Clouzot maltraité par la critique. C’est de ce Henri-Georges Clouzot dont on se souviens le plus. Avec La Prisonnière, le réalisateur français fait scandale. Explications.
Un film obsessionnel
Après le fameux échec du tournage de l’Enfer avec Romy Schneider, Clouzot revient dans la même décennie avec La Prisonnière. Sorti en 1968, ce film est son premier et dernier film en couleurs. Le réalisateur à scandales meurt en 1977.
Dans La Prisonnière, il nous raconte la relation que Josée, une femme typique des sixties et Stan, le directeur d’une galerie d’art. Abordant le sujet de la soumission et de la violence psychologique, Clouzot reprend directement ces thèmes obsessionnels de son précédent film, avorté celui-ci. Impossible de passer à côté des similarités esthétiques et des parti pris de Clouzot dans l’Enfer et que l’on retrouve dans La Prisonnière.
Un projet détonnant
Et pourtant si ce thème est obsessionnel à la fin de sa carrière, ce film détonne dans sa filmographie. On connaissait le talent de Clouzot à passer du tragique au comique en quelques secondes, mais ici on ne retrouve rien de tout cela. La Prisonnière est un film profondément dramatique sur quasiment toute sa longueur (mention spéciale à Maggie, le personnage qui vient détendre légèrement et momentanément l’atmosphère). Le réalisateur parvient ici à nous faire sentir la tension permanente entre les personnages. Avec ce film, Clouzot se met au défi de comprendre le vice, la perversité sexuelle, ce qu’il appellera “le mal” et il y parvient.
Un nouvel échec
Ce film connaîtra un échec critique et commercial retentissant. Classé EX dès sa sortie, c’est-à-dire “pour adultes, avec d’express réserves”, il choque un public pour qui les sujets abordés restent encore tabous. Et pourtant, en regardant La Prisonnière, il est impossible de ne pas penser au Voyeur de Michael Powell.
Ayant fait scandale lui aussi en 1960 il avait été jugé malsain et pervers. Les mentalités n’ont donc pas véritablement évolué entre les sorties de ces deux grandes œuvres du cinéma. Le Voyeur est aujourd’hui considéré comme un film culte pour les cinéphiles. Peut-être La Prisonnière connaitra t’elle le même sort. Cinquante Nuances de Gray a eu un large succès alors peut-être serait-il temps de reconnaitre les qualités de La Prisonnière, en dépassant le plan purement thématique.
Clouzot, peintre d’une génération
À travers ce dernier film, Clouzot dépeint et critique une génération contaminée par la société de consommation. Mais La Prisonnière c’est aussi une œuvre qui est tout à fait ancrée dans son époque. On y découvre les sixties comme on se les ait toujours imaginées et Clouzot fait de la couleur un réel élément de mise en scène. Il joue ainsi avec les images et les couleurs qui font les années soixante. Passant d’images kaléidoscopiques géniales à des plans jouant sur des effets d’optique, il réalise un film à l’esthétique unique qui symbolise toute une décennie. En témoigne la scène quasi finale du rêve.
La Prisonnière est un film à découvrir ou à redécouvrir pour les plus cinéphiles d’entre vous. Intemporel, il semble même être d’actualité avec l’éclatement du scandale Weinstein.