LITTÉRATURE

Une rentrée littéraire orageuse avec Meg Little Reilly

Ancienne collaboratrice de Barack Obama, Meg Little Reilly sort son premier roman, Tempêtes. Rencontre avec celle qui est passée de la Maison Blanche, à une maison d’édition.

À l’occasion de la rentrée littéraire, de grands noms de la littérature française ou étrangère se pressent sur les étagères de libraires. Les auteurs font le tour des émissions culturelles, parlant à tout va pour vendre leurs livres, parfois très bons, parfois décevants. Mais la rentrée littéraire, c’est aussi l’occasion de découvrir des perles, des auteur·e·s inconnu·e·s du grand public, des premiers romans qui annoncent une carrière prometteuse.

C’est le cas des Tempêtes, le premier livre de Meg Little Reilly. Cette ancienne collaboratrice de Barack Obama, très engagée en faveur de la préservation de l’environnement, a écrit ce livre alors qu’elle travaillait encore à la Maison Blanche. Une histoire de tempête apocalyptique qui ravage le Vermont et ses habitants, tant d’un point de vue matériel que psychologique. Avec une finesse indéniable, l’auteure, qui se consacre maintenant uniquement à l’écriture, expose sa vision de la littérature, de la politique et du monde qui nous entoure.

Vous avez travaillé à la Maison Blanche pendant le mandat de Barack Obama et vous êtes aujourd’hui écrivaine. Comment expliquez-vous cette réorientation professionnelle ?

J’ai toujours écrit pendant mon temps libre. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. À la fin du mandat de l’administration Obama, j’ai compris que si je ne m’y mettais pas maintenant, je ne le ferais jamais. J’avais toujours ressenti une certaine angoisse, concernant la politique et l’environnement. Cela s’expliquait en partie par mon besoin de catharsis. J’ai écrit mon premier livre tous les matins avant de partir travailler à la Maison Blanche ; je me levais très très tôt et j’écrivais. Puis ma fille est née et j’ai terminé le livre. En fait, l’écriture a été très thérapeutique pour moi. Ça m’a permis de projeter dans les magnifiques paysages du Vermont pour quelques heures chaque jour. C’était une sorte d’antidote au quotidien, et à tous les soucis que l’on rencontre lorsqu’on fait de la politique. J’avais l’impression que c’était une manière de parler des choses qui m’empêchaient de dormir.

Pour vous, écrire un roman, c’est une autre manière de s’engager politiquement ?

Je pense que l’art et la culture doivent accompagner l’activisme politique, notamment en ce qui concerne l’environnement. Les esprits changent d’avis beaucoup plus vite grâce à la culture, grâce aux films, aux livres, à la télévision, à l’art en général. L’action politique est importante, mais il est impossible de comprendre l’action politique sans des histoires plus humaines. Et l’art prend ses racines dans l’histoire des gens. Et ce sont ces histoires qui font évoluer les représentations des gens. Aux États-Unis, les gens affirment qu’ils s’intéressent à l’environnement, mais ils votent comme s’ils s’en fichaient. Et on ne demande pas à nos hommes et femmes politiques de véritables politiques environnementales. Il n’y a aucune urgence dans leurs discours. Je me suis dit qu’une fiction sur l’environnement, avec des protagonistes auxquels on peut s’identifier, pourrait aider à montrer l’urgence de la situation.

Les Tempêtes est votre premier roman. En France, il est rare de vivre de son écriture. Qu’en est-il aux États-Unis ?

C’est très dur. Je suis extrêmement chanceuse de pouvoir vivre de ma plume. Ce n’est pas tombé du ciel. J’ai fait face à de nombreux refus de la part d’agents, et de maisons d’éditions. Ça a pris plusieurs années avant que je trouve un agent. Et ensuite, encore des mois avant que mon agent me trouve un éditeur. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai continué à travailler à la Maison Blanche pendant l’écriture de mon livre. Aujourd’hui, j’ai deux livres en préparation. L’un d’eux va sortir au printemps prochain. L’autre sera sans doute publié l’année d’après. Je peux à peine payer mes factures, mais j’y arrive, donc je suis très heureuse.

Comment se déroule l’année littéraire aux États-Unis ? Avez-vous une rentrée littéraire ?

Il y a trois saisons littéraires. En septembre, en janvier et en mai. Celle de mai est une sorte de rentrée pré-estivale.

Comment avez-vous eu l’idée d’écrire une histoire de tempêtes ?

Dès le début, je savais que je voulais parler d’une tempête. Il y a quelques temps, il y a eu une grosse tempête de neige à Washington DC, alors qu’habituellement, ce n’est pas une ville où il neige beaucoup. On a surnommé cette tempête « snowpocalypse ». Ça a complètement bloqué la ville. Il y a très peu de moments où l’on peut observer de manière tangible les déréglements climatiques. Mais là, c’en était un. Bien sûr, les tempêtes ne sont pas entièrement dues au réchauffement climatique, mais la fréquence avec laquelle elles surviennent et leur intensité est le fait des changements climatiques. Je ne voulais pas écrire une histoire trop culpabilisante ou ouvertement politique. Je me suis dit que parler d’une tempête montrerait les effets du réchauffement climatique, tout en permettant au lecteur·rice de s’identifier. Une histoire sur nos comportements dans des périodes de peur. Il y a trois niveaux dans mon livre : celui de la société, celui de la communauté et celui, plus intime, du mariage. C’est ce dernier niveau qui m’intéresse le plus. En fait, cette histoire est comme un oignon. Quelqu’un m’a dit un jour que c’était le premier roman sur le réchauffement climatique qui se passe dans le lit conjugal. Et c’est un peu ça.

Il y a une vraie psychologie de la catastrophe dans votre livre. Comment avez-vous procédé pour cerner les différentes réactions humaines face au changement climatique ?

Je me suis plongée dans une sous-culture que l’on retrouve surtout en ligne. Ces survivalistes sont des gens qui vivent dans une attente perpétuelle d’une catastrophe. J’ai lu beaucoup de blogs survivalistes et je suis allée sur pas mal de forums. C’est complètement fou, mais il y a une certaine logique dans ce genre de théories. C’est ce qui les rend fascinantes. C’est comme un terrier de lapin, plus on s’y enfonce, plus on s’y perd. Mais le livre montre bien qu’une réponse collective à la catastrophe est préférable au survivalisme individuel. Je ne suis pas une survivaliste. Je ne sais même pas si j’ai de l’eau en réserve dans ma cave. Mais en faisant mes recherches, je me suis rendue compte de ce que cela signifie d’être tout le temps dans l’inconnu, l’imprévisible. Les survivalistes sont de plus en plus nombreux·ses, en tout cas aux États-Unis. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils et elles ont peur de tellement de choses. Cela va des catastrophes environnementales, à un coup d’État du gouvernement. Je trouve que ça en dit long sur notre époque.

Votre livre parle aussi du Vermont, l’État où vous avez grandi.

Le Vermont était un endroit parfait pour l’histoire à cause de sa beauté un peu utopique. C’est aussi un endroit qui évoque des fantasmes de vie sauvage, en dehors de la société. Beaucoup s’imaginent pouvoir y vivre de leurs mains et ne dépendre de personne. Les deux personnages principaux ont de bonnes intentions, mais ils ont une vision romantique de la campagne. C’est pour cela qu’ils ne sont pas des narrateur·rice·s très fiables. Le Vermont m’est apparu comme une évidence. Beaucoup de personnes déménagent de leurs appartements dans les grandes villes pour s’installer dans le Vermont. Il y a une sorte d’idéal campagnard complètement fantasmé.

En lisant votre livre, on découvre une vision extrêmement pessimiste de l’avenir de notre planète. Est-ce ainsi que vous voyez notre avenir à tous ?

En ce moment, je suis assez pessimiste lorsque je pense au réchauffement climatique par exemple. Mais c’est seulement en ce qui concerne l’avenir immédiat. Et puis, quand on a Donald Trump comme président, il est difficile de ne pas être pessimiste. Les États-Unis connaissent en ce moment la montée d’un mouvement anti-intellectuel et anti-culture. Mais je ne pense pas que cela durera. Je suis très optimiste concernant l’avenir de l’humanité en général. Le message principal de mon livre, c’est que la résilience ne peut venir que d’une prise de conscience collective de ce qui nous attend. Et aussi d’une entraide importante, et surtout pas de l’individualisme. Je pense que ça finira par arriver, mais ce n’est pas encore le cas.

Mais les personnages de votre livre sont assez individualistes… Pensez-vous vraiment que les sociétés occidentales puissent en finir avec l’individualisme ?

Je pense que les sociétés occidentales, ces dernières années, ont en effet été très individualistes et matérialistes. Mais je crois vraiment au changement, en particulier dans les générations plus jeunes que moi. Les jeunes de 20, 30 ans, qui ont vécu la crise économique, la crise du logement, voire en Europe la crise de l’UE sont, je pense, plus sages que la génération de mes parents. Je pense qu’iels pensent plus sur le long terme, et qu’iels réfléchissent à leurs actions et en quoi elles affectent l’environnement et la communauté.

Vos prochains ouvrages traiteront-ils également de l’environnement ?

Il y aura quelques éléments environnementaux dans mon prochain roman. Mais ce ne sera pas aussi évident que dans mon premier ouvrage. Ça parlera de bonnes personnes qui font de mauvais choix. Et l’histoire se passera à Martha’s Vineyard, sur une île du Massachusetts. C’est une histoire sombre, dans un lieu touristique quasi-désert.

Grande voyageuse (en devenir). Passionnée par la littérature et les langues étrangères. Dévoreuse de chocolat. Amoureuse éperdue de la vie et de la bonne bouffe. "Don't let the seeds stop you from enjoying the watermelon"

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