’est plus question de débuter l’étude de la philosophie avant la terminale comme il avait été question des années de cela, mais simplement d’en conserver un certain coefficient.

Comme l’explique l’entrepreneur chinois Jack Ma, une personnalité appréciée des réseaux sociaux, nous devons préparer nos enfants à développer leur inventivité au lieu de s’acharner à les faire mémoriser car ils et elles ne pourront pas faire concurrence à la machine. Le gouvernement actuel partage sans doute cette approche en supprimant les deux lourdes semaines d’examens du bac, bien que pour l’instant certaines écoles du supérieur recrutent toujours à partir d’examens semblables au baccalauréat.

L’homme de demain fait preuve d’esprit critique © culturenego

Changer le bac, et l’université ? 

Il faudrait, pour comprendre les bilans de l’université, savoir quelle est la part de réorientation présente dans les 60 % d’échecs en première année tant décriés. À la fac, les étudiant·e·s ne voient pas quel avenir ils et elles peuvent espérer atteindre, et ils·elles comprennent finalement l’intérêt professionnel de leurs études en master. Ils et elles n’ont pas toujours de projet professionnel compréhensible et tracé avant, mis à part celui des métiers de la recherche et de l’enseignement. Pendant quatre mois, ils et elles doivent noter la récitation d’un·e professeur·e, le seul but étant de valider une matière qui fait partie d’un tout à peine tangible, dans de grands amphis où l’on s’assoit anonymement.

Cette vision est pourtant contraire à l’idéal d’échanges libres et de bouillonnement intellectuel qu’on associe traditionnellement à l’université, et qui n’est finalement profitable qu’à l’enseignant·e, lors de la lecture de la pensée originale des étudiant·e·s dans les copies. Pour remédier à cela, l’Unef (Union nationale des étudiants de France) soutient qu’il faudrait plus d’heures de travaux dirigés en petits groupes à l’université en France. On pourrait alors travailler davantage l’oral à l’université, au moment où l’étudiant·e devient un·e adulte avec son identité propre, et où il acquiert une plus grande indépendance d’esprit et de parole.

Dans le système actuel, c’est à l’étudiant·e le ou la plus tenace et à celui ou celle qui prend les meilleures notes à la main de réussir à l’université. L’écart avec les autres formations en écoles ou en milieu professionnel est saisissant, car dans ces formations-là, on pratique davantage l’oral, et des interlocuteurs et interlocutrices du privé, parfois des professeur·e·s, sont présent·e·s ou viennent décrire plus en détails aux étudiant·e·s les attendus de la vie professionnelle. Pendant ce temps, les étudiant·e·s de l’université peinent à comprendre quelle formation ils et elles peuvent rejoindre, et il leur est absolument impossible ou extrêmement rare, même avec le meilleur dossier, d’obtenir des stages avant leur master sans faire marcher le réseau professionnel de leurs proches. Les étudiant·e·s de l’université développent moins leur esprit pratique, mais quand ils et elles réussissent, ils·elles ont le mérite de devenir des chercheurs et des chercheuses méthodiques. Malgré tout, l’université reste le lieu de l’ascension vers des professions intermédiaires pour certain·e·s, un passage obligé pour beaucoup, à défaut de trouver d’autres formations suffisamment professionnalisantes ailleurs.

Le réel objectif du baccalauréat, tel qu’il est conçu aujourd’hui et qu’on le connaît, est d’envoyer les élèves à l’université assez armé·e·s pour affronter les partiels. Finalement, la réforme du lycée conduira-t-elle également à la fin des partiels à l’université ? On pourrait plutôt partager les semestres en deux si l’on s’inspire des modèles de certains pays du nord de l’Europe. La réforme repose en partie pour le moment sur l’idée qu’une sélection d’étudiant·e·s que l’on estime plus motivé·e·s fera l’affaire. Pour l’Unef, c’est synonyme qu’aucune perspective ne sera proposée aux refusé·e·s à l’université à la suite de la réforme. Dans le pire des cas, il pourrait exister des filières plus sélectives que d’autres et alors des filières seraient dévaluées, comme c’est le cas en Italie. Une jeune étudiante italienne, étudiante en sociologie, témoigne qu’aucun moyen n’est accordé à sa faculté en Italie, car sa filière n’est pas sélective. Elle n’a pas réussi le concours de la faculté de psychologie, prend les cours de sociologie à même le sol, et n’a pas de cours en travaux dirigés. Elle s’inquiète de la réforme du bac et de l’université en France, car selon elle, l’Italie voit le système français comme exemplaire et souhaite s’en inspirer. Il a pourtant été rappelé que la France est un des pays où l’éducation maintient le plus les inégalités.

Néanmoins, la future réforme de licence a pour ambition de remédier à ces problèmes. Dans le « contrat de réussite » de Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, on trouve un projet très innovant pour l’université. Les parcours modulaires qui seront proposés permettront aux étudiants de valider des unités d’enseignement (UE) chaque semestre, à leur rythme, accéléré ou plus lent si des activités para-universitaires le justifient par exemple. Cette organisation devrait faciliter la réorientation, grâce aussi à des rentrées décalées, système qui existe déjà à l’étranger et qui évite de faire perdre six mois à un étudiant. On aura de plus nombreux cursus pluridisciplinaires à la carte, et le choix de l’enseignement à distance. Il ne faudra plus craindre l’année de césure pendant la licence. Enfin, pour couronner ce joli menu, d’autres formes de pédagogie seraient proposées par la réforme, en fonction des étudiants. Reste à savoir si les partiels survivront, car les futurs étudiants auront perdu la méthode acquise pendant la préparation du baccalauréat.

Jusqu’à aujourd’hui, l’État a conservé un système dual qui oppose les grandes écoles aux universités en diminuant les moyens accordés aux universités alors que le nombre d’étudiant·e·s augmente, et les grandes écoles sont prioritaires pour disposer des crédits de recherche. Les classes préparatoires font partie des formations les plus coûteuses pour l’État. Les statistiques montrent que le taux de boursiers dans ces écoles n’évolue pas aussi vite que la structure de l’origine sociale des étudiants. Les enfants issu·e·s de la bourgeoisie intellectuelle, éventuellement boursiers à notre époque, surtout avec la hausse du niveau d’études des enfants, accèdent aussi aux meilleures formations. Les élites se maintiennent « aux positions sociales prestigieuses et aux postes de commande économique et de pouvoir politique ». Ces 20 dernières années, il y a eu un fort accroissement de la compétition des titres scolaires, quand les « “marques” X, HEC ou ESSEC continuent d’assurer aux titulaires des diplômes une rente professionnelle et sociale à vie », explique Stéphane Baud. Les universités françaises ne sont pas encore à faire de l’ombre aux grandes écoles mais les rendre comparables à leurs voisines européennes représente un engagement pour l’avenir.

Toujours les injustices

Une préparation à l’oral sera sans doute utile aux élèves. Aujourd’hui, elle n’est pas utile dès la fin du lycée à tous les profils. Sciences po, les écoles de commerce et certaines écoles de relations internationales recrutent post-bac suite à l’examen du dossier et à un oral, et les élèves intéressé·e·s doivent investir dans des prépas s’ils veulent s’assurer d’être bien préparés. On s’était déjà plaint de l’épreuve du bac de français. Pour certains, la note finale est trop susceptible d’être influencée par l’appréciation subjective du ou de la seul·e professeur·e examinateur de l’oral, celui ou celle-ci jugeant de l’apparence du futur bachelier, parfois sous le spectre de la discrimination. L’épreuve du grand oral au baccalauréat est aussi dangereuse que l’oral de français, mais ça concerne toujours qu’une minorité de cas. Elle ressemble aux actuels travaux personnels encadrés (TPE) qui consistent en la présentation d’un travail réalisé en groupe, mais c’est une épreuve individuelle. Seuls les points au-dessus de dix sont pris en compte pour les TPE. Comme le grand oral prévu par la réforme, il représente une part assez faible de la note globale du baccalauréat. Mais on imagine pas les points du futur grand oral ou « oral de maturité » être pris en compte seulement à partir de dix.

À l’heure actuelle, les élèves sont déjà très peu préparé·e·s à leurs oraux, la médiatisation de la réforme pourrait donc ne pas être suivie par un apprentissage actif à l’école. L’idée de l’oral s’oppose au discours actuel que l’on entend. Les jeunes ont un déficit en orthographe. Peut-être ils et elles sauront être plus performant·e·s à l’oral. Mais même si trop de professeur·e·s sont actuellement maltraité·e·s au collège, à l’inverse il ne faut pas sous-estimer la responsabilité de certain·e·s professeur·e·s pendant la scolarité des élèves dans leur manque d’aisance à l’oral, phénomène accentué par des ambiances de classe défavorables aux études. Il est commun en France de casser les élèves, c’est parfois pour certain·e·s professeur·e·s assez systématique, de façon plus intense en direction des élèves plus défavorisé·e·s victimes des stéréotypes. Il est parfois aussi trop difficile de s’opposer à la pensée d’un professeur, et cela ralentit la classe. Certains professeurs, dans une minorité de cas, notent moins bien certains élèves, voire une classe entière. Le pire scénario serait que les élèves discriminé·e·s subissent de la violence pendant leur préparation à l’oral et qu’ils perdent confiance en eux.

1 heure 30 de l’emploi du temps sera consacré à l’orientation post-bac. Cette réforme est extrêmement constructive dans le cas où les professeur·e·s sont bienveillant·e·s, mais aujourd’hui ce n’est pas le cas de l’ensemble d’entre eux et elles. S’ils choisissent d’aider certain·e·s élèves, ce n’est pas toujours seulement parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’attarder sur les autres. Pire que cela, ils influençaient jusqu’alors la décision du conseil de classe quant à l’orientation de l’élève en filière sélective. Une grande injustice de la réforme est que le conseil de classe de terminale peut se prononcer favorablement ou défavorablement sur les vœux sélectifs choisis par un·e élève. C’était déjà le cas, mais l’avis ne portait que sur les voeux de prépa CPGE, BTS ou DUT, puisque l’université n’était pas sélective. Si certain·e·s élèves au dossier parfait n’arrivent pas à atteindre les meilleures prépas, on peut toujours craindre qu’il faille incriminer le chef d’établissement ou les professeur·e·s qui se réunissent secrètement en conseil de classe comme l’exige la procédure. À moins qu’un·e autre chef·fe d’établissement n’ait donné un avis « très favorable » à un candidat ayant de moins bons résultats et qu’il ne soit passé devant l’autre candidat. Que des personnes aient le pouvoir de dégrader un dossier et dans le même temps le destin d’un élève est incompréhensible.

Cependant, l’université, qui n’était pas vraiment valorisée dans le temps, et malgré les intempéries liées à la baisse des moyens accordés, avait réussi à mettre en place de nouvelles formations d’excellence au sein de ses murs. Les licences sélectives et bi-licences, qui font concurrence aux prépas, selon les titres des journaux, ne seront plus accessibles sans consultation préalable et avis du conseil de classe sur Parcoursup. Intégrées à l’université, elles échappaient à ce système jusqu’alors. Les étudiants de ces formations intéressent aujourd’hui les grandes écoles qui ne veulent passer à côté d’aucun talent, l’avenir résidant dans l’innovation. Le parcours paraît plus personnalisé et les étudiant·e·s moins formaté·e·s par leur expérience du supérieur. Il est désormais possible depuis l’université d’atteindre les plus grandes écoles, mais cela reste le cas des étudiant·e·s issu·e·s des meilleures facultés, généralement originaires d’un lycée de région.

Pour la majorité des cas récemment médiatisés, les licences de droit ou d’économie sont le moyen de s’élever au plus haut tout en suivant une formation gratuite à l’université. On ne sait pas, dans les filières en tension à plus faible capacité comme le droit, qui sera prioritaire entre les élèves au parcours le plus cohérent et les meilleur·e·s élèves. Est-ce que les élèves moins favorisé·e·s passeront à côté des prépas aux grandes écoles de commerce, aux écoles d’ingénieur ou de la première année de médecine, lorsqu’ils auront préféré contourner les mathématiques ? Les élèves auront le choix de demander une remise à niveau au moment de l’entrée à l’université s’ils n’ont pas choisi la spécialité correspondante au lycée. Ce dispositif est-il compatible à l’entrée des formations scientifiques ? Traditionnellement, les élèves scientifiques entrent dans la formation de leur choix, même littéraires. Et il existe déjà aujourd’hui une prépa d’un an à l’entrée en PACES et destinée aux bacheliers économiques et littéraires, qui n’aura sans doute plus lieu d’exister après la réforme. Malgré tout, le gouvernement a décidé de conserver les sciences économiques et sociales comme enseignement de spécialité et les élèves ne brideront plus leurs aspirations grâce à Parcoursup bien que le dispositif manque de moyens.

La mention « Je n’aime pas » n’existe pas sur Facebook, pour éviter les dérives © frandroid.com

Des effets de la réforme

Finalement, avec les examens du baccalauréat étalés sur l’année de première puis de terminale (ou classe de maturité), où est l’avantage financier de la réforme ? Peut-être que l’on gagne à organiser les examens au sein des établissements scolaires et non au niveau national. Encore une fois, on peut craindre de possibles discriminations, surtout des inégalités dans la comparaison des notes du baccalauréat. Dans certains établissements, les élèves sont moins bien notés, dans d’autres ils sont notés de la même façon qu’un bon établissement sans que l’établissement ne soit reconnu comme tel. Pour ce qui est de la prise compte des notes de première et de terminal dans la moyenne du baccalauréat, un·e étudiant·e peut être confronté·e au ou à la même professeur·e pendant plusieurs années. Dans la réforme, il peut cependant abandonner une spécialité en dernière année de lycée.

Avec la peur d’un renforcement des identités régionales en France au détriment de l’esprit républicain, supprimer la notation nationale ne met-elle pas en danger l’unité nationale ? Le contrôle continu va aussi régler un « problème » principal. Les élèves sont extrêmement bien préparé·e·s à l’épreuve du Bac aujourd’hui. Les meilleurs d’entre eux et elles y obtiennent des moyennes similaires à ceux et celles qui ont mis plus de temps sur la durée pour s’adapter à l’exercice d’un nouvel examen. Or, on sait que les enfants les plus favorisé·e·s s’adaptent plus facilement à ce que leur demande l’école, et ils et elles sont plus intimement lié·e·s aux professeur·e·s qui ont le même niveau de capital culturel. Cela désavantage encore les enfants qui sont moins favorisé·e·s, et on rétablit un écart, même faible, dans la notation du baccalauréat qui les distinguera. Le nombre de mentions en subira-t-il une chute ?

La réforme veut être moderne. Aujourd’hui, les élèves devraient se sentir plus libres et responsables de leur choix dans notre société qui mise sur la valeur de l’individu. Les effets bénéfiques sont que les réfractaires aux mathématiques pourront s’ouvrir à l’économie ou aux sciences, ils ne choisiront plus de filières pas défaut. Les effets moins bénéfiques probables sont que les filles moins favorisées pourraient renoncer aux mathématiques qu’elles conservaient en section économique et sociale, face à la pression masculine. L’évacuation des filles des filières scientifiques et mathématiques se remarque dans les écoles d’informatique (Le Monde.fr). En termes sociaux, la réforme est stimulante car les lycéen·ne·s devraient moins s’ennuyer s’ils changent fréquemment de compositions de classes, et gagner en organisation personnelle et en autonomie. La fin des filières, c’est aussi la fin d’une sorte de communautarisme de filières, sauf si les mathématiques restent la clé d’entrée à la porte des meilleures formations post-bac.

Selon l’Unef, la sélection à l’entrée à l’université est une régression dans le droit fondamental de chacun de pouvoir suivre la formation dans la discipline pour laquelle il a un intérêt. On peut craindre une dévalorisation des matières littéraires sans tensions à l’université, alors que l’Unef clame que l’université doit être le lieu du savoir.  Le fort taux d’échec ne comptabilise pas les étudiants pour qui l’université n’était en effet, comme le pense le Président Macron, pas fait pour eux, mais qui trouvé leur voie ailleurs après un passage à l’université, encore selon Unef. L’expérimentation récente de premières années blanches à l’université était vue comme un progrès. Pendant une année, les étudiant·e·s font l’expérience de l’enseignement de plusieurs disciplines dans un même domaine scientifique, économique ou littéraire, puis ils s’orientent dans celle de leur choix. Cela occasionne peut-être moins de redoublements et de questions existentielles sur les bancs de la fac puisque la première année aurait un but. La future réforme de la licence va dans le sens de cette expérimentation mais l’étudiant de licence n’est spécialisé à aucun moment. De cette façon, il ne peut y avoir de compensation de notes entre matières trop différentes, selon l’interprétation de la réforme par Unef.

Si l’université progresse toute seule, la sélection mise en place est vécue comme un coup de poignard, condamnant à jamais les dernier·e·s élèves du lycée à ne plus se découvrir dans une filière dont ils n’ont pas eu accès à cause de leurs erreurs au lycée. Des erreurs qu’une simple meilleure information au sujet de l’orientation et un accompagnement à l’université (maintenant prévus) auraient déjà pu limiter.

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