LITTÉRATURE

L’instant conte avec Jean de La Ville De Mirmont

En ce mois de février, approchons nous de la grève pour rencontrer les héros silencieux du conte de Jean de la Ville de Mirmont, intitulé Les Pétrels. Paru dans le recueil posthume Contes en 1923, ce récit offre une bulle de contemplation et de transcendance insoupçonnée.

Qu’est-ce-qu’un pétrel ? Voici bien un terme qui interpelle le lecteur pour peu qu’il ne soit pas familier du bord de mer ou qu’il ne soit passionné par les oiseaux. L’auteur bordelais pallie à cette lacune et accueille le curieux en dressant un portrait en deux teintes de cet oiseau marin, annonciateur de tempêtes dont les yeux presque sourds le condamne à une errance entre l’obscurité et la lumière, entre les formes et les couleurs, lui donnant ce vol maladroit qui le caractérise.

Nuée immobile guettant la marée sur une plage solitaire, ce ne sont pas des individus que décrit le conteur mais bien une force vive, démultipliée et muée par un même instinct étrange qui la pousse à s’envoler pour poursuivre l’astre roi s’enfonçant toujours plus avant vers l’horizon. La mort de la lumière, de cet éclat presque déjà éteint dans les pupilles des volatiles, semble ranimer ce que le conteur apparente à une sorte de foi oubliée, une foi primaire.

Mille bruissements de plumes immaculées accompagnent l’envol d’abord hésitant puis furieux de ces êtres insolites, à la fois majestueux et gourds, mariage de la beauté et du grotesque en un seul corps. Animant cette alliance improbable, l’instinct implacable de ces oiseaux offre dans ce conte l’idée du dépassement de soi, de l’envolée ultime pour un but inatteignable, le soleil glissant toujours sur son axe lointain et les oiseaux, tombant les uns après les autres d’épuisement.

L’obscurité venue, ne reste qu’un peloton de fous ailés dont le chant se répercute en écho au dessus de l’océan. S’agit-il d’une litanie ou d’une prière ? Nul ne le sait mais reste de ces oiseaux l’image d’athlètes poétiques, de voyants aveuglés dont la foi les porte toujours au delà d’eux-mêmes, et c’est peut-être pour cette raison que le sergent d’infanterie Jean de La Ville de Mirmont, nous confie à regret : « Beaucoup par les nuits de grand vent, s’écrasent la tête contre la lanterne éclatante des phares. ».

Disponible librement sur Wikisource, vous pouvez retrouver ici ce conte ainsi que les sept autres composant le recueil Contes.

Maître ès lettres. Passionnée par la littérature et les arts | m.roux@mazemag.fr

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