CINÉMA

Complete Unknown : rêves de réinventions

Complete Unknown, de Joshua Marston, avait de quoi mobiliser les attentes du public. Deux habitués du festival de Deauville y sont en effet impliqués : son réalisateur, qui avait remporté le grand prix du jury en 2004 pour Maria pleine de grâce, et l’acteur Michael Shannon (Take Shelter), à l’affiche de deux films présentés cette année. Ajoutez à cela l’éblouissante Rachel Weisz, et vous obtenez un film à la hauteur de nos espérances.

C’est un dîner d’anniversaire comme les autres que pensait célébrer Tom, avec son lot de bonne humeur et de petites mesquineries entre amis. C’était sans compter sur la présence de la mystérieuse Alice qui semble surgir de son passé et enchaîne les récits surprenants sur sa vie personnelle. Une nuit, c’est le temps du film, qui se vit presque comme une capsule en temps réel à travers une mise en scène intimiste et immersive. La caméra se pose au plus près des protagonistes pour explorer leurs agitations intérieures, en accord avec un travail sensoriel sur le son reflétant les sensations des deux personnages principaux.

Rachel Weisz porte le film de bout en bout, livrant une partition toute en nuances pour sublimer les multiples facettes de ce personnage de cinéma rêvé, énigmatique et fascinant. L’alchimie est tangible, électrique au sein du duo charismatique qu’elle forme avec Michael Shannon, qui s’illustre une nouvelle fois par la justesse de son jeu dans le rôle d’un homme arrivé à un carrefour de sa vie. Les rôles secondaires du film, bien que peu présents, n’ont rien de faire-valoir artificiels, et la personnalité de chacun éclate en petites touches qui donnent aux scènes de groupe toute leur saveur et leur pertinence.

Avec Complete Unknown, Joshua Marston explore une belle idée de cinéma, dont le ton est posé dès l’introduction du film dans une série de flashs qui brouille les pistes pour le spectateur. Il est question ici d’identité, de réinventions multiples, et en filigrane, de manipulation. Le slogan de l’affiche anglophone “You are what you say you are” (“Vous êtes ce que vous dites que vous êtes”) est parfaitement représentatif du scénario-puzzle du film. Le spectateur ne peut que présumer de la véracité des informations distillées par le film, et ses certitudes se fendillent lorsqu’il se retrouve aussi désarmé que les autres personnages face aux contradictions incarnées par Alice

À mesure que le film se déroule et se dévoile, on oscille continuellement entre tension et douceur alors que les personnages se livrent et se confrontent sans concession dans un échange hypnotisant. On sort de la salle comme on émerge d’un mirage. Une nouvelle preuve que Joshua Marston est un artiste à suivre.

Etudiante en cinéma à la Sorbonne Nouvelle, passionnée d'art et de culture, et aimant en parler.

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