MUSIQUE

Goodbye, Lemmy.

Alors c’est comme ça que Lemmy est parti ? C’est vrai que la San Pellegrino avait remplacé le Jack Daniels aux derniers concerts, que Lemmy tremblait et s’éclipsait entre deux morceaux, mais il était toujours sur scène. Il a toujours été là, jusqu’au bout, il avait prévu de l’être encore, de tourner avec ses deux potes et de nous régaler avec son jeu de basse et sa voix rocailleuse.

Ian Fraser luttait mais Lemmy lui donnait la force, le courage et l’envie de monter sur scène et de chanter. De jouer vite et fort un heavy-rock reconnaissable entre mille et de provoquer la frénésie. « We are Motörhead and we play rock’n’roll », un bon vieux rock’n’roll old school, celui qui inspire et qui fédère. La verve d’un Lemmy endiablé, né pour perdre et qui a vécu pour vaincre, qui condensait son talent en quelques minutes de morceau, suffit à l’inscrire dans la légende.
Il avait été l’un des roadies de Jimi Hendrix avant de rejoindre le groupe psyché Hawkwind et de fonder son propre groupe, Bastards, qui deviendra Motörhead en 1975. S’en suivent alors quarante ans de composition pour nous offrir une vingtaine d’albums studio, quarante ans de route avec un micro toujours trop haut pour lui ; quarante ans qui ont suffit à faire naître pléthores de groupes de rock ou de metal qui font aujourd’hui headbanger leurs fans. Le 28 décembre 2015, Ozzy Osbourne pleure son meilleur ami, Megadeth et Mötley Crüe saluent leur plus grande source d’inspiration alors que Dave Grohl se fait graver un as de pique à tout jamais dans la peau.

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En 1982, le trio britannique se laisse photographier. Le succès de Motörhead grandit – © SIPA

« Everything Louder than Everyone Else »

Gardien d’un style, pionnier ou fédérateur, voyez-le comme vous le voulez. Il ne vous aurait pas écouté – de toutes manières, il n’écoutait personne. Mourir ne lui faisait pas peur. Voir si Dieu existe, tel était son but. On peut supposer qu’il a attendu la faucheuse avec un Jack et une clope, histoire de se tenir tranquille et de ne pas l’éviter. Dans Ace of Spades, il chantait qu’il « ne voulait pas vivre à jamais ». Cela restera sûrement le seul point de divergence avec son public, celui qui était convaincu que Lemmy parviendrait à choper un marteau pour abattre la mort elle-même, d’un grand coup derrière la nuque pour qu’elle goûte aussi à la nuit éternelle. Son public est bouleversé, mais va continuer de jouer toujours plus fort la musique de Lemmy et lâcher le plus de décibels en buvant quelques verres. En bref, il va honorer l’un des derniers grands survivants du rock, un de ceux qui ne cessera pas de rugir de si tôt.
Ce biker en mini-short, c’est celui qui avait parcouru le monde, sa passion l’entraînant vers des hommes qui l’épauleront et qui lui resserviront un whisky, des femmes qu’il aimera le temps d’une nuit avant de repartir et celles qu’il fera juste rire.

Les bacchantes aussi mythiques que la Rickenbacker, Lemmy avait séduit. Ce monde qu’il avait parcouru s’était mis à ses pieds. La légende retiendra de ce monstre sacré sa démesure, son excès, sa bouteille de Jack quotidienne et son addiction au speed qui faisait de lui un vrai « Motörhead ». Si c’est ce qu’on retiendra, ce qui a été gravé dans la pierre par ce guerrier du rock’n’roll, ce sont des riffs fracassants, une musique intemporelle et un talent assassin. Ian Fraser s’est éteint alors qu’on le pensait immortel, mais Lemmy restera cet indestructible, cette pupille sanglante dans la nuit noire.

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