Avec ses 274 millions de locuteurs (d’après le dernier rapport de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) datant de 2014), le français est la 5ème langue la plus parlée au monde, et se classe au 3ème rang des langues des affaires, derrière l’anglais et le mandarin. Sa promotion est notamment assurée par l’OIF, qui réunit 84 États et gouvernements. 32 d’entre eux ont adopté le français comme langue officielle (unique ou avec d’autres langues). Le français semble donc bien se porter à l’international. Pourtant, dans les faits, la pratique de notre langue n’est pas toujours défendue, même quand c’est un enjeu important.
Une évolution vers le monolinguisme dans les organisations internationales
Ainsi de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), où le français est l’une des langues officielles mais est beaucoup moins utilisée que l’anglais. L’ONU tend à devenir une organisation où règne le monolinguisme. Et les diplomates français semblent se soumettre à cette tendance, d’après Michaëlle Jean, secrétaire générale de l’OIF. Elle raconte en effet qu’un jour, alors qu’elle venait de s’exprimer en français au siège des Nations-Unies, un représentant de la délégation française l’avait félicitée en se demandant pourquoi lui-même avait discouru en anglais alors que rien ne l’y obligeait.
Aux Jeux Olympiques (JO) de Rio organisés l’année dernière, l’OIF a pointé du doigt la quasi absence du français (pourtant langue officielle des JO avec l’anglais) dans les différents supports de communication et d’information. On pourrait croire qu’avec la candidature de Paris pour accueillir les Jeux de 2024, le français serait mis à l’honneur. Et pourtant…
En France : entre sacralisation et rejet du français
Made for sharing. À peine dévoilé, le slogan de Paris 2024 a provoqué une vague d’indignation. La candidature de la capitale française ne devrait-elle pas être l’occasion de mettre à l’honneur notre langue ? L’équipe de Paris 2024 se défend en prônant l’universalité de la candidature et donc du slogan. Si la candidature de Paris est retenue, ce ne seront pas seulement les JO de Paris mais des JO universels. Argument bien fragile, qui semble reconnaître la domination de l’anglais et la nécessité d’utiliser cette langue pour être entendu. Pour Paris 2024, si les JO doivent être partagés, ce n’est pas semble-t-il pas le cas de la langue française… D’autant plus qu’en choisissant ce slogan et en omettant d’en préciser la traduction, Paris 2024 a oublié que tous les Français n’en comprendraient pas la signification. Pour l’universalité, on repassera. Au micro de RTL, Bernard Pivot a qualifié le slogan de « faute » et « ânerie », déplorant que « Paris, capitale de la francophonie, fasse la courbette devant la langue qui n’est pas seulement celle de Shakespeare, mais celle de Donald Trump ».
Cette attaque de Bernard Pivot illustre bien le caractère politique des enjeux des JO. Car les Jeux attirent l’attention sur une ville, un pays et leurs principaux aspects (politiques, culturels, économiques…). La principale ville concurrente de Paris, Los Angeles, s’est servie du mauvais accueil réservé au slogan de Paris 2024 en affirmant sa volonté de valoriser la langue française tout au long des JO. Joli pied de nez à la capitale française… Il est toutefois assez désolant de se dire que c’est une ville américaine qui utilise la promotion du français comme argument, et non Paris.
Au-delà de la polémique engendrée par l’utilisation de l’anglais, ce choix de slogan illustre le rapport paradoxal que nous entretenons avec notre langue. Fiers d’elle et de son rayonnement, nous voulons la défendre dès qu’elle nous paraît être menacée, et pourtant nous nous empressons de railler ceux qui ne maîtrisent pas d’autres langues. Nous nous félicitons du nombre de francophones dans le monde, mais nous discourons en anglais quand rien ne nous empêche de le faire en français. Nous imposons la maîtrise de la langue française sur certains chantiers (mesure dite « clause Molière ») mais nous choisissons un slogan anglais (par ailleurs déjà utilisé par une célèbre chaîne de restauration rapide) pour les JO.
Sommes-nous, nous Français, les mieux placés pour célébrer notre langue ? Il me semble parfois que les francophones non français sont beaucoup plus fiers que nous de la maîtriser. Et je me demande : avons-nous seulement la volonté de défendre l’avenir de la langue française ?