CINÉMAFestival de Cannes

Cannes 2017 – « D’après une histoire vraie », Roman de frictions

Après La Vénus à la fourrure, où Roman Polanski mettait en scène un dramaturge qui perdait le contrôle de son œuvre, au point où la frontière entre réalité et fiction devenait invisible, il revient hors compétition à Cannes avec D’après une histoire vraie, pour nous proposer un film d’ambiance sans grandes surprises mais avec un casting parfait.

Des fans attendant comme le messie un gribouilli sur un bout de page, s’adressent à une écrivaine qu’on ne voit pas. Ils adorent son travail, se sentent concernés par son roman. Ils souhaiteraient l’offrir à leur mère, à leur frère ou à leur fille. On découvre alors le visage de celle qui signe les autographes : Delphine. Interprétée par Emmanuelle Seigner, muse et épouse de Roman Polanski, Delphine est aussi décoiffée que désespérée de griffonner des mots aux creux des couvertures. Elle demande à son équipe d’édition d’arrêter cette mascarade. Alors qu’elle est enfin seule, une femme s’approche discrètement mais déterminée du stand de Delphine ; la regardant droit dans les yeux, elle lui demande un dernier petit effort. L’auteure refuse, en bloc. Sauf qu’on ne refuse pas un autographe à Elle, interprétée par Eva Green. Débute alors une amitié sulfureuse où, entre deux manipulations de l’une sur l’autre, la réalité fait la fiction. Entre l’illustration du syndrome de la page blanche et la façon de créer des personnages, D’après une histoire vraie manque d’audace mais nous emporte.

Une ambiance de roman

La porosité entre la fiction et la réalité est une question passionnante, surtout au cinéma, où il est très souvent difficile de déceler le vrai du faux, le réel du mis en scène. Dans le film de Roman Polanski, où il est question du travail d’une écrivaine et de sa recherche de sujet, les aller-retours entre l’imaginaire et le réel auraient pu être nombreux ; ils auraient pu être l’occasion de nous perdre vraiment. Malheureusement, le cinéaste polonais ne provoque le doute que dans les rêves de son personnage, où la lumière est aussi éclatante que les noirs sont profonds. Nous savons toujours où nous sommes et c’est dommage. Ce qui est dommage aussi, c’est qu’il reprenne le même thème que son précédent film La Vénus à la fourrure, mais le transpose cette fois à la littérature. Heureusement, il y a cette tension presque sexuelle entre Elle et Delphine, ce jeu d’emprise dont on n’attrape pas toujours le sens. Emmanuelle Seigner et Eva Green en font beaucoup mais on adore. Elles nous emportent avec elles, dans leurs personnages. Elles sont romanesques, presque lyriques – forcément, nous direz-vous, le film est une adaptation du roman éponyme de Delphine de Vigan. La mise en scène du réalisateur, elle aussi, participe à un certain lyrisme ; la lumière surligne souvent les scènes, quand ne le fait pas la musique d’Alexandre Desplat. Un film qui nous a emporté mais à côté duquel on peut passer, si on accepte pas les codes d’un univers loin de notre réalité.

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