LITTÉRATURE

Kenneth White, Un monde ouvert – Anthologie personnelle

« La violence de la poésie / est calme et silencieuse / et pénètre loin – / jusqu’à l’os / jusqu’au blanc. »

Si j’avais eu en tête ces vers du poète Kenneth White, j’aurais pu les citer pour faire écho aux propos d’une amie qui me faisait très justement remarquer il y a quelques jours, au détour d’une conversation, qu’un régime de poésie est un comportement alimentaire littéraire tout ce qu’il y a de plus sain. L’abondance de mots et de passions étalés sur des milliers de pages qu’on retrouve dans les romans ou dans les pièces de théâtre peut en effet parfois nuire au lecteur et à son confort, quand la poésie, langage des origines venus des temps immémoriaux, nous ramène à des lignes de percussions stables et épurées où notre esprit peut trouver une base solide sur laquelle s’épanouir. Et s’il y a bien un poète qui a su trouver les mots robustes et intemporels sur lesquels bâtir une œuvre qui résistera au temps, il s’agit incontestablement du bientôt nonagénaire Kenneth White, grand voyageur écossais installé en France, véritable chanteur des éléments qu’il sait magnifier et barde des temps modernes.

Kenneth White est un poète du voyage et de la nature, qu’il décrit d’une façon nouvelle et singulière, dans un phrasé simple et accessible qui ne retire rien à la dimension onirique des thèmes abordés : l’espace, la grandeur du monde et de l’horizon, le ciel ponctué d’oiseaux, l’évasion de la solitude et les différents minéraux qui forment un sol rassurant et stable pour nos vies humaines. Du haut de notre jeune âge, l’idéal pour se plonger dans les écrits de Kenneth White reste son anthologie personnelle, Un monde ouvert, parue dans la collection poésie de Gallimard, qu’il convient à mes yeux de découvrir, pour une lecture optimale, entre deux correspondances en train. On a là, en format poche, dans nos mains qui aimeraient tenir du sable de toutes les plages du monde, une ode au granit, à la terre, aux oiseaux divers, aux autres créatures du monde, à la mer, aux saisons, aux forêts, aux vents et aux montagnes enneigées. Kenneth White décrit superbement notre monde ouvert, dans un style intime et dépouillé, dans une courte construction de vers qui sentent les embruns et qui invitent au voyage. Luxe, calme et volupté, comme aurait pu écrire un autre grand poète.

Dans son anthologie personnelle, Kenneth White s’intéresse également aux destins de grands hommes et d’anonymes qu’il associe à la description d’une nature sauvage et immaculée dans laquelle il convient de se fondre pour se réaliser. Ainsi, Le Testament d’Ovide m’apparaît dans cette anthologie comme l’un des plus beaux poèmes que j’ai lus, d’une surprenante et originale romanité. « Le monde se révélait / plus vaste et plus exigeant / que je ne l’avais imaginé. », fait dire Kenneth White au grand auteur latin. Voilà qui pourrait servir de conclusion pour vous encourager vivement à découvrir les poèmes d’un ermite qui parle aux foules par une poésie simple et épurée, mais pleine d’une beauté sauvage et délivrée.

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