CINÉMA

Le prix du succès : show-biz, paillettes et racket

Six ans après Jimmy Rivière (2011), Teddy Lussi-Modeste fait paraître son deuxième long-métrage, Le prix du succès, avec Tahar Rahim, Roschdy Zem et Maïwenn. Il met en scène Brahim, humoriste en pleine ascension, et cherche à montrer « comment un jeune homme issu d’un quartier périphérique, devenu célèbre, va lutter contre le racket exercé par sa famille et s’éloigner d’eux  ». Sortie prévue le 30 août 2017.

Une rivalité aux airs d’Abel et Caïn

Deux frères, un succès, une rivalité : dans le dernier film de Teddy Lussi-Modeste, Brahim, une jeune star montante du stand-up incarnée par Tahar Rahim, et son frère et manager, Mourad, interprété par Roschdy Zem, prennent des airs d’Abel et Caïn. D’une rivalité naissante à une rivalité destructrice, la relation entre les deux frères se dégrade peu à peu, dès que Brahim comprend qu’il va devoir se détacher de son aîné pour poursuivre son propre chemin. De l’ambition et des rêves de succès encore plus grands, il en a. Son agent le lui fait bien comprendre : Brahim doit s’éloigner de son frère, de plus en plus incontrôlable, s’il veut faire évoluer sa carrière. « Brahim fait tout son possible pour aider son frère. Mais à un moment, le personnel vient lutter contre le professionnel. Et c’est là que c’est tendu » écrit Tahar Rahim. Pour Mourad, c’est à lui, et à lui seul, que Brahim doit son succès sur la scène. Mais les premières minutes du film nous montrent que c’est à Linda, sa compagne, interprétée par Maïwenn, que Brahim envoie tous ses remerciements. L’histoire fraternelle s’écrira donc sur fond de violence, du sacrifice à la vengeance.

« Les requins les plus dangereux ne nagent donc pas dans le milieu du show-business mais au cœur même de la famille »

Des rivalités, des non-dits et des tensions familiales naît une violence à l’intérieur de la famille, qui n’égale pas celle des haters sur internet à laquelle est pourtant exposé Brahim, comme toute star montante du XXIème siècle. Le film met en avant l’idée que les plus grands ennemis ne sont pas anonymes, cachés derrière leurs écrans, mais au contraire plus proches de soi que l’on ne croit. « Dans mon film, les requins les plus dangereux ne nagent donc pas dans le milieu du show-business mais au cœur même de la famille » écrit Teddy Lussi-Modeste. À l’heure où la violence des haters se fait de plus en plus remarquer et dénoncer sur internet, le film nous rappelle que c’est bien souvent à l’intérieur-même du cercle familial que s’immisce la plus sanglante des violences. Des rires aux larmes, de l’amour à la haine, de l’anonymat à la gloire : le prix du succès.

La notoriété d’un enfant d’immigré, une question universelle

À la fois léger et très sombre, le film nous plonge dans la douce descente aux enfers d’un succès qui rend fou, sans pourtant, peut-être, aller jusqu’au bout de son projet : le film pourrait manquer de simplicité dans la trame narrative, et de complexité dans la représentation des rapports de force entre les protagonistes. Les problèmes soulevés restent tout de même très pertinents. Le show-biz, les paillettes, la notoriété : la famille de Brahim, qui l’a vu évoluer brutalement, ne vient pas de ce monde. Le choix d’inscrire l’histoire dans une famille modeste d’origine maghrébine rend les problématiques du film davantage intéressantes : le groupe et la famille occupent une place si importante qu’ils finissent par primer sur l’individu. Brahim se retrouve coincé entre une société française qui « a toujours un peu de mal avec la réussite de ses populations immigrées », et sa propre communauté qui « peut lui faire payer son succès s’il n’obéit pas à ses règles ».  La question de savoir si Brahim ne doit pas sa réussite qu’à lui-même est centrale, et au cœur du conflit avec son frère, qui développe une forme de jalousie : « un proche peut préférer que vous ne réussissiez pas, surtout si lui est en situation d’échec ». Notons qu’il ne s’agit pas, pour le réalisateur, d’un « film communautaire : c’est un film qui regarde les Hommes et le monde à partir d’une famille qui appartient à une communauté spécifique ».

Dans le film, le succès, cet ambivalent catalyseur, est donc créateur et destructeur. Une phrase, prononcée par Mourad à la fin du film, en résume tout l’enjeu : « Des fois, je me dis que ça aurait été mieux si on n’avait pas réussi. Parce que dans notre monde, si on échoue, on ne dérange personne  ». Le prix du succès se payerait-il plus fort que celui de l’échec ? En salles le 30 août 2017, le film de Teddy Lussi-Modeste ne vous coûtera, lui, qu’une place de cinéma.

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