L’une des vidéos qui revient souvent en période d’élections, c’est celle de militants sortant d’un meeting et qui, face aux questions des journalistes, n’ont absolument rien à dire pour expliquer leurs affinités pour tel ou tel candidat. Ce phénomène, bien que risible, semble néanmoins témoigner d’un certaine absence de conscience et d’objectivité chez les électeurs. Cela dit, cette ignorance des électeurs n’est pas entièrement leur faute, le système électoral ainsi que le déroulement des campagnes présidentielles est à la fois manipulateur et excluant.
La grande mascarade des campagnes présidentielles, c’est de faire croire au plus grand nombre que la politique c’est simple et que pour cette raison il existe des candidats qui ont “la solution”. A partir de là, chacun décrit “le problème” d’une façon ou d’une autre et indique quelle est la solution qui y correspond comme s’il n’y avait pas à chercher plus loin. Grossièrement, pour tous les candidats depuis toujours, le problème c’est que rien ne va plus (crise économique, urgence sociale, etc.) et afin de sauver le monde, chacun a une idée très claire de ce qu’il faut faire. C’est précisément là que les campagnes présidentielles deviennent vicieuses : au lieu de susciter la solidarité face à cette évidence que tout le monde est prêt à reconnaître (l’existence d’un problème à régler), chaque candidat présente sa solution comme la seule et l’unique, dénigre celle des autres et promet aux électeurs un monde meilleur par le biais de son bulletin de vote.
Cette logique pose différents problèmes, d’abord elle oblige au raccourci et à la simplification car le caractère concurrentiel des campagnes présidentielles favorise le développement de programmes aux allures publicitaires. Vous imaginez un candidat se présentant en avouant qu’il est incapable de régler tous les problèmes du pays en l’espace d’un quinquennat et que son programme aura sûrement besoin d’être repensé lorsqu’il entrera en application ? Résultat, chacun fait de la solution promise par son candidat favoris sa nouvelle religion et part en croisade contre toutes les autres (les dernières semaines ont donné lieu à de nombreuses attaques de toutes parts).
Le problème du “système”
Notre système démocratique actuel rend impossible le débat et nous oblige à traiter de chaque problème de manière artificielle (comme l’illustre le temps de parole consacré à chaque thème lors des débats télévisés). La conséquence de l’absurdité de notre système électoral, c’est que pendant deux mois tous les cinq ans, tous les électeurs deviennent des spécialistes en politique et en économie et recrachent à la gueule des autres une version remâchée de la solution prémâchée par le candidat qu’ils ont choisi d’élire. Car la vérité c’est que les problèmes que connaissent la France aujourd’hui sont complexes (d’autant qu’ils concernent des domaines distincts face auxquels il faudrait faire appel à différents spécialistes) et qu’il n’existe personne qui puisse affirmer connaître “la solution”. En bref, les élections présidentielles, c’est le grand jeu des apparences.
“En Suisse, on compte environ 340 référendums depuis 1971 alors qu’en France, il n’y en a eu qu’un peu plus d’une vingtaine”
Comment mettre fin à ces élections fondée sur la couleur de la cravate des candidats ? Sans entrer dans un tout autre débat, le problème mentionné ci-dessus peut nous mener à jeter un coup d’œil du côté des démocraties directes ou participatives. Par exemple, en Suisse, on compte environ 340 référendums depuis 1971 alors qu’en France, il n’y en a eu qu’un peu plus d’une vingtaine. Pourtant, le référendum c’est précisément demander à la population son avis et lui permettre de décider pour elle-même : c’est lui donner la possibilité de construire sa propre “solution” aux problèmes du pays. Un autre impératif afin de changer le système électoral actuel, c’est détruire l’image de la démocratie au visage unique ainsi que l’idéalisation du poste présidentiel en divisant et en répartissant le pouvoir entre différents politiciens et partis. A ce sujet, malgré le fait que le suffrage proportionnel soit souvent critiqué de peur qu’il ralentisse les prises de décisions, il permet néanmoins de rêver d’un gouvernement où les différents candidats pourraient travailler ensemble afin de mettre ensemble leurs idées et se focaliser sur la résolution du problème et non sur la victoire individuelle.
Il est essentiel de rendre de sa rationalité aux campagnes présidentielles, les idées avant les candidats.