Le 2 septembre dernier, My Woman, le dernier album d’Angel Olsen sortait. Sur un fond monochrome, la pochette nous donne une juste synthèse de l’atmosphère qui va s’installer à l’écoute de l’album : c’est un portrait de la chanteuse, au regard fixe mais pas totalement serein, comme tiraillé par deux opposés. L’artiste nous ouvre les portes d’une intimité inédite, et nous suivons son parcours interne tout au long de l’écoute de l’opus. Amour, angoisses, colère sont mis à nu, traduits par un son doux et profond.
C’est d’abord la jeunesse qui donne toute sa teinte à l’album ; celle d’une jeunesse adulte, perdue dans son monde. Angel Olsen chante avec grâce et frontalité les angoisses d’un âge particulier, celui entre adolescence et âge adulte. Un âge d’entre-deux, donc, un temps défini par la négative.
Dans Heart-Shaped Face, elle nous fait nous imprégner de ses maux d’amour, qu’elle offre avec une honnêteté désarmante par des mots douloureux « and the truth never lives/in the story of words we say ». C’est précisément un album entre jeunesse et maturité que la jeune américaine a créé. Sans cesse le titre nous revient : « My Woman », à la fois moi-même et une autre, celle que je ne suis pas et celle à laquelle je m’identifie.
Perdue en eaux troubles, l’artiste fait opérer le charme par sa voix tantôt délicate tantôt puissante, dont Sister est l’exemple le plus poignant. « I want to live life/I want to die right », murmure-t-elle, dotant ses mots d’un sens profond et puissant. Le solo de guitare, rare moment électrique de l’album qui sera ponctué aussi de quelques touches d’électro, rappelle à quel point la jeunesse dessine des lignes indélébiles sur laquelle la vie adulte se construit. Les sonorités, douces et fortes, nous rappellent sûrement celles de Beach House, autre figure de proue d’un rock indépendant mélancolique.
Mais ce nouvel album n’était pas une surprise. Si My Woman est sorti au début du mois dernier, plusieurs clips ont été dévoilés sur YouTube au courant du mois d‘août. Des couleurs vives ainsi qu’une ambiance rétro à souhait matérialisent Shut Up Kiss Me (le titre le plus électrique et révolté), où Olsen chante, le regard défiant la caméra. Avec patins à roulettes, perruque argentée et veste bomber tout droit sortis des années 1980, l’artiste chérit son atmosphère vintage. Le clip de Sister montre à quel point la chanson vient de l’âme et du cœur. Les plans rapprochés sur le visage de la jeune femme nous laissent croire à une introspection douloureuse à laquelle elle se livrerait. La fin de chaque vidéo nous laisse percevoir encore mieux l’intimité de la chanteuse car le clip s’arrête, l’illusion est brisée, mais la caméra tourne encore et dévoile Angel Olsen dans tout son naturel et sa spontanéité.
Depuis ses débuts, la musique de la jeune artiste puise ses racines dans la folk américaine de Joni Mitchell, Fleetwood Mac ou encore Nick Drake. Ce dernier s’entend surtout dans White Fire, titre présent sur son précédent album Burn Your Fire for No Witness dont la mélancolie et le déchirement de l’âme sont les lignes directrices. Le site Pitchfork (référence incontestée en matière de nouveautés musicales) place d’ailleurs les deux derniers albums d’Angel Olsen dans la catégorie « best new album » dans un profil qui lui est spécialement dédié aux côtés de Nick Cave ou encore Nicolas Jaar.
Si la mélancolie marque la plupart de ses chansons (« you’ll never be mine » résonne sans cesse comme un écho lointain), elle prouve aussi une continuité avec ses précédents albums. My Woman trace le chemin vers la maturité, tandis que le précédent album était teint d’une adolescence tourmentée et magnifique.
Le label Jagjaguwar montre –encore une fois- qu’il ne fait aucun faux pas. Après avoir fait signer Bon Iver mais aussi Preoccupations (ex-Viet Cong), le label montre qu’il sait où trouver le rock indé le plus intéressant du moment avec Angel Olsen, une artiste à écouter et à suivre, sans aucun doute.