On la connaissait chanteuse, poétesse et dramaturge, l’Anglaise Kate Tempest est aussi romancière. Son premier roman réussi, Écoute la ville tomber, paraît en ce début d’année en France et nous prouve qu’elle est une artiste passionnante.
En 2014, on découvrait Kate Tempest avec Everybody Down, un premier album brut où la jeune anglaise faisait entendre le bruit d’un Londres où erre une génération paumée. Elle y créait un mélange de spoken word et de hip-hop posé sur des productions électroniques, néo trip-hop, avec une voix animée par l’immédiateté, et habitée d’un sens envoûtant de la mélodie. On découvrait assez vite que la Londonienne avait plus d’une corde à son arc et se voulait comme une écrivaine totale, entre poésie, théâtre et chanson. Elle devait donc forcément passer par le roman. Chose faite avec Écoute la ville tomber, publié en 2016 mais qui paraît en France en cette rentrée d’hiver.
Dans ce premier roman, Kate Tempest nous fait partager la vie de Becky, Pete, Harry et Leon, et nous plonge dans l’ambiance du sud de Londres, qui lui est si cher. La Londonienne se fait la voix d’une génération presque perdue, qui tente de vivre selon ses idéaux mais qui doit se débrouiller, entre petits boulots et trafics, pour exister dans ce monde difficile, qui place ce récit dans une veine que l’on pourrait qualifier, au risque du cliché, de dickensienne 2.0. Écoute la ville tomber suit ces personnages, qui se croisent et nous interpellent pour nous raconter une portion de leur vie : Becky est une jeune danseuse déjà trop vieille pour percer et rivaliser face aux plus jeunes venues et, qui pour survivre, cumule les petits boulots et les espoirs ; Pete est un idéaliste déçu qui ne trouve pas sa place dans une société trop précaire ; Harry et Leon ont, eux, pris le parti de s’arranger avec celle-ci, pour tirer ce qu’il peuvent en tirer, au risque que les choses se terminent mal.
Un sens précis de la narration
On lit ce roman comme on peut regarder une bonne série anglaise : on y retrouve l’accent cockney des personnages, la ville désolée, les pubs, les galères, avant un quasi final brillant où un simple anniversaire dans un pub peut basculer en une incroyable scène de règlement de compte général.
Surtout, avec ce roman, Kate Tempest prouve un sens précis de la narration que l’on avait déjà pu percevoir dans ses chansons notamment, et poursuit la construction d’une œuvre polymorphe et mutante où chaque élément est amené à croiser les autres : dans Écoute la ville tomber, on entend les échos des chansons de son premier album Everybody Down, dont il est en partie inspiré, mais aussi ceux de sa pièce de théâtre Wasted, ou de son recueil de poèmes Brand New Ancients. Chez Kate Tempest, tout est lié et s’inspire intarissablement. Nul doute donc que l’on réentendra ou lira très vite à nouveau cette Anglaise qui ne se pose aucune limite.
Écoute la ville tomber de Kate Tempest (éditions Rivages), 400 pages