La question d’un revenu de base universel se pose aujourd’hui dans de nombreux pays. La Finlande, notamment, a pour projet de remplacer toutes les aides sociales existantes par un revenu de base de 800 euros, accordé à toute la population, indépendamment du travail des individus. Cette idée peut paraître révolutionnaire. Pourtant, l’idée d’un revenu de base n’est pas si nouvelle…
Dès 1968, René Barjavel, dans son livre La nuit des Temps, imagine une société perdue, Gondawa, qui, grâce aux nouvelles technologies et à l’essor de l’intelligence artificielle, offre chaque année à ses membres « une partie égale de crédit, calculée d’après la production totale des usines silencieuses ». Les membres de la communauté ne se définissent pas par rapport à leur travail, comme c’est aujourd’hui le cas.
Ce roman de science-fiction décrit une société utopique où chacun a droit à un revenu « largement suffisant pour lui permettre de vivre et de profiter de tout ce que la société peut lui offrir ». Les Gondas ont donc un rapport au travail très différent de celui que nous avons actuellement. Le travail n’est pas perçu comme un moyen de survie, mais seulement comme un instrument leur permettant de vivre plus confortablement.
« Les usines fonctionnaient sans main-d’œuvre et avec leur propre cerveau. Elles ne dispensaient pas les hommes de tout travail, car si elles assuraient la production, il restait à accomplir les tâches de la main et de l’intelligence. Chaque Gonda devait au travail la moitié d’une journée tous les cinq jours […]. Il pouvait, s’il le désirait, travailler davantage. Il pouvait, s’il voulait, travailler moins ou pas du tout. Le travail n’était pas rétribué. […] À celui qui choisissait de ne pas travailler du tout, il restait de quoi subsister et s’offrir un minimum de superflu. »
Le revenu de base, une solution humaniste
Si aujourd’hui, les raisons qui poussent certains pays à envisager le revenu de base universel sont avant tout économiques, pour régler les problèmes de chômage par exemple, à Gondawa, le revenu de base est avant tout une question de valeurs. Il s’agit de « distribuer la richesse nationale en respectant à la fois l’égalité des droits des Gondas, et l’inégalité de leurs natures, chacun dépensant son crédit selon ses goûts et ses besoins. » Une telle organisation sociétale promeut une vision humaniste de l’Homme. Il se définit par sa liberté plutôt que par son travail. L’auteur va même plus loin, puisqu’il imagine une société sans patrimoine avant de préserver l’égalité : « Pour éviter l’accumulation des possibilités de paiement entre les mêmes mains, ce qui restait des crédits était automatiquement annulé à la fin de chaque année. Il n’y avait pas de pauvres, il n’y avait pas de riches, il n’y avait que des citoyens qui pouvaient obtenir tous les biens qu’ils désiraient. » Ainsi, Gondawa représente un idéal où tous les membres de la société sont égaux grâce au revenu de base universel.
Néanmoins, le roman montre également les limites d’un tel système, en condamnant la trop grande confiance que les Gondas accordent à la science et aux machines. En effet, Gondawa, entrainée dans un bellicisme effréné et dépassée par sa propre technologie, finit par détruire sa propre civilisation.