Deftones est de retour, toujours aussi classe tant dans la musique que dans le visuel de son nouvel album. La pochette traduit la patience d’une photographie imprévisible, une patience mise à profit dans la production puisqu’il aura fallu attendre quatre ans depuis Koi No Yokan pour que cette galette indispensable voit le jour. L’autoproduction de l’album et la volonté de toujours marquer son identité pour sortir de la case Skate sont à la fois moteur de création et frein de production. Deftones innove et trouve sa signature sonore et son indépendance totale dans ce nouvel opus.
L’album se veut à la fois atmosphérique et brutal, saisissant la violence à des moments opportuns comme si ces derniers ne passaient qu’en coup de vent dans l’album. Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Diamond Eyes, album dont la légèreté volatile des mélodies faisait corps avec la pesanteur des compositions. L’alternance de riffs Heavy presque traditionnels se mêle à l’originalité du groove unique de Carpenter sur Doomed User. Geometric Headress est aussi la preuve d’une science de l’équilibre dans la formation de Sacramento. Même catalogué, Deftones est un groupe d’une grande finesse.
Le titre Gore décroche la mâchoire par un coup de poing catégorique et décoche un son de guitare Meshuggesque, développé notamment au travers de Sol Invicto. Tous les breaks respirent la précision, et l’adolescence des cris de Chino Moreno, souvent surdosés au fil des albums, fait finalement le charme de ce morceau. Le son s’affine grâce à la curiosité des membres et leurs découvertes, mais leurs projets annexes (Palms, Crosses…) semblent parfois mobiliser la création qui pourrait être mise à profit dans Deftones. L’apparition de Jerry Cantrell sur Phantom Bride semble ainsi logique : le groupe s’entoure des meilleurs pour sublimer son art.
Frank Maddocks est aux commandes du visuel depuis l’album é(White)ponyme qui signait les débuts de la finalisation de l’identité de Deftones. Le photographe vient sublimer l’œuvre en traduisant la musique par l’élégance et l’originalité d’une prise rare. Les collaborateurs sont indivisibles, inscrivant Deftones dans l’éternité.
Peut-on vraiment être déçu par un nouvel album dans la mesure où la recette magique est toujours omniprésente ? Les musiciens sont dans le confort d’une esthétique dessinée par le temps et décidée par l’expérience, mais n’en restent pas moins créatifs, prenant le risque de parsemer les albums de tubes accessibles ou de polyrythmies soudaines. Malgré une baisse de régime sur (L)MIRL, Phantom Bride et Rubicon, cet album est marqué par la volonté de ne jamais cesser l’expérimentation sonore. Les rares morceaux fades doivent juste nous donner envie de plonger à nouveau dans la riche discographie d’un groupe qui ne cesse de s’inventer.
© Frank Maddocks