SOCIÉTÉ

Du brun au vert, la valse de Vienne

Le 22 mai, tous les regards étaient tournés vers les élections présidentielles autrichiennes. La gauche et la droite éliminés dès le premier tour, l’extrême droite aux portes du pouvoir. Symbole de la dérive populiste en Europe ?

31026 voix d’écart sur 4,5 millions de suffrages exprimés, une goutte d’eau. C’est ainsi que l’écologiste Alexander Van Der Bellen a été élu à la tête de l’Autriche le 23 mai dernier, face à une extrême droite donnée largement favorite. Avant la participation des 900.000 électeurs par correspondance, dimanche 22 mai, au terme dépouillement des bulletins, c’est Norbert Hofer, candidat de la droite radicale FPÖ qui devançait son rival de 3,8 points, avec des scores respectifs de 51,9 % et 48,1 %. L’Autriche retient son souffle.

3.8 points d’écart, et  un gouffre entre deux projets de société

D’un côté un candidat libéral écologiste, qui se présente comme un enfant de réfugiés, européen convaincu, et défenseur d’une politique migratoire généreuse. Professeur d’économie à l’université de Vienne, Alexander Van der Bellen fait campagne au centre et séduit les classes aisées et urbaines.

De l’autre celui de Norbert Hofer, nationaliste, eurosceptique islamophobe, focalisé sur le rejet des migrants, qui fait campagne le pistolet à la ceinture. Des positions, qui font mouche auprès de la présidente du Front National qui salue sa performance au premier tour.

Mes plus sincères félicitations à nos amis du #FPÖ pour ce résultat magnifique. Bravo au peuple autrichien ? ? ! MLP #BPW2016

— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 24 avril 2016

Avec 36,4 % des voix, Norbert Höfer réalise le meilleur résultat du FPÖ à une élection nationale depuis la guerre, loin devant l’écologiste Alexander Van der Bellen (20,4 % des voix).

Vote sanction

Sanctionnés pour leur gestion de la crise migratoire, dans un pays qui a accueilli 1 % de sa population en 2015, les partis social-démocrate et conservateur, en coalition depuis 2008, sont éliminés d’entrée. C’est la gueule de bois. Avec le cinquième taux de chômage le plus bas d’Europe (8,6 %), et un PIB par habitant supérieur à la moyenne européenne, les autrichiens ne souffrent pourtant pas particulièrement de l’austérité budgétaire. Mais derrière les mouvements migratoires, se cache la peur du déclassement.

Dédiabolisation

Entre la présidentielle de 2010 et celles de 2016, le FPÖ gagne 20 points. La recette miracle ? La même que celle du Front National, la dédiabolisation. Le parti se débarrasse de ses cadres encombrants, comme Andreas Mölzer, pour avoir qualifié l’UE de “conglomérat de nègres” en 2014. Peu à peu les propos xénophobes et antisémites, sont gommées, et le FPÖ met l’accent sur le pouvoir d’achat et la protection sociale. Raie sur le coté, 45 ans, ingénieur dans l’aéronautique, difficile de faire plus lisse que Norbert Hofer. La magie opère.

Et maintenant ?

Le président autrichien n’a pas les mêmes pouvoirs que son homologue français, mais il est malgré tout le chef des armées, nomme le chancelier, et peut dissoudre le Parlement. Or, en cas d’élections anticipées, le FPÖ est certain d’arriver en tête.

Le Front National peut bien se réjouir d’ “une courte défaite numérique mais une vraie victoire politique”. Hongrie, Pologne, Croatie, Scandinavie, République Tchèque, Slovaquie : A petits pas, l’extrême droite européenne progresse. Sauf qu’à un an des élections présidentielles françaises, les chances de voir émerger des ruines Europe Écologie les Verts, un candidat au second tour, sont proches de zéro.

Pour toute tentative de corruption merci de demander la grille tarifaire à la direction.

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