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Avignon 2017 – Tout feu tout F(l)ammes

En metteur en scène talentueux, Ahmed Madani donne la voix à des problématiques sociétales en montant F(l)ammes, un spectacle d’utilité publique à voir d’urgence.

Salle comble au théâtre des Halles dans le Off d’Avignon. Un défilé de chaises en fond de scène, neuf en tout. Il y aura dix femmes. Un micro est positionné sur le devant de la scène : c’est là que la parole théâtrale va advenir. La vraie parole. “Le théâtre, c’est comme la vie. Sauf qu’au théâtre, tout est vrai”, aimait à dire un critique de théâtre. Dans la vie clichés et stéréotypes (barbares, sauvages, exotiques…) foisonnent pour qualifier les personnes, on parle de “classes sociales”, de “milieux sensibles”… Et si c’était le cœur de ces femmes qui était sensible ? Les travaux de Lévi-Strauss, le mythe d’Ulysse, l’histoire de Colomb sont autant de mythes qui jouent le rôle de prismes pour mieux raconter leur histoire. La première intervenante énonce la formule-reine de ce spectacle, le viatique-roi :
“N’aie jamais honte d’où tu viens.”
Ahmed Madani a passé deux ans en immersion à rechercher et parler avec des jeunes femmes, il a attendu de les avoir toutes trouvées pour commencer l’écriture collective. Ecriture qui fait advenir au grand jour ce qui est caché habituellement car “le mécanisme de la domination, dit-il, c’est de se dominer soi-même”. Les comédiennes nous livrent un spectacle tantôt léger, tantôt profond. “Je suis passée par des milliers d’états différents”, déclare une spectatrice à la sortie. Ce gang de f(l)ammes peut émouvoir en effet, mais aussi se mettre en colère et le montre durant l’un des climax du spectacles qui fait sensation dans le public. Nous n’en révélerons pas plus ici… Courrez voir ce spectacle d’utilité publique.

Une mosaïque kaléidoscopique

Avec une grande intelligence et en toute simplicité, ces femmes pointent du doigts d’immenses problèmes sociétaux tout en émouvant aux larmes en créant une définition de l’être humain : une mosaïque kaléidoscopique. La voix off qui utilise la polyphonie et l’utilisation de la vidéo dans un grand écran au fond de la scène signifie ce tableau éclectique. On voit alors apparaître au fur et à mesure des femmes si riches, quasi toutes polyglottes, fan de karaté ou de basket, de sushi ou de plats algériens, portant le voile ou une perruque, originaire de Montreuil ou de Mantes-la-jolie, française moyenne ou excentrique…
“Je ne suis pas celle que vous pensez que je suis. Je ne suis pas celle que vous voyez.”
On a envie d’applaudir à chaque fois qu’un témoignage se termine et on compte ceux qui nous restent à écouter avant la fin du spectacle. Le travail de chœur et de danse est remarquable. Le chant, quant à lui, et à couper le souffle et donne des frissons.


Au Festival OFF d’Avignon au Théâtre des Halles du 6 au 29 juillet 2017 à 11h (relâche les lundis) puis au théâtre de la Commune à Paris en Avril 2018. Teaser pour les plus impatient-e-s :

 

 

Rédactrice Maze Magazine. Passée par Le Monde des Livres.

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