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Georgia Azoulay, jeune metteuse en scène prête à faire des vagues ?

Portait de Georgia Azoulay, jeune comédienne parisienne qui passe de l’autre côté de la scène en proposant une adaptation théâtrale des Vagues de Virginia Woolf. Au Théâtre de La Jonquière à Paris du 31 janvier au 3 février.

© Nina Azoulay

Touche à tout

Georgia Azoulay est à l’image de sa génération, une « slasheuse ». Elle a d’abord commencé par des études supérieures en littérature, une khâgne, un premier master en lettres puis un autre en communication et un dernier en gestion de projets culturels. Un peu pour rassurer ses parents, un peu aussi pour s’assurer un avenir dans un milieu de la culture qui l’attirait irrésistiblement. Reculer pour mieux sauter ? Après avoir un temps travaillé pour le Festival d’Automne à Paris, Georgia Azoulay a décidé de franchir l’étape ultime et de devenir comédienne à plein temps.

Georgia Azoulay © Céline Bliss

Actrice donc. Mais danseuse aussi. Serveuse, un temps. Puis prof de yoga désormais. Elle pratiquait cette discipline depuis plusieurs années avant de se décider de l’enseigner. Si c’est un job « alimentaire », c’est aussi un outil de travail que ce soit en tant que comédienne ou que metteuse en scène puisque pour elle le rapport au corps est essentiel. Enfin, photographe (vous pouvez d’ailleurs découvrir ses photos sur son compte instagram : @georgiaritadolores ).

Désormais, elle ouvre une nouvelle page en passant à la mise en scène. Prochaine étape, le cinéma ? En tout cas elle a réalisé en court-métrage à partir de son adaptation des Vagues et en a déjà un deuxième en tête. Tout cela la nourrit, la préserve de la monotonie et, surtout, enrichit ses divers projets.

« Niveau emploi du temps c’est dispersion maximale mais c’est une dispersion pour moi nécessaire, je ne me verrais pas faire autrement. Ca demande un peu de discipline, ça fatigue pas mal mais je suis très heureuse car il y a des vases communiquant entre les disciplines. » (Georgia Azoulay)

Passer à la mise en scène

Pour sa première mise en scène, Georgia Azoulay est partie de ses premières amours : la littérature. Elle a choisi Les Vagues, une oeuvre entre prose et poésie de l’auteure anglaise Virginia Woolf. Ce texte, beau mais complexe, se compose des monologues intérieurs successifs de six personnages, trois filles et trois garçons, que l’on suit de l’enfance à l’âge adulte. Un septième personnage, Percival, décède au cours de l’histoire et oblige les six autres à repenser leur destin…

Pour en faire un spectacle, la jeune metteuse en scène a convoqué tous ces autres talents. Afin d’affirmer la modernité de ce texte, c’est elle qui en a réalisé l’adaptation, ne travaillant que partiellement à partir de la traduction « consacrée » de Marguerite Yourcenar. Pour transposer scéniquement la première partie qui se déroule durant l’enfance des personnages, elle a eu recours à la danse. Ces passages chorégraphiés laisse toute la place au corps. Le reste de la pièce, qui évoque l’âge adulte, repose davantage sur le jeu d’acteurs. L’esthétique générale évoque ses photos.

D’ailleurs, c’est surement son travail de composition photographique qui lui a donné envie de passer à la mise en scène pour « faire bouger ses images ». Au final, une pièce assez mélancolique et presque violente qu’elle assume pleinement. En effet, pour elle, c’est tout à fait à l’image des relations humaines contemporaines dont parle le texte.

L’ambition ultime ? Pas forcément plaire à tout le monde mais provoquer un réaction, un déplacement du spectateur, le bousculer, même un tout petit peu.

Le théâtre comme famille…

Il y a six acteurs sur le plateau et tous sont des amis. A vrai dire, Georgia Azoulay n’envisageait pas d’auditionner des inconnus. Elle a même poussé le « vice » jusqu’à travailler avec sa soeur, Nina Azoulay, qui en tant que Directrice artistique est chargée de l’identité visuelle et de la communication autour de la pièce.

« On est quasiment une troupe même s’il y a différents collectifs qui sont réunis. Ca fait trois ans qu’on tourne tous ensembles les étés en Bourgogne. C’est vraiment le kibboutz ambulant, on dort ensemble, on se douche ensemble etc. promiscuité maximale ! Bien sur, il y a les écueils, il faut s’en protéger mais ,dans le boulot, ça te fait gagner un temps infini  » (Georgia Azoulay)

 

Même s’il lui importe de fonctionner avec des proches, Georgia Azoulay souhaite absolument éviter les écueils de l’entre-soi qui trop caractérisent trop souvent les milieux culturels parisiens. Elle souhaiterait, comme lors de ses tournées en Bourgogne, jouer hors les murs, dans des espaces qui ne sont pas des théâtres. Elle pense notamment à des clubs ou des boites de nuit afin de toucher un public complètement différent.

… mais aussi un monde sans pitié

Si faire du théâtre est la chose qu’elle préfère au monde, Georgia Azoulay ne passe pas sous silence les difficultés du milieu, surtout à Paris.

Financièrement d’abord. Il est très dur d’obtenir des aides publiques et elle avoue bien volontiers qu’avoir décroché la résidence dans un théâtre subventionné par la Mairie de Paris pour monter rapidement son spectacle relève quelque peu du miracle… L’économie du monde du théâtre est également complexe. Il est dur d’en vivre et, pour l’instant, aucun des acteurs n’est payé et c’est elle qui finance tout. Difficile, dans ces conditions, de faire comprendre qu’elle et ses amis ne sont pas des amateurs mais des professionnels pour l’instant bénévoles…

Sacrifier du temps, risquer de l’argent, affronter la solitude du metteur en scène et le jugement du public (ou pire, l’absence de public)…  Tout cela en vaut-il le coup ? Pour Georgie Azoulay, c’est indéniable car, comme elle le dit elle-même, au final « il y a tellement d’amour et de bienveillance  que tu sais que tu es accompagnée et pas seule ».

 

Les Vagues, d’après Virginia Woolf, mise en scène de Georgia Azoulay, Théâtre de La Jonquière, Paris 17ème, du 31 janvier au 3 février à 20h. Réservations par téléphone au 06.62.77.99.70

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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