SOCIÉTÉ

Des hommes voilés – Le mouvement « Men In Hijab » en Iran

Ne vous en déplaise, après une vaine polémique sur le port du burkini en France, nous allons à nouveau parler de voile. Pas de femmes, mais d’hommes voilés cette fois ! En Iran, l’un des pays figurant parmi ceux où la loi exige le port du voile islamique pour les femmes, un mouvement contestataire émerge : des hommes se prennent en photos voilés, à côté de leurs femmes, sœurs ou mères non voilées, et postent ces clichés sur les réseaux sociaux. Impulsée par la militante d’origine iranienne, Masih Alinejad, cette contestation prend de l’ampleur.

Depuis la révolution islamique de 1979 qui mène l’Ayatollah Khomeyni au pouvoir en Iran, les femmes iraniennes sont obligées de porter le tchador dans l’espace public, un voile qui laisse apparent le visage mais couvre les cheveux et la poitrine. Une police des mœurs est chargée de surveiller le respect de cette loi par les Iraniennes. Une femme ne portant pas de voile en Iran risque une condamnation qui peut aller de l’amende à la peine de prison. Le voile est également obligatoire pour les étrangères, les touristes et les non-musulmanes présentes dans le pays. Une situation contre laquelle la militante Masih Alinejad se bat depuis des années. Journaliste et écrivaine, cette dernière a vécu en Grande-Bretagne, elle réside et travaille désormais à New York. En 2014, elle crée la page Facebook My Stealthy Freedom (« Ma liberté dissimulée ») pour inviter les femmes iraniennes à publier des photos d’elles sans voile. Depuis peu, des hommes de tout âge postent également des photos sur cette page où ils apparaissent voilés, aux côtés des femmes de leur famille ou de leur entourage la tête découverte, afin de protester contre le port obligatoire du voile. Certaines de ces photos sont prises à l’extérieur du domicile, dans l’espace public, comme pour provoquer encore davantage. Cette campagne est relayée sur Twitter avec le hashtag MenInHijab.

Photo postée sur la page Facebook My Stealthy Freedom

Photo postée sur la page Facebook My Stealthy Freedom.

Par le biais des réseaux sociaux, le mouvement « Men In Hijab » a été repéré par divers journaux, dont le quotidien britannique The Independant qui fut le premier à relayer l’information, et acquiert aujourd’hui une portée internationale. Les photos sont accompagnées de textes en persan, écrits par ces hommes, traduits en anglais et en français. Ainsi, certains Iraniens témoignent de leur soutien aux femmes de leur pays dans leur volonté d’émancipation et ce en bravant les directives gouvernementales. Le symbole est fort, en portant le voile, les hommes se mettent volontairement à la place des femmes, pour mieux comprendre leur situation. Ainsi, ils remettent en question l’idée, souvent véhiculée par nos sociétés occidentales, que tous les hommes de confession musulmane soient pour une pratique conservatrice, ou dite « traditionnelle », de la religion. Une pratique d’autant plus difficile à accepter dans un pays qui a connu la levée du port obligatoire du voile dans les lieux publics avant d’y revenir avec l’installation de la république islamique. Triste ironie, de nombreuses Iraniennes ont pris part à cette révolution avant de voir leur liberté bafouée et certains de leurs acquis sociaux être abrogés.

Scène du film Persepolis de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, inspiré par la bande dessinée autobiographique de l'iranienne Marjane Satrapi, qui narre les événements menant à la révolution en Iran.

Scène du film Persepolis de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, inspiré par la bande dessinée autobiographique de Marjane Satrapi, qui narre les événements menant à la révolution en Iran.

De fait, l’actuel président iranien, Hassan Rohani, a reconnu qu’il existait encore beaucoup d’inégalités entre les femmes et les hommes dans son pays et il a nommé en 2015 une femme à la tête de l’ambassade iranienne de Malaisie. Une décision qui pourrait laisser entrevoir l’espoir d’une évolution de la condition féminine dans le pays. Toutefois, la campagne « Men In Hijab » fait malheureusement peu parler d’elle en Iran, où les réseaux sociaux sont très contrôlés par la police des mœurs.

Masih Alinejad explique que, par cette initiative, elle ne combat pas le voile en lui-même, mais le gouvernement qui l’impose. Elle souhaiterait que chaque femme puisse choisir ou non de le porter, une idée reprise par de nombreux hommes dans leurs textes. Le but est donc surtout de faire entendre, par des moyens détournés, les voix de ces femmes iraniennes souvent censurées et, pourquoi pas, pousser d’autres pays à prendre part au mouvement.

 

Je suis Finistérienne, étudiante en master de littérature comparée et animatrice radio à Rennes. J'écris pour la rubrique littérature de Maze Magazine et participe ponctuellement à Maze Radio - Rennes.

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