« Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés. » A l’heure du bilan, serait-ce le nouveau motto du PS ? Plus rien, entre les Macron, Hamon, Valls et confrères, ne semble faire office de dénominateur commun au sein de la « gauche » française, si l’on parvient encore à placer Macron à la gauche de l’échiquier… Impossible, donc, de rassembler une base électorale solide et d’envisager, en croisant les doigts, un deuxième tour à la présidentielle.
Les incohérences de son Histoire
Au fond, le débat ne date pas d’hier… La gauche a un lourd passé, presque le dernier lien unissant les égos. Pour un parti né au Congrès d’Épinay en 1971, appelons en à l’Histoire.
Depuis le 29 mai 2005, jour du référendum sur la Constitution Européenne, le PS est scindé en deux. La blessure est profonde et cicatrise difficilement entre une majorité socialiste adhérant à 100 % au projet européen et une gauche radicale, rejetant la compétitivité et le libéralisme économique à la sauce bruxelloise. Pour Jacques Chirac, ce référendum devait être une grenade jetée au centre du PS. En effet, Laurent Fabius, alors numéro 2, se prononce pour le non. Opportunisme ? Les plus à gauche campent sur des obligations sociales et rompent l’harmonie, à l’image d’Henri Emmanueli, Arnaud Montebourg (tiens, tiens) et Jean-Luc Mélenchon, qui créa son propre parti à la suite de ce débat. Le consensus obtenu par Hollande par voie démocratique interne sera balayé par le scrutin national… et nourrit toujours des tensions au sein du parti. Mélenchon fait de cet évènement « déflagrateur », « l’acte de naissance d’une deuxième gauche ». Si Ségolène Royal a été soutenue par la majorité, nombreux sont ceux à l’avoir vite abandonnée, une fois la campagne mal engagée.
La synthèse face à l’action
Depuis, la difficulté à se rassembler est évidente. Le PS est face à un bilan implacable : en 2012, quand le parti parvient aux responsabilités nationales, il dirige 27 régions d’alors et 61 départements. Les socialistes détenaient même le Sénat, le moment était historique. Aujourd’hui, seuls subsistent 5 régions et 26 départements. En 2012, tout semblait possible. En 2016, tout paraît s’écrouler. Que s’est-il passé ? François Hollande, lorsqu’il était premier secrétaire du PS, était indéniablement l’homme de la synthèse entre les divers courants de pensée. Une fois propulsé à la tête du pays, le maître des concessions a eut grande peine à imposer une ligne de conduite et à soumettre ses compagnons d’alors. Que de couacs, de rattrapages et de perte de temps… On ne peut que déplorer un manque de pédagogie évident – un comble pour ce parti – dans la description d’une ligne politique.
Par une formule lapidaire, Manuel Valls attestait l’existence, de « deux gauches irréconciliables » le 15 février dernier à Corbeil-Essonnes. A moins d’un an de la présidentielle, la course aux égos est lancée et démontre l’incapacité du PS à faire front derrière un même homme. Ses courants sont multiples, d’où la difficulté d’établir un programme commun, parlant à tous les déçus.
Les plus à gauche ont été poussés dans leurs retranchements par l’adoption – apparentée, pour eux, à une trahison – d’une politique de l’offre, sous l’injonction d’Emmanuel Macron, désormais dans le rôle de Brutus. Renoncer à ses valeurs historiques mais pour quel résultat ? Ceux portés au pouvoir ignorent les protestations de leur base politique qui déserte les rangs, faute de démocratie interne suffisante. Les concessions ne sont que pour Bruxelles, poussant les dirigeants à adopter un repli idéologique, les coupant de leur électorat. La valse des ministères a laissé des places vacantes, symbole de la déception généralisée.
P comme phénix ?
Alors oui, le tableau est bien triste, dépeignant les dernières temps du quinquennat comme un compte à rebours du fait de l’absence de majorité. Même les vingt-quatre frondeurs, après avoir déposé leur motion de censure contre la loi de travail, semblent résignés : ils attendent la fin. Des observateurs annoncent avec fracas le décès de ce parti centenaire, le condamnent à l’inaction avec le retour dans l’opposition, désavouent son inadaptation au monde qui se profile en 2016. Mais n’enterrons pas trop vite le Parti Socialiste : si les guerres mondiales ne l’ont pas anéanti, il se pourrait qu’il renaisse de cette crise, tel le phénix.