La jeune Adélaïde de Clermont-Tonnerre avait déjà fait parler d’elle avec un premier roman bien accueilli par la critique. Fourrure, aux éditions Stock, avait en effet récompensé par cinq prix littéraires, donc le prix Maison de la Presse et le prix Sagan. Cette année, pour la rentrée littéraire, elle revient avec un second roman qui s’annonce intriguant. Une histoire d’amour, plusieurs époques, des souvenirs et des traumatismes… Le dernier des nôtres a attiré notre attention.
Au début, on y croit. Le coup de foudre entre deux êtres que tout sépare, l’âge d’or des années 19, le rêve américain… L’auteure réussit à recréer à merveille une atmosphère de jeunesse et d’idéalisme de ces années là. On découvre ainsi Werner, Rebecca, Marcus et les autres. Et doucement, on s’attache aux personnages. Il y a Rebecca, l’artiste fille à papa, qui côtoie Wahrol, et fréquente le milieu artistique new-yorkais. Lauren, la hippie californienne. Marcus, le type sympa, mais timide. Et puis Werner, qui fait fortune dans l’immobilier. Tout semble facile. Et pourtant…
En parallèle, le lecteur découvre l’histoire de la génération précédente. Celle qui a connu la guerre, la misère. Celle qui pour survivre a du faire des choix, et parfois, transiger avec la morale. Cette histoire, c’est celle des civils allemands, qui, pendant la seconde guerre mondiale, ont du se battre, parfois sans conviction. C’est aussi celle de scientifiques passionnés, qui, au nom de la science, se sont laissés entraîner. C’est l’histoire des bombardements, et de la capitulation. Et des Américains, qui gracièrent certains scientifiques pour les engager à leur propre compte. Enfin, c’est l’histoire d’un bébé, adopté par une famille américaine, et qui n’a aucune trace de sa famille biologique, si ce n’est ces mots : « Il s’appelle Werner Zilch, c’est le dernier des nôtres ». Tout cela est merveilleusement bien raconté.
Un début prometteur, donc, pour ce second roman.
Oui, mais…
Oui mais rapidement, les personnages se révèlent être des caricatures d’eux-mêmes. Un exemple de ce manichéisme, Johann et son frère, le scientifique et le SS, qui représentent l’innocence et la perversion, le bien et le mal. Et évidemment, le personnage principal, si bon, si beau, ne peut être fils de SS. La bonté est dans ses gènes. Pourquoi pas…
Oui, mais…
Oui, mais les nombreuses coïncidences qui parsèment le livre le rendent encore moins plausible. Certes, ce livre est un roman, pas un témoignage. Et les romans ne sont que fiction. Ils nous font vivre une autre réalité grâce aux mots. Mais pour cela, il faut que l’on y croie. Or, la seconde partie de l’ouvrage parait quelque peu dantesque. Trop d’évènements irréalistes. Trop de descriptions simplistes. L’auteure en fait trop, tout simplement.
Heureusement, Adélaïde de Clermont-Tonnerre reste une belle plume. Dans une prose impeccable, elle évoque de grandes questions : qu’est-ce qui est inné et qu’est ce qui est acquis ? A quoi sert le témoignage ? Y-a-t-il un devoir de mémoire ? Pourquoi a-t-on besoin de connaître nos origines ? Toutes ces questions sont posées avec habileté. Dommage que l’intrigue principale ne soit pas mieux pensée.